De Stéphan Druet.
Musique : Kurt Weill, Stéphane Corbin, Friedrich Hollaender, Fred Raymund, Dajos Béla & Henri Christiné.
Chorégraphies : Alma de Villalobos.
Costumes : Denis Evrard.
Lumières : Christelle Toussine.
Chef de chant : Vincent Heden.
Avec : Marisa Berenson, Stéphane Corbin, Sebastiàn Galeota, Jacques Verzier ou Olivier Breitman.
Loïc Olivier, percussions.
Victor Rosi, cornet.
Kirsten dirige un cabaret du Berlin décadent dont elle mène la danse sans scrupule, en pleine république de Weimar. Entourée de son fils, son ex-amant auteur, un compositeur en vogue et deux musiciens, elle nous entraine dans les souvenirs d’une gloire passée.
Une traversée satyrique de l’époque la plus sombre de l’Allemagne où la création artistique est à son apogée.
Notre avis : Le spectateur, accueilli par un trio musical (piano, percussion, vent) tout aussi décadent, dans son apparence, que le serveur qui apporte les boissons aux tables de ce cabaret interlope, ressent immédiatement une sensation trouble. Avant même que le spectacle ne débute, cette ambiance particulière propulse dans une autre époque, celle que semble avoir dépeinte Christopher Isherwood (auteur de Adieu Berlin). Il faut dire que cette période a été largement exploitée au théâtre. La comédie musicale Cabaret (inspirée du même Isherwood) en est un exemple. Alors que propose Stephan Druet, avec sa troupe, dans ce Berlin Kabarett ?
Une sorte de descente aux enfers, suivant l’interrogatoire de Kirsten, en 1946. Elle évoque l’entre deux guerres et son cabaret qui triompha, présentant un programme idéal pour encanailler le bourgeois, faire vaciller les valeurs traditionnelles. Toutefois ce personnage interprété avec élégance et panache par Marisa Berenson, se révèle parfaitement odieux. Vénale, détestant le fils qu’elle a mis au monde, déçue par ses amours avec un écrivain, elle ne semble intéressée que par le pouvoir et mépriser la terre entière. Autant dire que l’un des points forts de ce Kabarett est de se révéler parfaitement grinçant. Détester Kirsten coule de source, mais difficile, à diverses reprises, de ne pas se laisser séduire. Il faut dire qu’elle a de l’abatage et la répartie assassine. Le mal de vivre de son fils, homosexuel et artiste travesti, est dissimulé derrière des chansons provoquantes ou tendres. Le pianiste/compositeur du cabaret s’associe avec l’ancien amant écrivain. Juifs, homosexuels, ils ne peuvent quitter ce lieu de perdition et en décrivent les travers.
Stephan Druet, dans ce lieu confiné, joue sur des éclairages subtils, donnant une patine aux décors, aux costumes, jusqu’aux yeux charbonneux de l’ensemble du cast. En jouant sur la proximité entre les protagonistes et le public, il livre une mise en scène fluide, osant jouer sur l’impressionnisme, le ressenti, plus que sur une histoire très construite. A l’instar des personnages, qui semblent tous allégoriques plus que représentants un individu précis (le pianiste n’est pas Weill, pas plus que l’auteur n’est Brecht), ce choix de ne pas respecter une époque précise se retrouve dans la sélection des airs. Si certains ont bien été écrits par Brecht et Weill, ils en côtoient d’autres, parfois issus également du répertoire, Christiné par exemple et enfin ceux, contemporains, de Stéphane Corbin. Le pari est risqué ? Certes, mais réussi. L’alliance musicale participe de l’aspect intemporel d’un cabaret pourtant inscrit dans une période historique précise. Sur scène la troupe épate : musiciens comme chanteurs et comédiens, tous se livrent sans réserve pour vous faire ressentir tous les soubresauts de ce cabaret à découvrir.