Laurent Bán : « Tous les soirs, Les Misérables à Séoul, c’était un hommage à nos amis artistes français. »

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Le chanteur achève une tournée de concerts des Misérables en français en Corée du Sud. Alors que la France vient tout juste de rouvrir timidement les théâtres, cette tournée d’une troupe française devant des salles bondées semble presque anachronique.
Sortant de scène, encore tatoué ‘24601’, Laurent Bán revient, depuis Séoul, sur les coulisses de ce spectacle événement dans une période si troublée, et confie à Regard en Coulisse: « Tous les soirs, à Séoul, je dédiais le spectacle à tous nos amis artistes en France. »

Il est une heure du matin, vous sortez tout juste de scène, qu’éprouvez-vous ?
C’est un bon­heur total. Quel plaisir, quelle chance. On revit ! La péri­ode est si par­ti­c­ulière, si com­pliquée pour tous les artistes, que je mesure à chaque instant la chance que nous avons. D’autant que depuis quinze jours (une tournée à Busan puis Séoul), le pub­lic, très deman­deur, a large­ment répon­du présent. Il y a les fans de comédies musi­cales français­es mais pas que. C’est la folie, les salles sont bondées, ça hurle, ça crie. Les spec­ta­cles en français ont véri­ta­ble­ment une sec­onde vie en Asie, ils font un carton.

Ce spec­ta­cle est un hom­mage aux Mis­érables ?
C’est une ver­sion con­cert du spec­ta­cle, autour d’un orchestre sym­phonique com­posé de Coréens et dirigé par le mae­stro coréen Yun Hyuck Jin. Une pléi­ade de cos­tumes d’époque, beau­coup d’effets de lumières et deux écrans led cap­tant en direct le jeu des acteurs en gros plan. Au rap­pel, nous chan­tons tous ensem­ble un trib­ute, hom­mage aux « comédies musi­cales à la française » : vingt min­utes d’extraits des gros suc­cès de ces dernières années, Notre-Dame de Paris, Roméo et Juli­ette, Mozart, l’opéra rock, avant « À la volon­té du peu­ple », chant iconique des Mis­érables. Le pub­lic est déchaîné. Il y a quelques jours, l’équipe coréenne de Cameron Mack­in­tosch, KCMI (Les Mis­érables Korea) est venue voir le con­cert à Busan, puis à Séoul. Ils ont adoré. Nous avons la béné­dic­tion du Grand Chef, quelle fierté !

Com­ment est com­posée la troupe?
Nous sommes dix-huit artistes français, venant tous d’horizons très dif­férents. La pro­duc­tion coréenne souhaitait une ver­sion en français. Ils avaient dans leur esprit quelque chose qui se rap­proche plus de la ver­sion 80 que de celle de 91 au niveau des inter­prètes. Davan­tage pop-var­iété que lyrique. Heureuse­ment pour moi !
Dans le groupe, on retrou­ve donc aus­si bien des artistes du musi­cal pur, comme Noémie Garcia/ Fan­tine (Mozart, l’opéra rock, Mist­inguett, My Fair Lady), Romain Fruc­tu­oso / Enjol­ras (Roméo et Juli­ette, Le Fan­tôme de l’Opéra…) ou le rockeur Roland Karl /Javert (Roméo et Juli­ette), que des chanteurs lyriques : la sopra­no Anne-Marine Suire (Cosette), le ténor Émi­lien Mar­i­on (Mar­ius), le bary­ton Alexan­dre Arte­menko (Thé­nardier). Pour cer­tains, c’est leur pre­mière tournée à l’étranger, d’autres sont rodés. Mais toutes ces généra­tions, toutes ces orig­ines, tous ces styles, se sont mélangés pour créer quelque chose d’assez homogène. J’ajoute aus­si la présence de deux enfants : Madeleine et Gas­pard (une petite Cosette et un Gavroche). Leurs par­ents tra­vail­lent ici. Du haut de leur de 5 ans et 14 ans, ils sont impres­sion­nants dans leur rôle !

Vous êtes un peu le grand frère de toute cette troupe !
C’est vrai que je me suis retrou­vé à faire le lien entre tous. Involon­taire­ment ! Comme Romain ou Noémie, j’ai déjà eu l’oc­ca­sion de tra­vailler sur un grand nom­bre de pro­duc­tions en Asie, ce qui m’a per­mis d’ac­quérir une cer­taine expéri­ence en la matière. J’ai donc assumé ce rôle du grand frère, en prodiguant quelques con­seils, en com­mu­ni­quant au nom du groupe… Jean Val­jean étant lui-même la pierre angu­laire de l’histoire, tout cela s’est fait naturelle­ment. Nous avons, au final, une vraie belle équipe, dans toute sa diver­sité et ses dif­férentes couleurs. Une belle petite famille française, soudée, à 9 000 kilo­mètres de chez elle. Nous avons une chance inouïe d’être sur scène, de pou­voir jouer une œuvre magis­trale. Il y a entre nous quelque chose de très fort, qui s’est ampli­fié au fil des semaines.

