Cet automne, les bois auront un parfum sondheimien venant du Nord. Olivier Bénézech, accompagné par Samuel Sené à la direction musicale, montent Into the Woods, d’abord dans le Nord (Boulogne-sur-Mer, Condette) puis à l’Opéra de Massy, l’Opéra de Reims et au Théâtre de la Croix-Rousse à Lyon. À l’origine de ce projet, une structure des Hauts-de-France, La Clef des Chants, qui s’attache à promouvoir l’art lyrique dans sa région. Cette structure produit et diffuse des spectacles et mène des actions de sensibilisation auprès de nouveaux publics. Opéra, opérette, opéra baroque, opéra de rue, la forme lyrique est explorée sous différentes facettes et depuis quelques temps, le théâtre musical est entré dans la danse.
Into the Woods © Frédéric Iovino
Sondheim en région
Patrick Bève, directeur de La Clef des Chants, nous explique son choix. « Depuis plusieurs années, La Clef des Chants s’est investie dans la comédie musicale, déjà avec Olivier Bénézech avec Sweeney Todd, puis avec Bons Baisers de Broadway, mis en scène par Sébastien Fèvre, une plus petite forme, et aujourd’hui Into the Woods. On a marqué nos projets artistiques du sceau de la comédie musicale : c’est un choix. Pour Into the Woods, on était très séduit pas les contes de fées et l’approche psychanalytique d’Olivier nous a beaucoup plu. »
Olivier Bénézech, metteur en scène, ajoute : « On a choisi Into the Woods, d’abord parce que c’est un chef‑d’œuvre. Initialement, c’était un projet pour monter ici, dans un lieu shakespearien. Ensuite, par rapport aux travaux de Sondheim et à ma décision d’exporter Sondheim en région, c’était un des seuls titres possibles. Sunday et Company sont trop complexes, par exemple, mais les références d’Into the Woods sont connues de tous, par rapport à Bruno Bettelheim et aux références littéraires. »
Samuel Séné, directeur musical, précise : « Au départ, c’est un projet de James Lapine qui avait prévu de faire un « fourre-tout symbolique », cette expression est de lui, à savoir : prendre tous les contes qui avaient une valeur psychanalytique pour lui et voir comment il pouvait mélanger tout ça. Sondheim s’est superposé à ce travail là et a fait à peu près la même chose. C’est une partition où il va y avoir de la ballade pop, des morceaux complètement contemporains, du jazz ainsi que tous les fantasmes de Sondheim, comme ses influences ravéliennes. »
Une relecture psychanalytique
Dans ses mises en scène récentes, notamment Sweeney Todd et Wonderful Town, Olivier Bénézech avait bousculé les visions habituelles de ces œuvres en les transposant à des époques plus contemporaines (années 70/80). Ce traitement s’imposait aussi pour Into the Woods. « Je ne supporte pas les contes de fées traditionnels et encore moins les visions américaines d’Into the Woods que je trouve complètement ringardes. Pour moi, l’important est de trouver les clés contemporaines de l’œuvre. Je pense que même si j’avais eu le budget du Châtelet, je ne l’aurais jamais monté comme un Disney : je trouve que ça n’a aucun intérêt. En revanche, si on théâtralise un peu plus, si on booste, si on trahit, si on pousse vers l’incorrect, ça devient plus intéressant. Il faut sortir Into the Woods du monde figé de la comédie musicale tels que les Américains le conçoivent pour en faire un produit d’appel d’aujourd’hui comme on le ferait sur n’importe quelle œuvre théâtrale digne de pouvoir supporter le choc des époques. Je trouve qu’il n’y a rien de pire que de tout le temps vouloir restituer les choses telles qu’elles ont été faites au départ. »
De fait, l’œuvre est replacée dans une perspective plus psychanalytique. Olivier Bénézech explique : « C’est une séance d’analyse de deux heures dans un milieu urbain. Le prologue se passe dans un cabinet d’analyse et le narrateur est lui-même psychanalyste. Il y a vraiment un essai de revoir l’œuvre. Tout est déjà à double sens dans l’œuvre originale, mais il s’agit de le montrer un peu plus. »
Into the Woods © Frédéric Iovino
Pour ce spectacle, Olivier Bénézech s’est entouré d’une distribution d’habitués. On retrouve principalement des artistes avec lesquels il a déjà travaillé notamment Jérôme Pradon (Baker), Jasmine Roy (Baker’s Wife), Alyssa Landry (Witch), Dalia Constantin (Cinderella), Sinan Bertrand (Prince / Wolf), Scott Emerson (Narrateur et autres rôles) ainsi que quelques autres. L’œuvre est chantée en anglais avec néanmoins quelques dialogues joués en français. Le metteur en scène confie : « Pour la première fois de ma vie, on a fait des essais de jouer des parties en français, ce que je déteste… mais ça passe, et ça aide beaucoup ! Et musicalement, Samuel Sené a fait un travail stupéfiant d’adaptation musicale qui ajoute à la cohérence. »
Celui-ci complète : « Sondheim s’est amusé à faire un patchwork et comme il le dit lui-même, c’est au directeur musical et au metteur en scène de suivre chacune des atmosphères et de choisir un parti pris. Le mien est d’archétyper les personnages. Je ne cherche pas à unifier. L’unification vient du fait que c’est du Sondheim donc que c’est un langage unique dans sa recherche harmonique. Sondheim a aussi cette obsession de ne jamais vouloir faire deux fois la même chose : il y a des notes qui ne sont pas dues au hasard mais à cette volonté de ne pas vouloir faire deux fois la même chose. Chaque personnage, en fonction de son caractère, a une façon de chanter différente. C’est la première fois que ça m’arrive, mais j’ai une battue différente par personnage. Son génie est là : arriver avec une seule orchestration à faire un patchwork qui, au final, est cohérent. »
Into the Woods
16–17 novembre 2018 – Opéra de Reims
19–20 janvier 2019 – Opéra de Massy
19–23 mars 2019 – Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon