de Jacques Offenbach, livret de Paul de Musset
Direction musicale: Laurent Campellone
Mise en scène: Thomas Jolly
Avec Marianne Crebassa, Franck Leguérinel, Marie-Eve Munger, Jean-Sébastien Bou, Loïc Félix, Alix Le Saux, Philippe Estèphe, Enguerrand de Hys, Kevin Amiel, Flannan Obé, Bruno Bayeux
Chœur Aedes
Orchestre Philharmonique de Radio France
L’étudiant Fantasio rêve de changer de vie. Justement, le bouffon du roi vient de mourir : s’il prenait sa place ? Or personne n’aimait plus le défunt que la princesse Elsbeth, promise par son père à une union politique avec le prince de Mantoue. Le jeune bouffon va amener la princesse à écouter son cœur. Jusqu’où se laissera-t-elle séduire ?
Notre avis: Après une fermeture pour travaux d’un an et demi, l’Opéra Comique ouvre sa saison avec Fantasio de Jacques Offenbach dont les représentations ont lieu au Théâtre du Châtelet. Cette œuvre créée en 1872 à l’Opéra Comique sur un livret de Paul de Musset adaptée de la pièce éponyme de son frère Alfred de Musset ne fut jouée que dix fois à sa création avant de disparaître. Cet échec peut s’expliquer par un fort sentiment antiprussien à l’égard d’Offenbach après la guerre de 1870 ou par la nature de l’œuvre : le côté sérieux de cet opéra-comique s’éloignant des opéras-bouffes aux sujets plus légers auxquels les spectateurs de l’époque avaient été habitués de la part du compositeur. Pourtant la partition de Fantasio est très belle, la musique est raffinée, les airs sont variés et le deuxième acte tout particulièrement est une grande réussite avec un chœur d’ouverture et un final magnifiques.
Dans cette nouvelle production, la mise en scène de Thomas Jolly met l’accent sur le côté romantique et poétique de l’œuvre en accentuant l’esthétique au détriment de la tension dramatique. Les décors sont très beaux, les couleurs évoluent d’un quasi monochrome en ouverture vers une polychromie flamboyante au fil de l’histoire, mais cette scénographie très réussie ne compense pas une faiblesse dans la direction d’acteurs qui accompagnée d’un éclairage qui semble fait à la lampe de poche donnent un aspect triste et un peu ennuyeux au spectacle. Les comédiens paraissent livrés à eux-mêmes, chacun fait des efforts louables mais ils ne semblent pas tous jouer dans la même pièce. On assiste donc a des moments inégaux certains frôlant l’hystérie, d’autres chargés d’une intense émotion comme par exemple la tirade de Fantasio contre la guerre que Marianne Crebassa dit avec une sincérité extrêmement touchante.
Heureusement cet aspect est vite oublié tant les qualités musicales sont grandes. La partition d’Offenbach est remarquablement mise en valeur par l’orchestre, le chœur et l’ensemble des solistes. L’orchestre dirigé par Laurent Campellone est brillant et donne beaucoup de relief et de lyrisme à l’œuvre. L’Ensemble Aedes assure des chœurs dynamiques et équilibrés et les chœurs séparés d’hommes et de femmes sont magnifiques.
La voix de Marianne Crebassa est sublime et son interprétation de Fantasio est formidable. Marie-Eve Munger est excellente en princesse Elsbeth, sa voix chaleureuse donne beaucoup de charisme à son personnage. A elles deux, elles portent littéralement l’œuvre de bout en bout. En cela, elles sont entourées de chanteurs remarquables qui tous, sans exception, font preuve de superbes qualités vocales et sont très bien distribués. On notera particulièrement les prestations du ténor Loïc Félix (Marinoni) et de la mezzo-soprano Alix Le Saux (Flamel) qui ravissent le public.
Pour sa réouverture, l’Opéra Comique nous propose avec Fantasio est une très belle découverte.