Hiver 1968. La légendaire Judy Garland débarque à Londres pour se produire à guichets fermés au Talk of the Town. Cela fait trente ans déjà qu’elle est devenue une star planétaire grâce au Magicien d’Oz. Judy a débuté son travail d’artiste à l’âge de deux ans, cela fait maintenant plus de quatre décennies qu’elle chante pour gagner sa vie. Elle est épuisée. Alors qu’elle se prépare pour le spectacle, qu’elle se bat avec son agent, charme les musiciens et évoque ses souvenirs entre amis, sa vivacité et sa générosité séduisent son entourage. Hantée par une enfance sacrifiée pour Hollywood, elle aspire à rentrer chez elle et à consacrer du temps à ses enfants. Aura-t-elle seulement la force d’aller de l’avant ?
Notre avis : Portés par la vague des biopics consacrés à Freddy Mercury et Elton John, les producteurs ont jeté leur dévolu sur une autre star mythique : Judy Garland. Pour ce faire, le scénariste Tom Edge adapte la pièce britannique End of the Rainbow de Peter Quilter. Il y était question de l’exil londonien de Judy et de ses cinq semaines de représentations pour le moins inégales au Talk of the Town. Elle devait décéder quelques mois après la dernière et ne retournera jamais vivre en Amérique. La pièce mettait en scène, en plus de la star, son pianiste gay et son futur cinquième mari. Le film a bien entendu largement étoffé la galerie de personnages, et le pianiste attitré a été remplacé par celui du cabaret londonien. C’est un personnage qui d’ailleurs n’a qu’une présence satellitaire. Judy Garland, sans doute plus connue de l’autre côté de la Manche comme de l’Atlantique, est un personnage mélodramatique idéal, mais presque « bigger than life » et à la psychologie tellement complexe et fascinante que, justement, il ne saurait être circonscrit à une seule œuvre. Il est fortement question dans le film de son passé, avec des flashbacks qui permettent de voir, de manière souvent un peu démonstrative, le poids de la MGM sur la jeune Judy qui dut se soumettre à des traitements épouvantables pour endosser le rôle de Dorothy dans Le Magicien d’Oz ou encore ses rôles dans les musicals avec Mickey Rooney. Louis B. Mayer n’était pas un tendre, ce qui se confirme durant ses deux apparitions. Les médicaments que l’adolescente fut forcée à prendre éprouveront durablement tant son physique que son mental. C’est ce que montre le film.
L’enfance est au cœur de ce biopic par le biais de celle de Judy, mais aussi celle de ses jeunes enfants, Lorna et Joseph. Star mythique mais ingérable aux États-Unis, plus personne ne veut l’embaucher. Financièrement, elle ne peut plus subvenir à leurs besoins et se voit contraindre de sonner à la porte de leur père, dont elle est séparée. S’exiler à Londres représente la promesse de gagner de l’argent pour mieux revenir s’occuper d’eux. Voilà donc l’enjeu principal du récit. Mais le film explore surtout la complexité d’une vedette qui vit également un conflit intérieur fort, parfois tiraillée entre l’amour pour sa famille et celui de son public, comme le démontre la dernière séquence par une sorte d’outrance dramaturgique que nous ne dévoilerons pas. Le réalisateur, qui semble peu à l’aise avec la mise en scène cinématographique, choisit des partis pris qui rendent son film un peu bancal. Ainsi il faut attendre au moins quarante-cinq minutes avant d’entendre la moindre chanson, de surcroit interprétée par Renée Zellweger. Le timbre si particulier de Judy Garland n’a pas sa place dans le film, ce qui peut être un problème auprès d’un public néophyte. La star n’avait-elle pas une voix d’exception ? Nous pouvons nous interroger sur la pertinence de ce choix qui semble être motivé en partie parce qu’il n’existe pas d’enregistrements valables de cette époque. L’autre argument est que la voix avait perdu de son éclat et que, par conséquent, faire interpréter les chansons par l’actrice posait moins de problème. Afin que chacun puisse se faire une idée, vous trouverez ci-dessous un extrait du fameux « Over the Rainbow » daté de 1969, soit l’année de la mort de la chanteuse. Quant à Renée Zellweger, multi-récompensée (comme c’est souvent le cas, nous pouvons le remarquer, pour les actrices et acteurs qui rendent physiques leurs performances), elle ne démérite pas et semble habitée par son personnage qu’elle copie avec soin. En plus d’être grimée, elle adopte sa gestuelle, ses mimiques. Liza Minnelli, qui s’était opposée à ce choix, apparaît, jeune, dans une brève scène, incarnée par Gemma-Leah Devereux. Judy icône gay, voilà également un thème abordé dans le film par le biais d’un couple d’hommes qui fréquente assidûment la salle où se produit leur vedette préférée et, un soir où ils l’attendent à la sortie des artistes, se produit l’inimaginable pour eux. Là encore, nous vous laissons le soin de découvrir de quoi il s’agit… Même si ce rebondissement semble trop « scénaristiquement » parfait pour être honnête, gageons qu’il sera de nature à faire rêver les fans…
Dans ce biopic, le personnage qui se taille facilement la part du lion est bien celui de Rosalyn Wilder, qu’incarne avec conviction Jessie Buckley. Assistante du producteur londonien Bernard Delfont, elle eut la lourde tâche de gérer la star qui, vraisemblablement, lui en a fit voir de toutes les couleurs. Entre crise de déprime, moments d’exaltation, mariage avec le profiteur Mickey Deans, elle fut une présence plus ou moins discrète. Vous pourrez découvrir ci-après une interview de cette femme, qui fut consultante sur le film. Elle avoue d’ailleurs dans un article que certains événements ont été incorporés au film de manière un peu outrée. Par exemple, elle n’aurait jamais poussé Judy Garland sur scène comme elle le fait dans le film. En revanche, elle se souvient d’une soirée où, arrivée très en retard et livrant une performance très médiocre, la star reçut des bouts de pain en guise de mécontentement — le cabaret dans lequel elle se produisait était également un restaurant.
En résumé, si vous connaissez déjà Judy Garland, ce film ne vous apprendra pas grand chose, mais pourra vous distraire en vous incitant sans doute à réécouter des titres de cette grande interprète. Si vous la découvrez, après avoir écouté les versions de Renée Zellweger, n’hésitez pas à vous plonger dans la discographie de la véritable, l’unique, irremplaçable Judy Garland.