L’Histoire du soldat

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Théâtre du Châtelet – Place du Châtelet, 75001 Paris.
Du 19 au 29 juin 2025.
Pour en savoir plus et réserver, cliquez ici.

L’Histoire du soldat est une œuvre de circonstance, écrite et composée en Suisse pendant la Première Guerre mondiale. Le contexte ne permet plus de créer des œuvres à grand effectif, avec d’importants moyens de production. Charles-Ferdinand Ramuz et Igor Stravinsky pensent donc, à quatre mains, un dispositif nouveau. L’Histoire du soldat est une pièce de théâtre de tréteaux qui, au départ, mêle un petit orchestre de foire (sept instruments), des récitants (le Lecteur, le Soldat et le Diable) et un ou deux danseurs. Selon les dires de Ramuz s’adressant à son mécène, c’est « […] quelque chose comme une lanterne magique animée ».

"Il ne faut pas vouloir ajouter à ce qu’on avait, on ne peut pas être à la fois qui on est et qui on était. On n’a pas le droit de tout avoir : c’est défendu Un bonheur est tout le bonheur ; deux, c’est comme s’ils n’existaient plus." Charles-Ferdinand Ramuz, Histoire du soldat, Pully, Plaisir de lire, 2018, p. 16.

Dans cet opéra de poche, le librettiste et le compositeur revisitent à la fois Faust et Lohengrin, en s’intéressant à l’âme d’un pauvre médecin-soldat qui, en troquant son violon avec le diable, obtient un livre qui prédit le futur. Le prix de cette richesse ? La destruction du passé et du présent. Dans sa mise en scène, Karelle Prugnaud adopte un parti pris radical en associant les disciplines et les genres. Mobilisant les arts du cirque tout autant que le cabaret, elle relit ce conte et le met en abyme, au service d’une réflexion sur la guerre, l’amour et la mort.

Notre avis : L’émotion était palpable pour Karelle Prugnaud, metteuse en scène de cette pièce singulière. Afin d’en respecter l’esprit, et d’aller plus loin dans les choix narratifs, ses idées de mêler l’art lyrique, le mime, le cirque se révèle d’une pertinence totale, offrant au public des images qui, assurément, resteront gravées dans sa mémoire. Ainsi l’ouverture du spectacle qui, rappelons-le, fut conçu durant la Première Guerre mondiale, correspond-elle à un cauchemar éveillé avec ces soldats-squelettes « lumineux » qui progressent dans un paysage apocalyptique et déposent des pierres comme autant de vies volées, mais surtout, par la suite, les numéros insensés qui font appel aux talents des circassiennes et circassiens qui incarnent des avatars des personnages. Les artistes, dans une maîtrise éblouissante de leur art, participent largement à la réussite de cette mise en scène, offrant une lecture inédite de cette œuvre faustienne. Les sept musiciens sont dirigés avec rigueur et précision par Alizé Lehon. Installés dans cette maison en ruine, comme un reflet des images des diverses guerres en cours, leur présence discrète mais efficace est un point fort. Tout comme l’interprétation des divers rôles, avec Nikolaus Holz diablement efficace, qu’il soit habillé en Lucifer ou de manière moins conventionnelle. Circassien lui-même, il apporte une autre dimension à ce personnage pivot. Mais ce sont bien, insistons sur ce point, Chiara Bagni, Samanta Fois, Alexandra Poupin et Quentin Signori (tous membres de la compagnie de cirque Pré-O-Coupé), qui, avec leurs numéros absolument fabuleux, variés, d’une puissance visuelle qui s’imprime durablement, offrent un contraste saisissant avec le côté sombre de l’œuvre, qu’ils n’allègent nullement, mais rendent perceptible d’une tout autre manière. À découvrir !

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