Après l’annonce de la non-réouverture des salles de spectacles le 15 décembre, beaucoup de productions dont les répétitions étaient en cours se sont arrêtées net. Pourtant, l’accueil du public avait souvent été repensé, les mises en scènes adaptées, les fosses d’orchestre réorganisées… tout avait été modifié pour pouvoir rouvrir dans des conditions sanitaires optimales. Mais les portes resteront closes, et les artistes et le public ont été priés de rester chez eux.
A l’Opéra de Bordeaux, le choix a pourtant été fait de maintenir toutes les dates des spectacles programmés et de continuer à laisser les artistes s’exprimer, même dans des salles privées de leurs spectateurs. Une attitude exceptionnelle et émouvante, dont le public pourra également profiter sur YouTube.
Ainsi, au Grand Théâtre, le ballet de l’Opéra national de Bordeaux et l’Orchestre national de Bordeaux Aquitaine (ONBA) reviennent chaque soir donner La Sylphide. Une représentation eut lieu devant quelques journalistes et blogueurs – dont Regard en Coulisse –, rares témoins de ces moments exceptionnels.
La Sylphide est un ballet romantique créé en 1832 par le chorégraphe Philippe Taglioni sur un livret d’Adolphe Nourrit et une musique de Jean Schneitzhoeffer. Il marque l’apparition du premier tutu (descendant à l’époque au-dessous du genou) qui amorce un tournant dans l’histoire du costume de danse. Le succès est tel que, dès 1836, une nouvelle version est créée à Copenhague par le chorégraphe Auguste Bournonville sur une nouvelle musique composée par Herman Severin Løvenskiold. C’est cette version-là que propose l’Opéra national de Bordeaux.
Le spectacle est magnifique et accentue le côté conte de fée en mélangeant deux aspects : l’un très réaliste et l’autre très imaginaire. Le premier est marqué par la maison en bois du début agrémentée de nombreux accessoires, les kilts des jeunes Écossais et une grande part de pantomime dans la chorégraphie. L’aspect imaginaire, lui, est représenté par la masure de la sorcière du second acte réduite à un unique chaudron sur un plateau presque nu, par la forêt suggérée par de simples toiles, par les tutus des sylphides, par une danse plus aérienne et des effets scéniques assez surprenants. Les décors et costumes ont été créés par Ramon Ivars (à l’exception des tutus classiques prêtés par l’Opéra de Paris) et la chorégraphie a été remontée par Dinna Bjørn.
Une version orchestrale réduite a été élaborée pour pouvoir respecter les distances dans la fosse et les percussionnistes ont été placés dans les loges d’avant-scène. Malgré ce dispositif et cet espacement inhabituels, l’ONBA dirigé par Nicolas André a su garder son dynamisme et sa cohérence et livre une magnifique partition musicale.
La première danseuse Diane Le Floc’h (la Sylphide), le soliste Neven Ritmanic (James), les solistes et le corps de ballet ont été chaudement applaudis par un public bien trop chétif pour être à la hauteur de l’émotion qui émanait du plateau ce soir-là.
Le ballet sera capté à huis clos et diffusé en direct sur la chaîne YouTube de l’Opéra le 31 décembre à 15 h avec la première danseuse Vanessa Feuillate dans le rôle de la Sylphide et Riku Ota, récemment nommé premier danseur, dans le rôle de James.
Dans le même temps, à l’Auditorium, Paul Daniel dirige l’ONBA et la soprano Cyrielle Ndjiki-Nya pour le Grand Concert de Noël Radio Classique pour quatre dates dans une salle encore plus vide.
Le programme fait voyager autour du monde, allant de la Suisse avec Guillaume Tell de Gioacchino Rossini à l’Espagne (Le Tricorne de Manuel de Falla) en passant par les États-Unis (Porgy and Bess de George Gershwin) et l’Argentine avec Estancia d’Alberto Ginastera.
La musique est très variée avec, aux côtés d’extraits de ballets et d’opéras, de la comédie musicale (Un violon sur le toit de Jerry Bock, No, No, Nanette de Vincent Youmans), du choro brésilien (« Tico-Tico no Fubá » de Zequinha de Abreu dans une version pour flûte et orchestre spécialement orchestrée pour cette soirée par Stéphane Mège), de la zarzuela (Las Hijas del Zebedeo de Ruperto Chapí) et même une très belle création contemporaine (Un cagou à Paris de Romain Dumas).
Ce concert, présenté par Christian Morin, arrive, par la joie qu’il dégage, à faire oublier les conditions difficiles dans lesquelles il est joué… et écouté !
Il sera capté à huis clos le lundi 21 décembre 2020 pour une diffusion en direct à 19 h sur la page Facebook et la chaîne YouTube de l’Opéra ainsi que sur Radio Classique. Une rediffusion en différé est prévue sur Radio Classique le samedi 26 décembre à 21 h.