Pelléas et Mélisande

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Théâtre de l'Athénée–Louis-Jouvet – Square de l'Opéra Louis Jouvet, 75009 Paris.
Du 15 au 25 février 2024.
Renseignements et réservations sur le site du théâtre.

Dans un roy­aume loin­tain, gou­verné par le vieil Arkel, le prince Golaud ren­con­tre une mys­térieuse jeune fille dans les bois, Mélisande, qu’il épouse. Il la présente à son frère, Pel­léas, et tous deux tombent amoureux…

Notre avis : Quelle excel­lente idée de présen­ter une ver­sion piano du chef-d’œu­vre de Debussy et Maeter­linck ! Dans l’écrin de l’Athénée, toute la dimen­sion du « drame lyrique », du théâtre en musique, prend son sens. S’il manque inévitable­ment la tex­ture et la palette des couleurs de l’orchestre, les har­monies et les nuances du com­pos­i­teur – qui a écrit cette par­ti­tion orig­inelle lorsqu’il est tombé sous l’emprise de la pièce de théâtre – ne sont en rien altérées. On oserait même dire que, nonob­stant la déli­catesse du pianiste, le martèle­ment inces­sant des cordes du piano insuf­fle un sup­plé­ment d’an­goisse. L’in­stru­ment lui-même est dis­posé dans toute sa longueur sur la scène et sa présence – et même celle du musi­cien – est régulière­ment inté­grée à l’ac­tion, notam­ment dans une scène de la tour par­ti­c­ulière­ment sensuelle.

Moshe Leis­er et Patrice Cau­ri­er ne s’embarrassent pas d’une scéno­gra­phie com­pliquée ni de décors séduisants – n’au­rait-on cepen­dant pas pu pein­dre ou habiller le con­tre­plaqué qui fait office de fond de scène, et égale­ment choisir un mod­èle de porte plus élé­gant ? – pour se con­cen­tr­er sur la direc­tion d’ac­teurs, la sym­bol­ique de la pièce au sujet intem­porel. Donc, visuelle­ment, ni forêt ni parc ni fontaine ni grotte… mais un intérieur neu­tre vague­ment bour­geois où se noue l’in­trigue, et qui prend des allures de salon de musique lorsque le roi vieil­lis­sant se retrou­ve seul, comme bercé, face au piano. En plus de la tor­ride scène de la tour déjà men­tion­née, d’autres images mar­quent les esprits : Arkel qui cède son fau­teuil roulant à Golaud blessé après une chute de cheval puis à une Mélisande mori­bonde et dépres­sive ; la gifle de Geneviève à son fils qui vient de vio­len­ter sa femme. Le canapé qui illus­tre assez effi­cace­ment un promon­toire dans la grotte où se sont réfugiés Pel­léas et Mélisande est, en revanche, bizarrement util­isé lorsque les deux demi-frères par­courent les souter­rains du château…

©Regard en Coulisse

Tous les chanteurs ren­dent jus­tice au texte grâce à une excel­lente pronon­ci­a­tion et une évi­dence du mot. Jean-Christophe Lanièce et Marthe Davost s’ap­pro­prient avec beau­coup de justesse les rôles-titres : elle grâce à une voix lumineuse et une sincérité dans le jeu qui fait de Mélisande un per­son­nage mys­térieux voire ambigu ; lui par une solid­ité vocale dans une écri­t­ure qui sol­licite à la fois les tes­si­tures de bary­ton et de ténor et par un naturel dans le mou­ve­ment qui traduit la naïveté de Pel­léas. Hali­dou Nom­bre parvient à ren­dre son Golaud menaçant par un con­fort­able vol­ume sonore, son gabar­it et ses atti­tudes mais on reste per­plexe devant une voix pour­tant jeune qui mon­tre à plusieurs repris­es un vibra­to chao­tique et des détim­brages déplaisants. En ado­les­cent le casque vis­sé aux oreilles, Cécile Madelin campe avec beau­coup de réal­isme un Yniold rebelle mais ter­ri­fié par son père. La voix sonore et claire de Cyril Costan­zo, physique­ment bien plus jeune que son per­son­nage d’aïeul et que les habitués du rôle, trans­met avec bon­heur la bon­té et la bien­veil­lance d’Arkel. Enfin, Marie-Lau­re Gar­nier (révéla­tion artiste lyrique des Vic­toires de la musique clas­sique en 2021), dans le trop bref rôle de Geneviève, imprime une présence mag­né­tique, depuis une sai­sis­sante lec­ture de la let­tre jusqu’aux scènes où, muette, sa dig­nité et ses regards en dis­ent long sur cette mère tirail­lée entre ses deux fils. Au piano, Mar­tin Surot sus­cite admi­ra­tion et respect tant il fait de la par­ti­tion dense et ciselée de Debussy un élé­ment tan­gi­ble du drame.

Pour les fana­tiques d’opéra, ce spec­ta­cle offre le plaisir d’une ver­sion intimiste qui accentue le sym­bol­isme de l’œu­vre. Celles et ceux qui sont moins fam­i­liers du monde lyrique mais curieux d’un théâtre musi­cal de qual­ité seront cueil­lis par la puis­sance de la musique et la ten­sion du livret. Dans tous les cas, la prox­im­ité à la scène qu’of­fre le Théâtre de l’Athénée se révèle un atout absolu pour (re)découvrir cette pierre angu­laire du répertoire.

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