Le décor n’est pas entièrement arrivé, les costumes encore sous les housses, et le maquillage dans ses trousses, pourtant du Palace parvient déjà le fameux gimmick musical de la famille la plus drôle et macabre des États-Unis : les Addams. Quelques notes reconnaissables entre toutes, qui ont fait le tour du monde et s’apprêtent à résonner à Paris. L’œuvre musicale va en effet y être proposée au public français dès le 15 septembre prochain, traversant l’Atlantique pour la première fois. Reprenant, à son tour, les histoires de Charles Addams, publiées dans les années 30, et largement popularisées par les films des années 90, The Addams Family fut créée en 2009 à Broadway, signée du trio Marshall Brickman et Rick Elice (les auteurs du livret de Jersey Boys) et Andrew Lippa (paroles et musiques).
« C’est le producteur Lorenzo Vitali qui a choisi de faire venir le musical en France » explique Ned Grujic à Regard en Coulisse, « et il m’a demandé de le mettre en scène ». L’homme, qui avait déjà œuvré sur Frankenstein Junior, n’est donc pas tout à fait dépaysé, retrouvant un même univers étrange et fantaisiste. « C’est une re-création de l’œuvre américaine, entièrement fidèle à celle présentée aux Etats-Unis. Tout y est respecté. Musicalement bien sûr, mais aussi spirituellement. Le livret que le public découvrira, respecte largement l’humour macabre et délirant qui a fait la réputation de cette famille et assuré son succès international. » Parolier et traducteur depuis trente ans, –Shakespeare fait partie de ses classiques–, Ned Grujic en a assuré lui-même l’adaptation. Les choses sont d’ailleurs très simples à ses yeux : « Les Addams sont en fait une caricature de la famille modèle américaine des années 30 : mère femme au foyer, père séducteur, enfants qui se disputent… des personnages certes originaux, voire déjantés, mais libres. Cette liberté fait leur force et les rend très unis. Pour le reste, c’est une histoire très classique, presque le même pitch que La Cage aux Folles : deux mondes qui se rencontrent (Les Addams et les Beineke ndlr) avec des incompréhensions, créant des quiproquos. Seuls changent le contexte, la cocasserie des personnages, le burlesque et cette atmosphère étrange et inquiétante. » Sa mise en scène, spécialement imaginée pour le show parisien promet de nombreux effets et surprises, notamment une maison haute de plusieurs mètres pouvant se déplacer, tourner et s’ouvrir au milieu d’un cimetière…
Mais pour l’heure au Palace, point de pleine lune ou de pierres tombales. Seul le synthétiseur de Raphaël Sanchez, directeur musical, trône au milieu de la scène, où se relaient les seize comédiens-chanteurs de la troupe, en répétitions intenses. « Nous bossons non-stop depuis plusieurs semaines » explique Charlotte Hervieux, (Raiponce et le prince aventurier) « car le spectacle est particulièrement riche. C’est un mix d’une comédie de boulevard à la sauce Broadway, qui pourrait presque plaire davantage à un public de théâtre qu’au public habituel de comédies musicales ». « Il est écrit comme une vraie pièce » complète son partenaire Simon Gallant (Un Noël à New-York, Broadway au Carré), « un vaudeville, où se mêlent quiproquos et secrets cachés, avec un jeu très dynamique ». Il y a encore quelques semaines, la jeune artiste qui interprète Mercredi, sorte de fil rouge du spectacle, ne connaissait pas son partenaire de scène, dont elle est folle amoureuse dans l’histoire. Tous deux se sont apprivoisés. « Nous sommes maintenant complices » sourit Simon Gallant. Arrivé sur Paris en 2014, le chanteur de 21 ans, passionné de Sondheim, est sorti de l’ECM en juin. « Musicalement, c’est un show très enlevé, très swing, avec de grands numéros chantés-dansés dans le plus pur esprit de Broadway. Ce mélange vaudeville- cabaret est vraiment la force du spectacle. » Sa difficulté aussi pour les comédiens : « Charlotte enchaine plusieurs chansons dans le premier acte, qui sont tout sauf faciles vocalement, elles s’apparentent typiquement à ce que les américains appellent des ‘performances’».
