Rencontre avec Amélie Quéret, productrice.
Quelle place occupait la comédie musicale avant de produire ce film ?
J’avoue que la comédie musicale ne m’attirait guère. Tout en reconnaissant ses nombreuses qualités, l’univers de Jacques Demy était par exemple très loin de moi. J’avais davantage un penchant pour certains films américains, comme The Rocky Horror Picture Show. Quand le genre est utilisé de manière gratuite, je ne m’y retrouve pas. Or, quand Stéphane m’a parlé du projet, j’ai tout de suite été très stimulée par les idées qu’il défendait. Sa comédie musicale avait du sens, défendait un point de vue original, singulier, avec quelque chose d’important à dire sur, entre autres, le racisme ordinaire. Son projet contenait une universalité dans le propos, qui se trouvait en adéquation avec la forme particulière d’une comédie musicale. Stéphane, qui plus est, a une très bonne connaissance du genre.
Parlez-nous de votre parcours avec Stéphane.
Notre rencontre remonte à quelques années. Tout a commencé avec son court-métrage Feuilles de printemps, pour lequel j’ai été chargée de la production. Comme nous nous sommes parfaitement entendus, nous avons choisi de continuer. J’ai porté ce film en distribution, participé à sa vie en festival et ailleurs. Puis j’ai produit le court suivant, Allée des jasmins, toujours avec autant de passion. Notre entente n’a fait que progresser. C’est chouette de grandir ensemble !
Avez-vous découvert Yvonne Nguyễn dans ce scénario ?
Non ! Si je n’ai pas lu ses écrits sur Regard en Coulisse, je suis allée voir Cabaret jaune citron. À l’époque, je travaillais avec Stéphane sur un court-métrage et il m’a gentiment invitée. Je suis allée à l’Auguste Théâtre sans être conquise d’avance. J’ai immédiatement adoré le propos, tendre, malin, spirituel. Quant à Yvonne/Clotilde, je l’ai trouvée superbe. Ainsi lorsque Stéphane m’a pitché son long-métrage, je voyais très bien où il pouvait nous emmener et cela m’a très rapidement convaincue. Il fallait faire ce film !
Comment s’est déroulée la production de ce projet ?
C’est le film des premières fois : premier long-métrage pour Stéphane et moi. Produire un film n’est pas reposant tous les jours, d’autant plus que je l’ai produite seule. La coproduction avec la Belgique ne s’est, par exemple, pas concrétisée. Même si nous avons souvent entendu par d’éventuels partenaires que la comédie musicale est un genre sous-représenté dans notre pays car il a pour réputation de ne pas marcher, je dois dire que, globalement, tout s’est déroulé de manière assez fluide en matière de financement. Le stress est pourtant grand lorsqu’on se lance dans un film musical puisqu’une grande préparation est nécessaire en amont : la musique sous forme de maquettes doit être prête pour le tournage, les chorégraphies exigent des répétitions… Et bien se caler dans le timing. Par exemple, conscient que leur planning est souvent chargé avec les tournées, le casting des danseurs s’est fait très tôt, en mai, pour un tournage prévu en octobre. Mon rôle a été de trouver les bonnes personnes aux divers postes afin que tout s’organise au mieux. L’anticipation était le maître mot, en sachant que des impondérables surviennent fatalement.

Avez-vous des moments que vous affectionnez particulièrement dans le film ?
Il y en a tellement ! J’ai beaucoup de tendresse pour ce film. De nombreuses scènes se rattachent pour moi à des souvenirs forts avec l’équipe, avec Stéphane… Pour évoquer des scènes musicales, j’avoue que j’avais peur que la scène d’ouverture, très différente du reste du film, mette le spectateur sur une fausse piste. Mais elle est courte et l’on comprend illico qu’il s’agit d’un rêve, donc tout va bien ! De manière plus terre à terre, elle m’effrayait aussi car elle représentait un gros défi à tourner : en extérieur, ce qui nécessite de faire attention aux conditions météo, un plan-séquence avec un play-back, les chanteurs, les danseurs… Défi relevé !
Je peux évoquer également la séquence du concert de Truc Dao. Lorsque Stéphane me l’a présentée, j’étais un peu sceptique car elle devait durer huit minutes. Je lui ai suggéré de la raccourcir, mais ses arguments m’ont convaincue et ce moment possède une force qui me touche. J’aime aussi particulièrement la séquence d’audition avec l’improvisation d’Yvonne en vietnamien. Là se trouve concentré tout le talent de Stéphane qui, dans ce qu’il a écrit, peut nous faire rire et pleurer presque simultanément. Clotilde a livré une performance éblouissante dans ce plan-séquence. J’ai véritablement été cueillie, car lorsque j’ai lu la séquence je n’avais pas ressenti toutes ces émotions. J’aime aussi la manière dont Stéphane montre qu’il aime tous ses personnages. Par exemple, il n’accable pas le metteur en scène, il le montre comme un gentil, on ne le juge pas, on constate ses erreurs. Être dans la nuance, éviter les clichés font partie des forces de Stéphane. Et puis j’avoue… j’aime aussi la séquence en référence à Broadway dans laquelle Yvonne se rêve dans un numéro avec claquettes face au miroir ! Je dois dire également que tourner avec de la musique permet à l’équipe d’être joyeuse. Je me rappelle le nombre de fois où l’on chantait derrière le combo !
Que peut-on vous souhaiter pour l’avenir ?
Que ce film rencontre son public, ce serait une belle récompense pour toutes celles et tous ceux qui ont participé à cette aventure. Les témoignages du public nous comblent, c’est déjà énorme. Et j’espère que je pourrai continuer à travailler sur des projets qui me tiennent à cœur et garder, malgré la connaissance et l’expérience que j’acquiers, cette part de folie parce que c’est important. L’envie de raconter des histoires me motive : il y a tellement de choses importantes à dire.
Bravo, c’est vraiment intéressant d’aller interviewer aussi les producteurs, productrice en l’occurrence sur ce sujet. Et bravo pour la belle critique du film. J’espère vraiment qu’il va marcher.