Si Chicago a aussi bien fonctionné au box-office lors de sa sortie à l’hiver 2002–2003 et que l’on se réjouit autant de le (re)voir au Publicis le 24 mars prochain, c’est bien sûr parce que les numéros musicaux de John Kander et Fred Ebb (Cabaret) sont irrésistibles d’entrain et de mordant – et encore, le film a laissé de côté plusieurs des chansons du spectacle musical original. C’est aussi bien sûr pour la monstruosité du scénario : ah ! ces meurtrières pulsionnelles, cet avocat véreux, ces intrigues de prétoire, ces manipulations, ces jalousies… Et c’est aussi et surtout pour la distribution sensationnelle et aguerrie – plusieurs des artistes engagé·e·s ont un passé (et un avenir) dans le milieu musical – qu’a réunie le réalisateur Rob Marshall.
Dans le rôle principal de Roxie Hart, une femme au foyer qui rêve d’être chanteuse de cabaret, arrêtée pour le meurtre de son amant Fred Casely, qui lui a fait croire qu’il pouvait l’aider à accomplir son rêve alors qu’il voulait seulement coucher avec elle, il semble que Jennifer Aniston (Rachel dans Friends) ait d’abord été envisagée… C’est finalement Renée Zellweger, qui vient de gagner ses galons de star avec Le Journal de Bridget Jones en 2001, qui est choisie. Elle reçoit le Golden Globe dans la catégorie Meilleure Actrice dans un film musical ou une comédie, mais repart bredouille de la cérémonie des Oscars. En 2019, elle incarnera l’iconique Judy Garland dans Judy.
Pour Catherine Zeta-Jones qui interprète Velma Kelly, une chanteuse de cabaret charismatique arrêtée pour les meurtres de son mari Charlie et de sa sœur Veronica après les avoir surpris au lit ensemble, c’est l’inverse : nommée dans la catégorie Meilleure Actrice pour les Golden Globes, elle repart avec l’Oscar de la meilleure actrice dans un rôle secondaire. Quelques années plus tard, en 2009–2010, on retrouvera la séduisante Galloise en Désirée Armfeldt dans la reprise de A Little Night Music à Broadway.
John Travolta regrette d’avoir décliné le rôle de Billy Flynn et le tristement célèbre producteur Harvey Weinstein aurait refusé que Michael Jackson soit choisi, estimant que ce dernier aurait attiré l’attention au détriment du reste de la distribution. C’est donc Richard Gere qui incarne cet avocat avide, faux et enjôleur qui rend ses clients célèbres afin de leur faire bénéficier du soutien du public. Il reçoit le Golden Globe du meilleur acteur mais n’est même pas nommé aux Oscars. Avant Chicago, il était évidemment le sex-symbol de American Gigolo (1980), puis de An Officer and a Gentleman (1982) et Julia Roberts n’avait d’yeux que pour lui dans Pretty Woman (1990). On se souvient aussi de The Cotton Club en 1984.
Queen Latifah décoiffe dans son rôle de « Mama » Morton, la surveillante corrompue mais bienveillante de la prison du comté de Cook. Elle est nommée aux Oscars et aux Golden Globes mais repart bredouille. En 2007, on la retrouve dans l’adaptation au cinéma de Hairspray dans laquelle elle joue « Motormouth » Maybelle Stubbs.
Habitué des seconds rôles malmenés ou comiques, John C. Reilly est en terrain connu avec Amos Hart, le mari dévoué, simple d’esprit et naïf de Roxie. Il est lui aussi nommé aux Oscars et aux Golden Globes sans rien recevoir.
On connaît le caractère bien trempé de Lucy Liu : elle reste, pour le public de télévision, la détestable Ling Woo dans la série Ally McBeal (1998–2002) même si elle se rattrapera en incarnant l’une des charmantes et énergiques trois Drôles de dames au cinéma (2000 et 2003). Dans Chicago, elle est Kitty Baxter, une héritière millionnaire qui vole brièvement la vedette à Roxie et à Velma après avoir tué son mari et ses deux maîtresses. En 2003, elle devra subir la vengeance d’Uma Thurman dans Kill Bill.
Il a déjà joué Billy Flynn à l’automne 2002 sur les planches de Broadway, mais c’est en leader du groupe, ce maître de cérémonie mystérieux et mystique que Taye Diggs rejoint le générique du film de Rob Marshall. Il était aussi de la création de Rent à Broadway en 1996 (rôle de Benjamin Coffin III, qu’il reprendra dans l’adaptation pour le cinéma en 2005) et, en 2015, il assurera la fin de la production de Hedwig and the Angry Inch à Broadway en remplaçant – il n’est pas le seul – Neil Patrick Harris. Et il a également été aperçu dans Ally McBeal !
En procureur vent debout qui cherche à condamner Roxie et Velma, Colm Feore fait montre d’une rare droiture parmi les personnages du film. De même, en 2002, il incarne le rôle-titre dans une mini-série canadienne consacrée à l’ancien Premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau (père de l’actuel, Justin). Mais, en 1993, dans un tout autre genre, il était Glenn Gould dans la série de films Thirty Two Short Films About Glenn Gould. Preuve qu’il peut tout jouer !
