Emma Kate Nelson loves more than a piano !

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Épatante dans le rôle de Norma Cassidy dans une version britannique épurée de Victor, Victoria et désormais bien connue du public français grâce à ses formidables prestations dans Singin' in the Rain, Street Scene, 42nd Street, Peau d'âne, Emma Kate Nelson, anglaise d'origine, prépare actuellement un spectacle dont la première aurait dû avoir lieu le 12 décembre prochain et se trouve repoussée au 16 janvier 2021, avec les incertitudes que l'on sait... Mais Emma-Kate Nelson n'est pas du genre à se décourager.

N.B. : Cette inter­view a été effec­tuée avant les annonces du gou­verne­ment de ne pas rou­vrir les lieux de cul­ture à par­tir du 15 décem­bre, comme il était ini­tiale­ment prévu. Même si elle a été mise à jour, elle com­porte des élé­ments en rela­tion avec cette péri­ode où artistes et tech­ni­ciens pen­saient pou­voir exercer de nou­veau leur méti­er après des mois de répétition…

 

Com­ment définiriez-vous I Love A Piano ?
C’est mon pre­mier spec­ta­cle solo… Enfin, je devrais par­ler d’un duo puisque la place du piano y est prépondérante. En rai­son de l’arrêt des spec­ta­cles, notam­ment des gross­es pro­duc­tions, je me suis demandé com­ment con­tin­uer dans une forme plus petite, pra­tique, facile à répéter. À l’heure où je vous par­le, nous met­tons en forme la ver­sion de con­cert, car dans le futur, nous aime­ri­ons que cela devi­enne une vraie pièce de théâtre. Il s’agit donc d’un pre­mier pas vers quelque chose de plus ambitieux et que nous essayons de con­cep­tu­alis­er en ten­ant compte des impondérables qu’impose cette crise san­i­taire – par con­séquent en util­isant tous les moyens de com­mu­ni­ca­tion mis à notre dis­po­si­tion pour que le pro­jet rassem­ble des gens de dif­férents pays et puisse devenir protéiforme.

Il s’agit par con­séquent d’un point de départ…
Tout à fait. L’idée est que I Love A Piano soit fédéra­teur et per­me­tte à de nom­breux artistes de s’exprimer. C’est mon rêve. Il s’ag­it de com­mencer petit et, si tout va bien, de grandir en inclu­ant de nou­velles per­son­nes et en créant un site où l’on pour­ra partager nos éner­gies pour nour­rir ce pro­jet, alors même que nous ne pou­vons pas nous pro­duire sur scène dans de gross­es pro­duc­tions. Je tra­vaille avec un choré­graphe suisse, avec d’anciennes « rock­ettes »… Nous avons égale­ment un pro­jet d’enregistrement avec un autre artiste. Avec les nou­velles mesures liées à la non ouver­ture des lieux cul­turels, la ver­sion du spec­ta­cle qui devait se tenir sur la scène du Châtelet est annulée. Nous avions com­mencé à tra­vailler, mais ain­si va la vie…

Com­ment le pro­jet a‑t-il pu se concrétiser ?
Durant le con­fine­ment actuel, j’ai écrit au Châtelet afin de savoir s’il était pos­si­ble de louer le stu­dio de répéti­tion pour pré­par­er et enreg­istr­er ma par­tic­i­pa­tion à la chan­son de Noël sur laque­lle je tra­vail­lais en col­lab­o­ra­tion avec l’organisation Dancers on Broad­way, j’avais tra­vail­lé avec cer­tains d’entre eux l’an passé en Amérique pour The Jazz Christ­mas Won­der­land. Peu de temps après que Char­lotte Gau­thi­er et moi avons été sol­lic­itées par le Châtelet pour par­ticiper à l’action « Châtelet sur le toit » qui con­siste à jouer… sur le toit du théâtre. J’ai invité les cham­pi­ons de cla­que­ttes Dorel & Cos­tel Surbeck à nous rejoin­dre. Rapi­de­ment nous avons mis au point un numéro choré­graphié à la mode de Broad­way. Tout cela a été filmé et on nous a demandé à par­ticiper à un con­cert pour le 31 décem­bre. Tout n’est, espérons-le, que par­tie remise. Il faut, de toute façon, con­tin­uer ; il faut juste s’adapter et j’userai de toute mon énergie pour pro­mou­voir dans les mois qui vien­nent des con­certs regroupant nom­bre d’artistes pour main­tenir la flamme, jusqu’à ce que les gross­es pro­duc­tions de comédies musi­cales puis­sent reprendre.

