En débarquant à Paris, de son Sud natal, il y a dix ans, Alexis Loizon avait trois rêves. Il s’attaque depuis peu au quatrième. Un rôle inattendu, pourtant pas si surprenant pour ce passionné de cinéma. Il a choisi Regard en Coulisse pour l’évoquer. Entretien avec l’artiste, désormais entrepreneur et producteur.
Il a été, tour à tour, Roméo, Aladdin, Danny Zuko ou encore l’excellent Gaston de La Belle et la Bête, a fait se lever le public de Mogador des dizaines de soirs, a chanté à Paris, Taïwan, ou sur la glace d’Holiday on Ice… Alexis Loizon est un artiste que l’on ne présente plus. Formé au cours Florent, à son arrivée à Paris il y a une dizaine d’années, il est parmi les plus doués de sa génération. Avec sa plastique avantageuse et son sens de la comédie, il est même ce que certains qualifieraient de « bête de scène ». Chanteur, danseur, acteur – on l’a vu il y a quelques mois sur TF1, dans la série Demain nous appartient –, il a également prêté sa voix à des doublages de long-métrage, ou mis en scène le Grease des élèves du Studio International Vanina Mareschal à Aix-en-Provence en juin 2019. Autant dire qu’il n’a rien à prouver, et que cette dernière décennie a été, pour lui, exceptionnelle.
« J’ai une chance inouïe, reconnaît-il, en arrivant sur Paris, j’avais trois rêves, liés à mon enfance et à mes passions. Je les pensais irréalisables : être Gaston dans La Belle et la Bête, le personnage préféré de mon Disney préféré, être invité sur le tournage du remake, et devenir John Travolta ! Chacun sait ce qui est arrivé… Il y a d’abord eu Mogador avec mon éternel complice Alexandre Faitrouni, puis la venue du réalisateur Bill Condon qui m’a permis de me retrouver, un an plus tard, à Londres, dans les studios Shepperton pour tourner dans le film. Enfin, moi qui étais fasciné par Travolta dans Grease, j’ai été amené à jouer le musical au cours Florent, en 2007. Avant de découvrir l’annonce de Stage. Là, cela devenait trop beau pour être vrai… »
Dix tours de casting plus tard, Alexis Loizon a bien dû se rendre à l’évidence, le Danny Zuko de Stage Entertainment, ce serait lui. « J’ai travaillé comme un fou. Avec Alyzée [Lalande, Sandy sur scène N.D.L.R.], nous avons passé des journées entières à répéter, à nous entraîner. Je voulais que le public dise après nous avoir vus : ‘C’est comme le film, mais en mieux’, à l’image d’un Billy Elliot, ou d’un Roi Lion. C’est ça, la valeur ajoutée du spectacle vivant. » Le public ne s’y est pas trompé : Grease a fait salle comble durant dix mois.
Sitôt le rideau tombé sur la dernière, le jeune homme, pas du genre à rester les mains dans les poches, s’est alors attelé à monter le projet qui lui tenait à cœur depuis longtemps. « J’aurais pu me dire, ‘voilà la boucle est bouclée, que puis-je faire de mieux ?’ Ce n’est pas dans ma nature. J’ai choisi au contraire de forcer le destin, et plutôt que d’attendre simplement de nouvelles propositions, j’ai décidé de me lancer dans ce nouveau rôle. »
Inutile de chercher son nom ou sa photo sur une affiche, non, Alexis Loizon est maintenant un homme de l’ombre. Il est devenu producteur. « J’ai toujours été un fou de cinéma. C’est ma grande passion. D’ailleurs, je n’ai jamais voulu être un simple chanteur. Chanter sans exprimer ne m’intéresse pas. Il faut de la comédie, des expressions, d’où le spectacle musical. Mais mon amour premier, c’est le jeu, le cinéma. »
Associé avec deux autres partenaires, il est donc, depuis l’été 2019, directeur général de NARYA productions, la société qu’ils ont fondée. Elle comprend notamment Marcel Films, le label cinéma qu’il gère et dirige.
Cette fois, pas question de jouer la comédie ou de séduire le public, il prend son rôle très au sérieux : « Il ne s’agit ni de gagner de l’argent, ni de m’autoproduire ! Simplement, de me donner les moyens de voir certains souhaits se concrétiser, en donnant naissance notamment à des courts-métrages musicaux. » Au terme de producteur, il préfère d’ailleurs substituer celui d’entrepreneur : « Sinon, le grand public pense tout de suite au type, un cigare à la bouche, des billets plein les poches. Moi, je le vois comme la figure de proue d’un projet, à la fois un entraîneur, un étendard et un artiste ! Il va, certes, chercher et trouver l’argent qui fera naître son projet – c’est évidemment le nerf de la guerre –, mais il est aussi un leader, qui fédère une équipe. ».
