Tralala, la quarantaine, chanteur dans les rues de Paris, croise un soir une jeune femme qui lui adresse un seul message avant de disparaître : « Surtout ne soyez pas vous-même ». Tralala a‑t-il rêvé ? Il quitte la capitale et finit par retrouver à Lourdes celle dont il est déjà amoureux. Elle ne se souvient plus de lui. Mais une émouvante sexagénaire croit reconnaître en Tralala son propre fils, Pat, disparu vingt ans avant aux États-Unis. Tralala décide d’endosser le « rôle ». Il va se découvrir une nouvelle famille et trouver le génie qu’il n’a jamais eu.
Notre avis : À quoi tient le charme d’un film ? Avec le cinéma des frères Larrieu, les réponses sont légion. Dans leur nouvel opus, en parfaite ligne de leur exploration cinématographique, ce charme s’impose dès les premières images. Une poésie décalée, un humour omniprésent, les multiples niveaux de lecture grâce aux aventures à Lourdes de ce vagabond céleste que l’on prend grand plaisir à suivre.
Il s’agit donc de la première comédie musicale aidée par le Centre national de la cinématographie et de l’image animée (les films de Noémie Lvovsky et de Serge Bozon suivront) et le résultat est à la hauteur des espérances. Mathieu Amalric, au travers de son personnage, a bien du mal à être lui-même puisque ce voyage va le chambouler, à l’instar des autres protagonistes. En effet, Josiane Balasko (épatante) le prend pour un fils disparu, il n’a le courage de la détromper. Le retour de celui que l’on croyait mort depuis des années va provoquer diverses situations et un questionnement permanent pour Tralala. Continuer à mentir ? Se résoudre à dire la vérité ? Seule l’ancienne amoureuse du défunt, interprétée par une Mélanie Thierry incandescente, semble avoir des doutes. Mais là encore, que vaut-il mieux faire : affronter la réalité ou vivre comme dans un rêve, quitte à en payer le prix ?
Les réalisateurs brossent une galerie de personnages farfelus et touchants. L’ombre de l’inceste plane, un peu comme chez Jacques Demy. Ce sera le seul lien. En effet les frères Larrieu ont su s’affranchir de la référence écrasante et inventer leur propre petite musique. À ce sujet, si l’on pouvait craindre une grande hétérogénéité musicale, en raison des nombreux contributeurs, il n’en est rien. Avec malice, chaque personnage dispose de « son » ou « sa » compositeur/trice, et cette idée fonctionne parfaitement bien. Venu présenter son film, Arnaud Larrieu a toutefois précisé que cette orientation n’a pas été que volontaire puisque Philippe Katerine, qui devait écrire toutes les chansons et incarner Tralala, était partant pour l’aventure mais… n’a plus donné signe de vie. Tout le casting a dû être reconsidéré et, au final, le fantasque musicien a livré toutes les chansons qu’interprète Mathieu Amalric. Autant dire un défi pour le comédien qui s’en sort fort bien ! Malice, là encore, puisque les chansons sont adaptées aux voix des interprètes. Aucun n’est doublé et le résultat est à la hauteur des espérances. En marge de ces chansons originales on entendra également un magnifique titre de Milton Nascimento, qui ponctue une très jolie séquence.
En résumé, un film léger dans sa gravité, qui permet au cinéma français de renouer sans rougir avec un genre particulièrement exigeant. Une belle découverte loufoque et poétique vous attend.