Juste­ment, par­ticiper à ce spec­ta­cle n’a pas dû être simple…
Il est cer­tain que même si je tourne en Asie depuis quinze ans, ce show-con­cert est une expéri­ence totale­ment inédite ! Ce fut un véri­ta­ble par­cours du com­bat­tant en rai­son du con­texte san­i­taire. Rien ne pou­vait être fixé et, jusqu’à la pre­mière, ce fut l’incertitude.
Trois mois d’at­tente sur place pour enfin mon­ter sur scène ! Out­re la néces­saire quar­an­taine, la pré­pa­ra­tion, la pro­mo, le spec­ta­cle a été maintes fois repoussé pour des raisons san­i­taires. Il fal­lait à chaque fois tout réor­gan­is­er en urgence. Nous avons dû nous adapter et faire preuve de réac­tiv­ité. Ain­si, nous avons mis en place un sys­tème de répéti­tions heb­do­madaires avec le mae­stro et son pianiste, tan­dis que l’orchestre tra­vail­lait de son côté. Je dois dire que l’équipe coréenne a été aux petits soins. Même si la veille d’un con­cert, nous n’é­tions tou­jours pas sûr de jouer ! Tout ça était assez inédit et stres­sant, mais, finale­ment, à l’image de ce qui se passe dans le monde et qui nous dépasse.

C’est la pre­mière fois que vous inter­prétez Valjean…
En 2013, lors d’une audi­tion, j’avais ren­con­tré James Pow­ell qui allait diriger une ver­sion pour les États-Unis. Il me pressen­tait pos­si­ble­ment pour le rôle. J’al­lais devenir papa, ça a stop­pé net le pro­jet. Mais ce rôle mythique était évidem­ment resté dans un coin de ma tête. Quand huit ans plus tard, ce rôle est revenu, je n’ai pas hésité. D’autant qu’au milieu de ce no man’s land que tous les artistes ont vécu l’an dernier,  cette propo­si­tion soudaine venue de Corée était une superbe occa­sion. Je me voy­ais en Javert, mais ils me voy­aient en Val­jean. Ce fut acté. Un véri­ta­ble honneur.

Il faut dire que vous n’êtes pas un incon­nu là-bas…
J’imag­ine que mes tournées suc­ces­sives en Asie dans dif­férents rôles et pro­duc­tions ont joué en ma faveur. Je suis arrivé avec la toute pre­mière équipe de Notre-Dame en Corée il y a seize ans, puis il y eu Le Petit Prince, Mozart, Le Rouge et le Noir, et mes nom­breux con­certs solo. J’ai ici un pub­lic très fidèle, qui est à l’affût.

Com­ment expliquez-vous l’accueil que vous avez reçu ces dernières semaines ?
Les spec­ta­cles français ren­con­trent un suc­cès inat­ten­du en Asie. C’est une folie. Le pub­lic asi­a­tique adhère totale­ment à la nature même de ce genre de shows – tel Les Mis­érables – entre le musi­cal et le con­cert. Ils sont d’ailleurs cul­turelle­ment très proches du West End et de Broad­way. Ils con­nais­sent beau­coup mieux qu’en France les grands clas­siques comme Le Fan­tôme de l’Opéra, Miss Saigon, Les Mis­érables, Wicked... C’est dans leur cul­ture. Sur tout le con­ti­nent, il y a des tournées régulières de grands clas­siques anglais, améri­cains ou alle­mands. Mais l’engouement est encore plus sub­til avec la France. L’Histoire, l’amour, la mort, « aimer à en mourir », la pas­sion… dans leur esprit, c’est quelque chose de très français… sans compter notre langue qu’ils adorent : elle évoque pour eux la mer, les vagues, quelque chose de très doux. Les Mis­érables, avec ce réc­it, cette pas­sion, ce roman­tisme de Vic­tor Hugo, cette his­toire à échelle humaine au cœur de l’Histoire de France, tout est réuni !

Vous revenez en France dans quelques jours ?
Je suis par­ti fin jan­vi­er, ma famille me manque. Je vais chanter à Belle-Île-en-Mer, puis en août, je par­ti­rai avec Chiara di Bari, Yoann Lau­nay, Stéphanie et Yan­nick Sch­less­er en Hon­grie, d’où mon père était orig­i­naire, pour faire une série de con­certs à Budapest. Nous allons créer un spec­ta­cle autour de la chan­son française. D’ici là, j’irai applaudir les uns et les autres. Tous les artistes ont besoin de remon­ter sur scène, de retrou­ver le pub­lic. C’est notre rai­son de vivre. En Corée, chaque soir, au rap­pel, je pre­nais la parole au nom de la troupe, pour le dédi­er à tous nos amis artistes en France. À des mil­liers de kilo­mètres, nous étions unis par l’art aux artistes français.

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