Avec son expérience des spectacles, lui fait-on remarquer qu’on l’aurait plutôt imaginé en réalisateur, Alexis Loizon rétorque : « Je connais ma valeur ajoutée, mais aussi mes limites. Je sais ce que quelqu’un fera mieux que moi. Décider de la couleur, des plans, avec un chef opérateur, un directeur artistique, n’est pas mon domaine. Je fais confiance. Il n’empêche que producteur et réalisateur ont une vraie relation. À eux deux ils font naître un film. Le premier peut aussi apporter le recul que le second n’a pas. Un œil extérieur, une fraîcheur. Il n’a pas la tête dans le guidon. » Il se doute bien que cela va sans doute faire jaser. Mais n’allez pas lui dire qu’il court derrière l’argent ou qu’il est devenu mégalo : « Je sais bien que certains vont penser ‘ça y est, il fait sa star’. Pas du tout, cela me prend du temps, de l’argent et c’est un risque permanent… Je suis juste un porteur de projets. Je ne cherche pas à me mettre en avant, pour preuve, dans notre prochain film [voir ci-dessous], ce sont trois filles qui ont les rôles principaux, et je ne suis qu’un personnage secondaire ! En revanche, oui, je suis fier d’avoir porté ce projet et d’avoir convaincu nos partenaires. Quant à l’argent, j’en gagnerais beaucoup plus si j’acceptais certaines propositions que l’on m’a faites, comme enregistrer mon propre album. » Et Alexis Loizon va plus loin : « Lorsque tu es comédien et que tu as une idée à laquelle tu tiens, soit tu réalises ton propre court-métrage, soit tu le produis ! C’est ce que j’ai choisi ; je veux donner vie à ce auquel je tiens, permettre des créations. Je m’en donne les moyens. »
Depuis, l’acteur-producteur multiplie les démarches : « CNC, SACEM, Adami… j’ai tout fait ! Je passe mon temps en entretiens et dans la paperasse. » Un nouvel emploi du temps et un nouveau langage : « Je parle capital, avance de trésorerie, pré-production, investissement. Maintenant, je suis incollable sur les budgets, les aides aux régions… »
Surtout, les premiers courts-métrages de Marcel Films et du « producteur Alexis Loizon » sont en cours.
Début décembre, a été tourné Loup y es-tu ?, un film de genre, réalisé par Julie Rohart, qui se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale. « C’est un film féminin. Trois femmes ont les rôles principaux, mais je ne peux pas encore vous dévoiler les noms. »
Et début 2020 débutera le tournage d’Une chanson pour Louise, un court-métrage musical, coproduit avec l’association Eliott Images, et réalisé par Romain Pacaud. « J’ai reçu le projet l’été dernier. C’est somptueux. » On y retrouve son binôme artistique Alyzée Lalande, rencontrée la première fois sur un tournage de film (déjà !) en 2016. Un premier extrait a d’ores et déjà été dévoilé, avec « Le Bruit de nos silences » dont les paroles sont signées Hervé Domingue et la musique Stéphane Corbin.
L’échange se poursuit, à bâtons rompus. D’ordinaire réservé, Alexis Loizon ne s’arrête plus. « J’ai mille idées. J’ai déjà reçu d’autres demandes, des projets plus ambitieux. » Et l’on comprend entre les mots qu’il a une idée bien précise derrière la tête : contribuer à l’adaptation à l’écran d’un grand spectacle français… mais impossible d’en savoir davantage.
Que les fans se rassurent, il n’arrête pas pour autant de chanter, et n’abandonne nullement la scène. Des soirées Grease l’invitent d’ailleurs régulièrement, partout en France, avec Alyzée Lalande. « Je poursuis les spectacles en parallèle de mes nouvelles activités. J’ai juste un agenda plus chargé, mais c’est pour mon plus grand plaisir, vivre de mes deux passions. Si le cinéma est mon amour, la comédie musicale est ma maîtresse. »
Alexis Loizon s’échappe pour filer à un nouveau rendez-vous. Les rêvent n’attendent pas.
Le Bruit de nos silences. Premier extrait d’ «Une chanson pour Louise »: