Quel est votre parcours ?
J’ai grandi dans le sud de l’Angleterre. Personne d’autre dans ma famille n’appartient au monde du théâtre ou de la chanson. Mais moi j’étais mordu. Je suis allé à Londres où j’ai intégré une école de théâtre dont je suis sorti diplômé au bout de trois ans en jeu et théâtre musical. J’ai eu de la chance : avant mon diplôme, j’ai joué dans Grease, ma première comédie musicale. Et depuis neuf ans, ma chance ne m’a jamais lâché : j’ai joué dans le West End, partout dans mon pays, dans le monde. J’ai joué Joseph dans Joseph and the Amazing Technicolor Dreamcoat… c’était formidable ! La dernière fois que j’ai travaillé à Paris, c’était il y a deux ans dans Singin’ in the Rain au Grand Palais : j’étais le ténor et aussi Rod le publiciste… J’ai tellement de chance de pouvoir revenir, et maintenant je suis plus familier avec la ville. Je n’irais pas jusqu’à dire que je suis parisien (rires) ! Et c’est chouette de retravailler avec Stephen (Mear, le metteur en scène et chorégraphe de Funny Girl, N.D.L.R.). C’est la troisième fois que je travaille avec lui, après Singin’ in the Rain et Thoroughly Modern Millie il y a quelques années. Il est tellement fantastique, très ouvert à vos idées sur ce que le personnage devrait être, ce qui est rafraîchissant car, parfois, on se retrouve contraint. Stephen nous laisse trouver notre personnage.
Justement, comment avez-vous fait pour trouver votre personnage, Eddie ?
À mes yeux, tout ce que l’on doit savoir d’un personnage se trouve dans le livret. Je le lis avec beaucoup de soin, je note tous les renseignements à propos du personnage, qui sont donnés soit par lui-même soit par les autres personnages, et si on ajoute les intentions de la mise en scène, j’obtiens l’essence de ce que le personnage requiert, je comprends au mieux pourquoi il est là. Dans cette production particulièrement – c’est fait différemment dans d’autres –, le personnage d’Eddie est follement amoureux de Fanny au point que ça vous brise le cœur : quoi qu’il fasse, quoi qu’il tente, quoi qu’il essaie de faire comprendre à Fanny, notamment que Nick Arnstein n’est pas ce qu’il y a de mieux pour elle, il est constamment rabroué. Il reste cependant à ses côtés, tant au théâtre que dans la vie. Parfois, même si on n’arrive pas à avoir les gens comme on voudrait qu’ils soient, on préfère continuer d’être une partie importante de leur vie. Ça montre à quel point il devient proche de Rose, la mère de Fanny ; il apparaît dans toutes les scènes de famille à tel point qu’il en fait quasiment partie. C’est un des éléments importants que j’ai intégrés dans la façon dont je joue le personnage. Je pense que ça renforce les scènes de confrontation avec Fanny – il y en a quelques-unes – car, s’il n’y avait pas cette relation sous-jacente entre eux, l’impact serait très différent…
D’un point de vue plus technique, il a fallu que je me remette à la danse. Dans ma dernière production, Miss Saigon, mais même dans Joseph, je ne dansais pas vraiment. Il a donc fallu que je réapprenne à m’étirer ! J’ai vraiment adoré. Et puis ça me remue aussi ! Je commençais à me sentir poussiéreux (rires) ! J’ai un petit numéro avec un chapeau à réaliser, et c’est ce qui m’a demandé le plus de travail !
Vous semblez avoir une belle complicité avec Rachel Stanley ?
Avec Rachel (qui joue la mère de Fanny, N.D.L.R.), nous avons un numéro en duo dans la première partie : « Who Taught Her Everything She Knows? ». Elle et moi adorons tellement ce numéro ! Nous passons un moment merveilleux ! Nous jouons deux personnages secondaires qui ont connu ou connaissent des moments difficiles, ce qui rend notre complicité plus forte. C’est un peu comme si, avec ce passé, on avait encore plus le désir de voir des gens s’amuser, ne pas s’appesantir sur nos peines.
Pensez-vous que les comédies musicales peuvent aider les gens à mieux vivre ?
Je pense que les comédies musicales sont de jolis moyens de s’évader. C’est mon cas lorsque je vais au théâtre. Quand on lit un livre, on nous raconte une histoire, mais au théâtre, on s’asseoit et on regarde une histoire : je peux m’immerger entièrement dans ce qui se passe. Et c’est différent d’un film, car les gens qu’on regarde sont réellement là ; l’émotion est différente et peut être plus puissante. La vie parfois occupe tellement votre esprit qu’on en oublie les belles choses et celles que vous offre le théâtre font partie des plus merveilleuses. On est concentré et on prend du plaisir à suivre l’histoire qui se déroule sous vos yeux. Et puis, j’aime écouter la musique : elle peut vraiment renforcer tout ça, quand on veut plus que des mots. Dans ce spectacle, il y a des chansons tellement belles, tellement puissantes. La chanson que je trouve la plus belle est « The Music That Makes Me Dance ».
Votre travail avec James McKeon permet le juste d’équilibre d’émotion.
Oui ! J’ai déjà travaillé avec James auparavant. C’était mon directeur musical pour Les Miz à Londres. On se connaît bien, il est très drôle, je l’aime beaucoup.
Parlez-nous de votre travail avec lui…
Le début des répétitions permet de tout passer en revue. Puis, le travail consiste à voir ce qu’on veut faire d’une chanson, quels légers changements on peut introduire ici ou là. Bien sûr, il y a toujours des négociations (rires) ! Avec James, ça se passe très bien. Naturellement, après la représentation, il fait de brefs commentaires sur ce qui s’est passé, c’est toujours ainsi. C’est important d’avoir quelqu’un de solide, et à qui on peut aussi parler, car, si on sent que quelque chose ne va pas, il est heureux de pouvoir vous aider. Il faut aussi tenir compte que, sur de longues productions, au rythme de 7 ou 8 représentations par semaine, on ne se rend pas toujours compte qu’on varie légèrement d’un soir à l’autre, donc c’est essentiel d’avoir quelqu’un pour vous remettre dans le droit chemin. Et James a une manière très agréable de le dire, sans qu’on se sente grondé (rires). Mais il ne faut pas oublier le reste de l’équipe, vraiment soudée. Et il faut croire que ça marche : depuis la première, le public a été fantastique. Nous avons une standing ovation tous les soirs. J’espère que cela continuera ainsi !
L’accueil de Funny Girl par le public français est-il différent de celui de Singin’ in the Rain ?
Oui ! Au Grand Palais, le public était assez loin. Ici, il est beaucoup plus proche de la scène, nous ressentons davantage ses réactions et son plaisir ; ça ajoute à l’excitation, ça vous donne un regain d’énergie, ça vous stimule encore plus fortement. C’est un tel compliment, lorsqu’on entre en scène, de recevoir les encouragements et les applaudissements. Le public français peut être un peu réservé, parfois. Mais j’ai eu de la chance : les deux spectacles que j’ai faits à Paris ont été vraiment bien reçus. Pourvu que ça dure !