Adieu Alain Marcel

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Tout d’abord l’in­cré­dulité : « Non, cela ne peut pas être vrai », puis la sidéra­tion de réalis­er qu’Alain Mar­cel s’en est allé. Il est mort à Rio le 9 mars. Et c’est tout le théâtre musi­cal qui est en deuil.

Nous l’avions ren­con­tré en 1999 à l’époque de la créa­tion de La Cage aux folles à Mogador, spec­ta­cle qui ne ren­con­tra, hélas, pas son pub­lic comme ce fut le cas pour d’autres pro­duc­tions. Et pour­tant, l’ex­i­gence du met­teur en scène, son tal­ent dans l’adap­ta­tion française des paroles des chan­sons… tout dans son tra­vail trahis­sait cet amour inex­tin­guible pour la comédie musi­cale. Kiss Me, Kate fut une pro­duc­tion mer­veilleuse, Peter Pan fit rêver nom­bre d’en­fants au Casi­no de Paris. Et que dire de l’adap­ta­tion sur­voltée de Lit­tle Shops of Hor­rors au théâtre Dejazet ? Il per­mit à de nom­breux spec­ta­teurs de se famil­iaris­er avec ce genre, par­tic­i­pant ain­si à la dif­fi­cile implan­ta­tion du musi­cal dans le paysage cul­turel français. Il fut un précurseur, insuf­flant sa pas­sion, avec tout ce que cela com­porte, à ses col­lab­o­ra­tri­ces et collaborateurs.

Comé­di­en, auteur, met­teur en scène mais aus­si com­pos­i­teur, en 2009 il nous don­nait une leçon de théâtre à l’oc­ca­sion de la créa­tion d’un pre­mier volet autour de Sarah Bern­hardt, L’Opéra de Sarah — Avant l’Amérique, un seul en scène magis­trale­ment inter­prété par Jérôme Pradon, accom­pa­g­né au piano par Damien Roche, et qui fut récom­pen­sé du Molière de la meilleure pièce musi­cale. Une œuvre exigeante et remar­quable qui devait être un diptyque.

En 1979, avec Essayez-donc nos péda­los, il pro­pose un spec­ta­cle qui sec­oue le petit monde parisien avec une vision décom­plexée du milieu gay. Rap­pelons qu’à cette époque, l’ho­mo­sex­u­al­ité était encore con­sid­érée comme une mal­adie et qu’il fal­lait être sacré­ment gon­flé pour impos­er ce spec­ta­cle à des­ti­na­tion du grand pub­lic, mais nul doute qu’il fit pro­gress­er les men­tal­ités. Comme une con­ti­nu­ité, il pro­posa Encore un tour de péda­los en 2010, œuvre imper­ti­nente et encore une fois engagée qui pre­nait appui sur l’évo­lu­tion du regard porté sur les gays et qui, par­tant de là, dézin­guait à tout va. D’ailleurs le sous-titre « Je hais les gays » se voulait provo­ca­teur, his­toire de sec­ouer les men­tal­ités, y com­pris dans les rangs des pre­miers concernés.

Sa vivac­ité d’e­sprit, sa cul­ture, sem­blaient sans fin… tout comme ses coups de cœur et coups de griffes, grâce à un humour dévas­ta­teur et un sens de la réplique hors pair. Un homme com­plexe et ter­ri­ble­ment attachant dont nous n’ou­blierons jamais le tra­vail et que nous remercierons tou­jours pour tout ce qu’il a apporté.

Enfin, voici un doc­u­ment excep­tion­nel, réal­isé par Jean-Pierre Petit, autour de la créa­tion de Kiss Me, Kate. La caméra dis­crète et bien­veil­lante du réal­isa­teur per­met de ressen­tir et com­pren­dre l’in­vestisse­ment de l’équipe sous l’égide de ce met­teur en scène déter­miné, jusqu’à un con­stat tein­té d’amer­tume à l’is­sue de cette aven­ture. Même si son tra­vail fut en par­tie « gâché », selon ses ter­mes, la mise en scène de ce musi­cal a per­mis à nom­bre de spec­ta­teurs, dont je fais par­tie, de rêver, de s’é­vad­er, tout en offrant la per­spec­tive que, oui à Paris, quelque chose était pos­si­ble en ter­mes d’im­por­ta­tion de comédie musi­cale améri­caine. Alain Mar­cel aura, de toute manière, mar­qué l’his­toire de la comédie musi­cale française, tant par ses spec­ta­cles orig­in­aux que par ses adaptations.

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