La Troupe de La Famille Addams ©DRLes « petits jeunes » côtoieront sur scène des artistes confirmés : « Je voulais travailler sur les contrastes, avec des artistes très différents, tant au niveau physique, qu’au niveau de leur parcours » indique Ned Grujic, « afin que personne ne joue de la même manière, de la même école, car dans cette famille, les personnages sont extrêmement contrastés, sur tous les plans. » Poids lourd du musical, Cyril Romoli (Mistinguett, 1789, Le Roi Lion, Chance) sera Malcolm Beineke, Laurent Conoir (Duo sur Nougaro) « un habitué du théâtre avec un parfait côté meneur de revue » sera Fétide, Lucie Riedinger (La petite fille aux allumettes, Les instants volés) campera Morticia, « avec son charisme, son physique, c’est une évidence ». Quant à Guillaume Bouchède, il sera Gomez. « Avec ce spectacle très théâtral, dont le jeu demandé est très en rupture, il est indispensable d’avoir des artistes pointus qui donnent du relief au récit, qui maitrisent les réparties. Guillaume est de ceux-là, c’est un formidable comédien ».
Guillaume Bouchède, justement, vient d’achever deux heures d’entrainement avec un maitre d’armes. Metteur en scène, coutumier des planches, (Addition, Pour cent briques t’as plus rien, Les Fiancés de Loches), son rôle sera moins vocal et davantage dans l’interprétation : « C’est un beau challenge. Je me souviens de Nathan Lane à Broadway. Contrairement à Morticia, l’image de Gomez est moins précise, cela me laisse plus de liberté. L’idée est de trouver le juste milieu entre ce côté un peu hidalgo, racé, fier de lui et en même temps, goguenard, rigolo. C’est un séducteur et un comique, voilà sans doute pourquoi on m’a choisi !». Attendu sur scène par Julia Ledl, la chorégraphe, l’artiste glisse une confidence : « En plus d’être escrimeur, Gomez a l’habitude de danser le tango trois fois par semaine avec son épouse. Physiquement, c’est donc particulier pour moi qui ne suis pas danseur. Avec Lucie, nous travaillons le tango comme des hystériques depuis cet été. Notre chorégraphe est formidable, elle rend possibles des choses inimaginables ! »
Une musique hispanisante donc –Gomez est d’origine espagnol–, mais pas que : « La Famille Addams est pleine d’influences musicales » détaille Raphaël Sanchez. « En plus de ce vrai tango argentin (parodié), il y a de la rumba, du jazz, de la pop, du pur Broadway. Il y a même une scène que l’on dirait tout droit sortie de Chicago. » « La musique me semblait, au début, assez peu originale. En fait, elle est très finement écrite, finement orchestrée, et finement harmonisée pour les voix, qui sont traitées comme des instruments de l’orchestre. C’est très rare sur un spectacle que l’on aurait tendance à qualifier de populaire. Il n’y a pas deux refrains harmonisés de la même façon! » Et le directeur musical de poursuivre : « Je retrouve une écriture d’orchestre classique, de très grande qualité, avec un vrai sens du détail. Sans compter que l’œuvre compte de nombreuses polyphonies complexes, mêlant les rôles principaux et le chœur. » « On a l’impression que n’importe qui peut jouer la Famille Addams, c’est loin d’être le cas » ose le directeur musical, confiant en sa troupe, « il faut d’excellents comédiens, capables d’assurer vocalement le travail d’orfèvre que sont les partitions. Capables aussi de faire rire et de toucher le public. » Les artistes sont prévenus… et le public aussi: la rentrée sera macabre!
La Famille Addams
Dès le 15 septembre au Palace — 8 Rue du Faubourg Montmartre, 75009 Paris — M° Grands Boulevards
Avec Guillaume Bouchède, Lucie Riedinger, Cyril Romoli, Charlotte Hervieux, Magali Guerrée, Vincent Gilliéron, Dalia Constantin, Laurent Conoir, Stéphanie Gagneux, Simon Gallant, Jean-Baptiste Darosey, Julie Costanza, Barbara Peroneille, Rosy Pollastro, Alexandre Bernot, Bart Aerts.
Réservations: http://www.theatrelepalace.fr/spectacle-la-famille-addams/