Doit-on présenter Christine Baranski ? Dans Chicago, elle est Mary Sunshine, une journaliste à sensation prête à tout pour dégoter un scoop. En 2008, elle crèvera l’écran dans Mamma Mia! comme ex-membre des Dynamos aux côtés de Meryl Treep. En 2014, elle sera la Marraine de Cendrillon dans la version filmée d’Into the Woods. Elle a reçu deux Tony Awards en 1984 et 1989 pour des seconds rôles dans du théâtre non musical. Toujours au rayon Sondheim : en 2002, elle est Mrs. Lovett dans Sweeney Todd dans la production du Kennedy Center à Washington ; on la voit en 2007 et 2015 dans Follies ; et.elle profite du premier confinement pour trinquer façon Company avec ses copines Meryl Streep – toujours elle ! – et Audra McDonald. Cheers !
Dans le genre sexy ténébreux, Dominic West se pose là. Dans Chicago, il raconte des boniments à la jolie Roxie pour coucher avec elle ; dommage : elle le tuera. Son côté inquiétant et torride le suivra jusque dans la série The Affair de 2014 à 2019, mais il sera beaucoup plus sage en prince Charles pour les deux dernières saisons de la série The Crown. En 1999, il faisait une apparition dans le premier volet de Star Wars.
Rappeuse admirée et multi-récompensée, Mýa Harrison joue Mona, une prisonnière condamnée à mort pour avoir tué son petit ami artiste, Al Lipschitz, en l’étranglant après avoir découvert qu’il avait plusieurs liaisons. Elle a vendu des millions d’albums grâce à sa voix hors norme. En 2004, elle retrouvera Richard Gere dans Shall We Dance? – titre inspiré d’une chanson de The King and I de Rodgers et Hammerstein – et on la verra dans Dirty Dancing: Havana Nigths, un nanar musical et dansant censé être le préquelle du célèbre Dirty Dancing – mais comme on ne l’a pas vu, on ne peut pas le confirmer. En revanche, on a beaucoup aimé la reprise de « Lady Marmalade » sur la bande originale du film Moulin Rouge! en 2001, pour laquelle elle chantait aux côtés de Christina Aguilera, Lil’ Kim et Pink.
Deidre Goodwin joue aussi une prisonnière condamnée à mort : June a tué son mari Wilbur en le poignardant dix fois avec un couteau de cuisine parce qu’il s’est mis en colère et l’a accusée de le tromper avec le laitier. Elle est une habituée de Broadway : elle a participé à A Chorus Line, Nine, The Boys from Syracuse et – attention ! suspense… – Chicago. En 2018, dans Ocean’s 8, on l’aperçoit de l’autre côté des barreaux puisqu’elle y joue une gardienne de prison.
Denise Faye joue Annie, une prisonnière condamnée à mort – encore une ! – pour avoir tué son petit ami Ezekiel en versant de l’arsenic dans son verre après avoir découvert qu’il était mormon et qu’il était marié six fois. Elle connaît bien Chicago puisqu’elle avait interprété le rôle de Liz (voir plus bas) sur scène lors de la première reprise du spectacle musical en 1996–1997. À ce titre, elle apparaît dans le documentaire The Funny Face of Broadway de Rémy Batteault. Elle fait partie des co-chorégraphes du film, le chorégraphe en titre étant le réalisateur, Rob Marshall. Bob Fosse, qui avait réglé les danses pour le spectacle musical en 1975 avait pour projet une adaptation pour le cinéma mais s’est éteint avant d’avoir pu le concrétiser ; son style demeure éminemment présent dans le film et son nom est cité dans les remerciements. Denise Faye retrouvera Rob Marshall sur le film musical Nine et sera chargée des chorégraphies sur Burlesque avec Cher et Christina Aguilera. Pas mal, non ?
Elle est en condamnée à mort mais, contrairement aux autres, elle clame son innocence. Ekaterina Chtchelkanova incarne Katalin Helinszki, une prisonnière hongroise qui ne parle que deux mots d’anglais : non coupable. D’origine russe, elle est chanteuse, comédienne et – surtout – danseuse et poursuivra sa carrière dans le domaine du ballet.
Susan Misner incarne Liz, une prisonnière condamnée à mort pour avoir tué son mari Bernie en lui tirant deux fois dans la tête parce qu’il ne voulait pas arrêter de faire des bulles avec son chewing-gum. Pourquoi pas ? Elle voulait probablement participer au « Cell Block Tango » ! Quelques années plus tôt, on l’avait aperçue dansant dans Everyone Says I Love You, le film musical de Woody Allen. Plus récemment, elle était chorégraphe sur le dessin animé Les Bad Guys.
Jayne Eastwood (apparemment pas de lien de parenté avec Clint) est Mrs. Borusewicz, la voisine de palier de Roxie et Amos Hart. Elle n’a pas grand-chose à dire, mais, en 2007, on la retrouve en professeure de géographie de Tracy Turnblad dans le film Hairspray. En 2020, elle est toujours bon pied bon œil dans Hey Lady!
Enfin, last but not least, la regrettée Chita Rivera fait un caméo en interprétant Nickie, une prostituée. C’est elle qui avait créé le rôle de Velma en 1975 dans le spectacle musical à Broadway. La voici en 1984 aux côtés de Gwen Verdon, la première Roxie :
On l’aura compris : du premier au plus petit rôle, la distribution repose sur des artistes accompli·e·s, qui donnent à leurs personnages un réalisme saisissant à l’écran. Pour en avoir la confirmation, rendez-vous au Publicis le 24 mars à 14h30.