Notre-Dame de Paris fête ses vingt ans, qu’évoque ce spectacle pour vous ?
C’est à la fois un rêve de gamin et un bonheur d’artiste. Je me souviens de ma mère ayant entendu ‘Belle’ à la radio et achetant aussitôt le CD 2 titres. Il a tourné en boucle ! J’avais déjà écouté Starmania et La Légende de Jimmy mais là, lorsque j’ai entendu Garou, Daniel Lavoie, Patrick Fiori, que j’ai découvert leurs voix, je me suis dit ‘il faut absolument que je fasse une comédie musicale dans ma vie’. Ce fut un déclic.
A ce moment-là, que faisiez-vous ?
J’étais au collège, à Grasse. Avec mes copains, à chaque récré, on chantait l’album que l’on avait appris par cœur, sur des cassettes ! Je ne rêvais que de chant alors que ma mère tenait à ce que je fasse du piano. Par chance, j’ai trouvé un professeur, Angelina Christie, qui enseignait les deux. Cette star de l’opérette, qui avait créé Rose-Marie à Mogador en 1970, m’a appris à maîtriser le solfège, lire des accords, déchiffrer une partition. Je lui en suis tellement reconnaissant aujourd’hui! Évidemment, dans le dos de ma mère, le cours de piano s’est vite transformé en unique cours de chant. Il faut dire que c’est dans mes gènes ! Mes oncles, mes cousins, mon grand-père, Auguste, ses deux frères, Florin et Jeannot, chantent même en polyphonie. Les standards napolitains sont à l’honneur chez nous, à la fin des repas! Au lycée, j’ai poursuivi l’apprentissage du chant lyrique, avec Jean-François Arcolani puis Agnès Chauvot qui a fini de faire mon éducation musicale. La comédie musicale me semblant inaccessible, je suis devenu juriste au Tribunal administratif de Nice, multipliant tout de même les concerts avec Artcanto, une troupe d’artistes lyriques… Le meilleur chemin à mes yeux pour vivre ma passion –raconter une histoire en chantant– c’était cela, l’opéra. Je me suis régalé pendant des années.
Jusqu’au jour où les équipes de Bruno Berberès retrouvent une de vos bandes-démo…
Claude Peruzzi m’a en effet appelé. Nous avions déjà été en contact pour les auditions de The Voice en 2010, qui m’avait permis de faire quelques primes dans l’équipe de Florent Pagny. Cette fois, il me proposait de venir passer le casting pour le rôle de Gaston dans La Belle et la Bête. Et voilà que moi, le petit gars du sud, qui ignorait tout de Stage ou de Mogador, j’ai été choisi ! Imaginez la tête du Président de la chambre au Tribunal quand je lui ai annoncé que je démissionnais pour monter sur scène. Il m’a dit : « foncez ! ». Le 27 août 2013, je débarquais à Paris pour commencer les répétitions, sans connaitre personne. Depuis, Yoni Amar, Manon Taris, Alexandre Faitrouni sont devenus des amis. A leur contact, j’ai retravaillé énormément le théâtre, je me suis perfectionné. La Belle et la Bête m’a d’ailleurs porté chance car j’ai également été choisi pour le doublage de la voix chantée de Luke Evans (Gaston) pour la version française du film.
D’autres rôles sont ensuite arrivés…
Après un an à Mogador, j’ai passé coup sur coup deux auditions en deux jours, celle de Aladin, faites un vœu, mais surtout celle de La Petite Fille aux Allumettes avec Double D Productions. En février 2015, cette aventure débutait. Je n’oublie pas que les deux David (Rozen et Rebouh ndlr), ainsi que Julien Salvia, Ludovic-Alexandre Vidal et Anthony Michineau sont les premiers à m’avoir donné un vrai grand rôle avec Fragotov.
Comment êtes- vous devenu Frollo?