Pour revenir à la forme ini­tiale du spec­ta­cle, vous par­lez de la place impor­tante du piano, quelle est votre approche ?
J’ai voulu saisir à tra­vers le piano, qui se trou­ve vrai­ment au cen­tre – loin des orchestres aux cuiv­res ruti­lants que j’adore –, l’essence des mélodies, arrangées pour l’occasion par Cal­lum Au et inter­prétées par ma com­plice Char­lotte Gau­thi­er. Mon idée était d’étudier et de chercher, juste avec des arrange­ments au piano, à redé­cou­vrir des mélodies célèbres. C’était la pre­mière par­tie de mes réflex­ions. Et ain­si retrou­ver le style des années 40 de la MGM : Irv­ing Berlin, Cole Porter, c’est un peu ma spé­cial­ité. À l’heure où la comédie musi­cale prend de nou­veaux tour­nants avec des spec­ta­cles comme Hamil­ton ou Ghost – et d’ailleurs, ça me plaît ! –, il me sem­ble impor­tant de célébr­er ces clas­siques qui sont un peu nos fon­da­men­taux. Jeune, mes pro­fesseurs se référaient sans cesse à ces chan­sons et j’ai tou­jours aimé ce côté old fash­ioned qu’exige leur inter­pré­ta­tion. Il ne faut pas les met­tre au rebut, c’est aus­si l’un de mes buts avec ce spec­ta­cle : main­tenir ce pat­ri­moine vivant. Notre explo­ration inclut du charleston, de la rum­ba, du swing… afin de célébr­er tous ces styles musi­caux, au cours d’un spec­ta­cle fon­cière­ment opti­miste con­duit par une ligne direc­trice, mais je tiens à ce que chaque chan­son soit un petit voy­age en soi. Force est de con­stater que les paroles de ces chan­sons réson­nent énor­mé­ment avec ce que nous vivons aujourd’hui. Elles pren­nent des teintes dif­férentes avec l’actualité. Prenez « Cock­eyed Opti­mist » de Rodgers et Ham­mer­stein, vous allez la redé­cou­vrir je pense !

Emma Kate Nel­son et Char­lotte Gauthier

Com­ment choi­sis­sez-vous les chansons ?
Un ent­hou­si­asme chas­se l’autre, il faut bien réfléchir à ses choix pour bâtir un spec­ta­cle qui se tienne, avec la peur de se tromper. Mais fort heureuse­ment, Cal­lum Au, com­pos­i­teur et arrangeur à Lon­dres, m’aide à m’y retrou­ver. Mais qu’est-ce que ça prend comme temps ! Le con­fine­ment a pour effet béné­fique, pour ce genre de pro­jet, de me per­me­t­tre d’avoir… le temps. Met­tre sur pause nos vies si rapi­des, dans lesquelles la tech­nolo­gie prend le pas sur le cerveau, qui lui a besoin de pren­dre son temps. Ce ralen­tisse­ment imposé per­met de con­sid­ér­er les choses dif­férem­ment. Je préfère voir les choses de manière positive.

Ce sera une ver­sion piano-voix, vous changez donc de registre…
J’ai telle­ment l’habitude sur scène de jouer des per­son­nages assez excen­triques que je voulais aus­si explor­er musi­cale­ment et vocale­ment de manière plus per­son­nelle, et pas comme Lina Lam­ont ! Je souhaite m’éloigner des clichés des rôles améri­cains que nous con­nais­sons tous et adorons.

Par­lez-nous de votre car­rière française…
J’adorerais devenir parisi­enne, mais je crains que ce ne soit très dif­fi­cile ! Je voy­age beau­coup et je suis présente en France régulière­ment depuis cinq ans grâce à Sin­gin’ in the Rain, mais j’ai passé aus­si du temps en Alle­magne, en Amérique, en Aus­tralie… Je reviens sou­vent chez vous, c’est vrai. L’Angleterre reste ma terre natale, j’adore l’opportunité qui m’est don­née, grâce à mon tra­vail, de tant voy­ager. Pour évo­quer la sit­u­a­tion présente, le pre­mier jour du pre­mier con­fine­ment, j’étais à Lon­dres avec Marie Oppert, qui devait don­ner son réc­i­tal pour la sor­tie de son album. Nous déje­u­nions ensem­ble et avons enten­du la déci­sion du gou­verne­ment. Je lui ai dit : « Fais tes valis­es, je te rac­com­pa­gne à Paris. » Et depuis, je n’ai depuis plus quit­té votre pays ! J’ignore ce que le futur nous réserve. Alors je tente d’apprendre votre langue, qui se mélange par­fois avec l’allemand, que j’ai appris en prof­i­tant de mon long séjour out­re-Rhin. Mais je vous promets que je vais m’améliorer, c’est impor­tant pour moi, d’autant que j’adorerais pou­voir être engagée dans des pro­jets français.

