De ses vrais prénoms Renée Marcelle, elle avait choisi de porter le surnom dont sa mère l’affublait depuis son enfance. Décédée aujourd’hui à l’âge de 96 ans, « Zizi » Jeanmaire reste éternellement associée à son art de la danse qu’elle magnifiait de manière fusionnelle avec le chorégraphe Roland Petit. Ils se connaissaient depuis l’âge de 9 ans et avaient commencé une carrière au sein du corps de ballet de l’Opéra de Paris. Mais, tous deux épris de liberté et guidés par une soif artistique peu compatible avec des schémas préexistants, ils décident de danser de leurs propres jambes. En 1949, ils créent Carmen, sur la musique de Bizet. Puis, en 1950, vient La Croqueuse de diamants, sur une musique de Jean-Michel Damase et un texte de Raymond Queneau. Deux ballets emblématiques d’un couple au tempérament de feu prêt à repousser les frontières du genre par leur audace et leur modernité. C’est le début de la célébrité, y compris à Londres et à Broadway.
Repérée par Hollywood pour son « body », ses compétences de ballerine et son exotisme « à la française », elle est engagée pour jouer, en 1952, dans Hans Christian Andersen – la version française du titre lui est plus reconnaissante et complète : et la Danseuse. Puis, en 1956, elle partage l’affiche du film Anything Goes (Quadrille d’amour en version française), avec Bing Crosby, Mitzi Gaynor et Donald O’Connor.
Pour ces films, c’est Roland Petit qui signe les numéros dansés.
Entre les deux tournages, en 1953, elle se brouille avec Petit (une fois de plus…) et repart pour Broadway créer The Girl in Pink Tights, une comédie musicale signée Sigmund Romberg (musique), Leo Robin (paroles) et Jerome Chodorov et Joseph Fields (livret). Même si le spectacle ne tient l’affiche que 115 représentations de mars à juin 1954, les studios hollywoodiens envisagent d’en tirer une adaptation pour le grand écran avec… Marilyn Monroe – projet qui ne se réalisera finalement pas.
Forte de cette aventure américaine – où elle a été en général créditée de son simple nom de famille : « Jeanmaire » – et réconciliée avec Petit, elle devient, dès 1956, ce qu’elle ne cessera plus d’être : la vedette d’un genre qu’ensemble ils ont rêvé de réinventer – la revue. Elle s’y épanouit en s’appropriant l’univers du music-hall, en revisitant ses possibilités, en lui donnant un ton personnel et inimitable. C’est en 1961 à l’Alhambra que naît le numéro qui la rendra à la fois populaire et inoubliable : « Mon truc en plumes », de Bernard Dimey et Jean Constantin, dans des costumes d’Yves Saint Laurent.
En 1981, toujours avec Petit, ils tentent, à Broadway, de redonner vie à Can-Can, la comédie musicale de Cole Porter de 1953. Mais leur talent ne suffit pas à surmonter – comme beaucoup s’accordent à le dire – la médiocrité de l’œuvre ; c’est un flop retentissant : seulement cinq représentations.
En 2000, à 76 ans et la silhouette impeccable, elle revient pour un tour de chant dans la maison de ses débuts, qu’elle a toujours affectionnée, l’Opéra de Paris, qui l’accueille à l’amphithéâtre Bastille pour offrir une dernière fois ses Gainsbourg, Béart, Queneau, Ferrat et… son « Truc en plumes ».
Une cérémonie publique aura lieu en septembre pour rendre hommage à l’immense inspiratrice que fut Zizi Jeanmaire, a précisé sa fille ce matin.
« Lorsque le rideau se lève sur les spectateurs, il faut les séduire. La scène, c’est l’empire du charme », disait-elle. En cette période où les rideaux ne se lèvent plus, nous sommes ô combien impatients d’être à nouveau charmés… surtout si c’est par une artiste d’une telle énergie, d’une telle maîtrise, d’une telle exigence de danseuse classique, et d’une telle liberté aussi.