Être ou disparaître ? « Et si vous aviez le pouvoir de devenir invisible ? » C’est par ces mots que H.G. Wells fait naître sous nos yeux l’histoire de L’Homme invisible. Devant sa machine à écrire, avec un véritable amour du théâtre, il fait surgir les personnages de son imaginaire en les jouant à tour de rôle. Autour de lui, les éléments se mettent à bouger, les objets se déplacent, la machine à écrire tape toute seule… Son héros est-il entré dans le bureau par la seule force de son imagination ? Magie et effets spéciaux viennent servir ce conte fantastique plein de surprises qui nous parle de la manipulation génétique et soulève la question de la différence… Et si, à votre tour, vous déteniez le secret de l’invisibilité, qu’en feriez-vous ?
Notre avis : En adaptant en conte théâtral – mélange de narration et de dialogues – le roman de H. G. Wells The Invisible Man, Ned Grujic a su créer un texte ramassé et rythmé tout au long de l'heure que dure la pièce. On y salue l'ajout de rimes savoureuses qui font chanter les répliques et donnent du relief aux tons des différents personnages. Si le décor anglais et neigeux d'origine a été conservé, on remarque que la fin du roman a été modifiée – choix artistique ou contrainte technique ?
Ce spectacle non musical – mais plusieurs compositions signées Raphaël Sanchez plongent efficacement la scène et la salle dans un climat d'une inquiétante étrangeté – brille principalement par la force de son interprétation. Au premier plan, Thomas Marceul incarne à lui tout seul, grâce à ses voix et postures multiples, la dizaine de personnages – tous pittoresques – tandis que, dans l'ombre, mais pas tout à fait, Sébastien Bergery, Sarah Clauzet, Emmanuel Leckner et Flora Donars sont à la manœuvre des effets spéciaux pour nous faire « voir » l'homme invisible – il en ressort une magie et une poésie indéniables qui sont la signature du spectacle.
Dans la salle intime du Lucernaire, ce Mystère de l'homme invisible offre à un jeune public une formidable occasion d'être happé par le pouvoir du théâtre : il trouvera dans l'enchaînement effréné des répliques et les outrances des personnages matière à être captivé et à rire – ce dont nous avons été témoin lors de la représentation à laquelle nous avons assisté. D'autres catégories de spectateurs resteront probablement sur leur faim voire au bord du chemin, peu convaincus par cette fantaisie à l'intrigue un peu datée et faible en rebondissements, et dont la profondeur philosophique a été sagement édulcorée.