Si le pub­lic français vous a vue dans Sin­gin’ in the Rain, 42nd Street et Street Scene, depuis votre appari­tion en français dans Peau d’âne, selon moi, vous êtes désor­mais inté­grée au monde du musi­cal français.
Cela me fait très plaisir de l’entendre ! J’ai de plus en plus d’amis ici. J’étais telle­ment nerveuse en pré­parant ce rôle, de ne pas être à la hau­teur en rai­son de la langue, juste­ment… D’ailleurs c’est pour cela que j’ai eu l’idée de met­tre la Fée des lilas sur patins à roulettes, me dis­ant que, si je loupais un mot en français, je pour­rais le mas­quer d’un coup de patin ! En tant que danseuse, je con­tin­ue à pren­dre des cours, ce qui crée des occa­sions de se lier avec de nou­velles per­son­nes. J’ai aus­si des attach­es à Toulon puisque j’ai joué à plusieurs repris­es à l’Opéra de cette ville, par exem­ple dans Street Scene. Je suis vrai­ment recon­nais­sante des invi­ta­tions de votre pays à par­ticiper à la vie artis­tique ici.

Vous êtes anglaise, com­ment peut-on sur­vivre dans la sit­u­a­tion actuelle lorsque l’on est tech­ni­cien ou artiste dans le West End ?
Même si je vis en France en ce moment, je suis anglaise et je ne suis pas inter­mit­tente. Les con­di­tions bri­tan­niques s’appliquent donc pour moi aus­si. J’ai débuté à l’âge de 12 ans, donc je con­nais bien ! À Lon­dres, c’est vrai­ment dif­fi­cile. En tant qu’artistes, tout comme à New York, nous sommes habitués à avoir plusieurs boulots en même temps car nous ne devons compter que sur nous. Il faut dire que le champ des pos­si­bles me sem­ble plus éten­du qu’en France : vous pou­vez tourn­er dans un film, dans une pub, faire des voix off le jour et être sur scène le soir. D’autre part, pour pren­dre un exem­ple, lorsque l’on cumule un tra­vail de danseur et de serveur, depuis le con­fine­ment tout est à l’arrêt, les théâtres comme les restau­rants, et à ce moment-là, vous avez le sen­ti­ment que la terre s’ouvre sous vos pieds. Ce qui m’a épatée, ce sont les nom­breuses entraides par Inter­net : des cours, des ate­liers, du coach­ing, la créa­tion de con­certs en ligne qui per­me­t­tent aux inter­nautes de don­ner un peu d’argent… On y trou­ve égale­ment main­tenant une chaîne dédiée au théâtre. Quant à Joe Allen, il pro­duit des con­certs en ligne. Tout s’est dématéri­al­isé, ce qui est à l’opposé du théâtre vivant que nous aimons tant, mais c’est une adap­ta­tion néces­saire. Par ailleurs, le gou­verne­ment bri­tan­nique a offert des aides, mais je ne suis pas sûre qu’elles soient des­tinées à l’ensemble du monde artis­tique. Nous sommes toute­fois bien organ­isés avec la présence de syn­di­cats, de regroupe­ments d’artistes et d’agents, ce qui nous per­met de nous fédér­er dans ce qui est aus­si une industrie.

Quelles sont les comédies musi­cales que vous écoutez pour vous don­ner de l’énergie ?
Il y en a beau­coup ! Leur point com­mun : ils comptent un big band. Ça, j’adore. Pour vous don­ner quelques titres : l’adaptation de Some Like It Hot : Sug­ar, mais aus­si Any­thing Goes, East­er Parade, une autre moins con­nue : The Most Hap­py Fel­la de Frank Loess­er, Gen­tle­men Pre­fer Blondes. J’apprécie beau­coup Lin­da Eder, une voix qui me touche. J’adore The Light in the Piaz­za. J’écoute aus­si Dirty Rot­ten Scoundrels, The Drowsy Chap­er­one, Cho­rus Line, Crazy for You. Voilà de quoi tenir un moment ! Et puis ne pas oubli­er que par­fois nous pou­vons nous sen­tir dépassés par le stress qu’engendre notre vie mod­erne. Il est pri­mor­dial, même hors temps de con­fine­ment, de pren­dre le temps de con­tin­uer à s’entraîner pour par­faire son art, sa tech­nique vocale, sa forme physique et revenir aux fon­da­men­taux. Pour moi, si j’ai à prox­im­ité un piano et une barre pour danser, je suis heureuse.

Vous pou­vez écouter ou réé­couter l’émis­sion 42e rue du 8 novem­bre 2020 qui accueil­lait en direct Marie Oppert et Emma Kate Nelson.

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