Au printemps 2016, j’ai été contacté pour auditionner pour Notre-Dame. Le matin-même, je suis victime d’une violente extinction de voix. Mais je me présente tout de même. Richard Cocciante est au piano… Je m’attends au pire. Je me lance avec « Tu vas me détruire ». Et miracle, ça sort ! Je tiens toutes les notes ; je n’en revenais pas. J’ai intégré les répétitions qui se sont finalement transformées en tournée à Taiwan en janvier-février 2017 où j’ai joué la moitié des shows. Je dois saluer Nicolas Talar (le producteur ndlr). Il respecte énormément les artistes et avec lui, être alternant n’est pas un mot en l’air. Pendant deux mois, j’ai partagé le rôle avec Robert Marien, l’inoubliable Jean Valjean des Misérables à Mogador. Depuis, nous avons tourné à Istanbul, à Saint Pétersbourg et cette année, pour l’anniversaire, ce sera Paris puis Londres aux côtés de Daniel Lavoie.
Justement, vous alternez avec lui sur ce rôle, comment cela se passe-t-il ?
Daniel est un véritable artiste. Il est adorable et très bienveillant. Il est surtout l’interprète fétiche de Frollo. Mais il est attentif. On a beaucoup échangé sur le rôle. Pour moi, Frollo est un vrai méchant. C’est comme cela que je le joue ; tourmenté certes, mais méchant. Il tyrannisait déjà Quasimodo, sa rencontre avec Esmeralda, le renvoyant à quelque chose qu’il avait refoulé, le fait basculer, il devient véritablement horrible.
Quelles sont les particularités de ce spectacle ?
Notre Dame de Paris est une œuvre sans dialogue parlé, uniquement des moments chantés. Et Richard Cocciante est très pointilleux sur sa musique. Par conséquent, tout doit passer uniquement par la gestuelle, le visage, le chant. La difficulté est là : respecter parfaitement la partition mais surtout être juste dans son jeu. A cet égard, le deuxième acte est plus laborieux. Non seulement il y a de vrais sauts d’octaves, mais en plus, des duos statiques, où seule la voix permet de faire passer une émotion. Je pense à l’échange entre Gringoire et Frollo, ou lorsque celui-ci déclare son amour à Esmeralda. Son « Je t’aime » est un cri. Il faut être particulièrement concentré et sincère. Mais Notre Dame n’est facile pour aucun interprète. C’est d’ailleurs un spectacle d’hommes. Pensez qu’il n’y a que deux filles parmi les principaux personnages. Il faut qu’elles se défendent. Et je ne parle même pas de la partition dansée, surement une des plus dures que j’aie jamais vues.
Deux décennies… comment expliquez-vous cette durée ?
Je crois que Richard Cocciante et Luc Plamondon n’ont pas cherché à faire un show qui rapporte de l’argent. Ils ont fait un spectacle sincère. Il n’y avait que des inconnus à l’époque, rappelons-le ! Aucune tête d’affiche, uniquement des textes, des musiques et des voix. Souvenez-vous Belle, ce superbe trio de voix, cassée, déchirée et claire. Quelle mise en valeur pour les artistes ! C’est cela qui a séduit à l’époque et qui séduit toujours aujourd’hui.
C’est donc une belle année pour vous ?
Oui. D’autant qu’après le Studio International Vanina Mareschal, j’enseigne désormais le chant et l’interprétation à la FCM –Formation Comédie Musicale d’Hélène Buannic… En parallèle, je suis également sur scène dans Les aventures de Tom Saywer, et La Petite Fille aux Allumettes à l’affiche du Théâtre de la Renaissance toutes les vacances de Noël.
J’évoquais ma famille tout à l’heure, vous savez, mon grand-père était balayeur à la Mairie de Grasse. Quand il passait dans les rues, on disait « le chanteur est là » ! Moi qui ai la chance de vivre de ma passion, je pense à lui chaque fois que je monte sur scène. La tradition se poursuit, le chanteur est toujours là!
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Notre Dame de Paris, au Palais des Congrès de Paris, du 21 décembre au 6 janvier 2019.
Réservations sur: https://notredamedeparislespectacle.com/
La Petite Fille aux Allumettes, au Théâtre de la Renaissance jusqu’au 5 janvier 2019.
Réservations sur: https://www.theatredelarenaissance.com/project/la-petite-fille-aux-allumettes/
Les Aventures de Tom Sawyer, au Théâtre Mogador, jusqu’au 6 janvier 2019.
Réservations sur: https://www.eventim.fr