Londres. XIXe siècle. Oliver Twist a 15 ans. Échappé d’une maison de redressement puis d’une famille de croque-morts qui l’achète pour une bouchée de pain, il part à la recherche d’une famille qu’il pense perdue…
En ville, il ne fait pas bon vivre sans protection, ni toit, ni argent. Enrôlé par une bande de voleurs aux mœurs douteuses, Oliver y est nourri et vêtu en échange de quelques tours de passe-passe que le vieux Fagin, pingre et stratège, lui inculque.
Dickens, jeune voleur espiègle et rusé, et Nancy, demoiselle au grand cœur, lui apportent aide et soutien dans sa quête de famille. Après une arrestation pour un vol qu’il n’a pas commis, Oliver fait la connaissance de M. Brownlow, un vieil homme riche qui a pour seule compagnie sa servante, Rosa. Cette rencontre pourrait bien changer sa vie à jamais… À la force de ses rêves, il a changé son destin.
Notre avis (publié en 2016) : Des mélodies interprétées en direct, au fil d’une œuvre de théâtre, un rythme soutenu, des artistes complets… L’on avait presque oublié ces dernières années, en France, sur quoi repose un grand spectacle musical, digne de ce nom. Certains même n’y croyaient plus… Et voilà qu’Oliver Twist a surgi. Et qu’il est étincelant.
Création originale et inédite, ce spectacle – muri discrètement depuis un an et demi – est d’un niveau rarement vu à Paris, tant il réunit, sans la moindre fausse note, tous les éléments d’un musical de Broadway et une distribution de très haute volée. À en faire pâlir beaucoup.
C’est sur la scène de la salle Gaveau – qui accueille pour la première fois un spectacle musical – que se déroulent les péripéties du jeune orphelin à la recherche de son père, tirées du chef‑d’œuvre de Dickens. Et d’emblée, dès l’ouverture, la qualité est là. Qui ira crescendo. La partition accroche l’oreille, le jeu des comédiens accroche le regard, et le public est embarqué. D’abord à l’orphelinat, puis dans les rues de Londres, dans le repaire de Fagin enfin, où Oliver a été recueilli. Chaque tableau est un régal, chaque scène, une nouvelle émotion. Entre rires et douceur. Fidèle aux différents univers du récit, le parallèle entre la pauvreté crasse des bas-fonds de Londres et la douce quiétude d’un appartement bourgeois est formidablement mis en scène. Trappes et décors en hauteur permettent de passer instantanément d’une séquence à l’autre, transformant en un clin d’œil l’atmosphère et les sentiments. Que quelques projections complètent minutieusement. La finesse de cette mise en scène, astucieuse et jamais vue, n’est pas le fruit du hasard. Elle est signée Ladislas Chollat. L’homme de Résiste a une fois de plus rempli son pari : le spectacle est partout sur scène, les chorégraphies sont bien intégrées, les attitudes sont étudiées, le rythme est tenu, qui alterne joyeux chorus, numéros dansés et solo émouvant. Chollat attrape le public et le tient en haleine jusqu’au dénouement. Initiateur du projet (avec Christopher Delarue, auteur du livret), Shay Alon a composé des mélodies riches et variées, jouées en direct par six musiciens. Autour d’un thème récurrent, dans la plus pure tradition de Broadway, ses compositions et les titres prennent naturellement leur place parmi le récit, respectant là aussi les codes des musicaux anglo-saxons… « C’est une belle journée » fait swinguer le deuxième acte, « Fastoche » est franchement un clin d’œil au cabaret et « Ce qu’il faut faire » interprété par le jeune héros sous des flocons de neige est poignant.
Cette scénographie habile et ces mélodies formidables ne seraient rien sans la distribution de choc d’Oliver Twist. Et le niveau de cette troupe est peut-être ce qui est le plus remarquable. Rarement un cast aura été à ce point impressionnant. Omniprésents – chacun occupant plusieurs rôles, tous sont saisissants de justesse et de conviction dans leur jeu comme dans leur voix. Aucun ne semble secondaire, aucun n’est présent à moitié. À l’inverse, tous chantent, dansent et interprètent avec un égal talent et une réelle aisance. Ils n’occupent pas la scène, ils la font vivre. Dans des rôles hauts en couleur, ciselés pour chacun, tout droit sortis de cette Angleterre du début du XIXe siècle. Une fois n’est pas coutume, tous se doivent donc d’être cités : Arnaud Léonard, Catherine Arondel, Gilles Vajou, Jeff Broussoux, Hervé Lewandowski, Marina Pangos, Sébastien Valter, Théa Anceau, Jennifer Barre, Juliette Behar, Xavier Ecary, Lucile Bourdon. À leurs côtés, le trio Prisca Demarez, David Alexis et Benoit Cauden atteint sans doute avec leurs personnages un niveau de performance inédit, se hissant, par leur talent, à la hauteur des plus grands. Ils entourent Nicolas Motet dont c’est le premier grand rôle sur scène. Tout juste âgé de seize ans, le jeune chanteur est l’Oliver Twist rêvé de Dickens. À l’aise du début à la fin, il signe une entrée vocalement fracassante dans le théâtre musical.
Ajouterons-nous enfin – mais est-ce nécessaire ? – combien les moindre détails de ce spectacle sont soignés à l’extrême : les costumes sont superbes, le maquillage et les accessoires sont plus vrais que nature, les gestuelles précises, les effets visuels ingénieux. Rien n’est laissé au hasard.
Pas de hasard, beaucoup de précisions, de qualité et de talents. Voilà sur quoi repose un très grand spectacle musical, comme on n’en avait pas vu depuis longtemps. Oliver Twist en est un, et c’est un événement. Tout simplement.