La « Reine de la nuit » s’en est allée. Régine, dont le nom est définitivement associé à l’univers des discothèques et aux inoubliables chansons « Les P’tits Papiers », « La Grande Zoa », « Patchouli chinchilla », « Les femmes, ça fait pédé »…, est décédée aujourd’hui à l’âge de 92 ans.
On se souvient de ses plus de cinquante années de tours de chant et de revues… à Bobino, à l’Olympia aux Folies Bergère et même au Carnegie Hall… On se rappelle ses apparitions au cinéma, dirigée par Claude Zidi, Pierre Granier-Deferre, Claude Lelouch, Claude Berri… Mais on sait moins qu’elle a été – très brièvement – à l’affiche d’une comédie musicale…
À l’automne 1974, le théâtre des Variétés programme Comme la neige en été, un spectacle musical imaginé par Jonathan Karmon, chorégraphe et metteur en scène – qui, en 1968, repérait le talent de Mike Brant. Jacques Lanzmann en a signé le livret et les lyrics – en 1969, c’est lui qui avait adapté Hair en français pour le Théâtre de la Porte-Saint-Martin. Dov Seltzer, musicien israélien, en a composé la musique. En tête d’affiche : Nicole Croisille, Mouloudji et Régine.
Il s’agissait de créer une comédie musicale à l’américaine.
« Comme la neige en été est une allégorie sur les minorités : les raciales, les sociales, les sexuelles. […] [La musique] est d’inspiration tzigane, puisqu’elle montre une troupe nomade conduite, dirigée par ‘une sorte de Golda Meïr’ : Régine. Mouloudji est un homme qui a vécu, qui sait. Sa morale est : ‘On efface tout et on recommence.’ Il n’y a pas d’intrigue construite, mais un enchaînement d’épisodes. Il n’y a pas de personnages définis, ils s’adaptent aux situations. Il n’y a pas de réalisme, la musique est orchestrée sur un mode moderne, les costumes sont outranciers. » (Source : Le Monde, article de Colette Godard « Un ‘musical’ franco-israélo-tzigane de Jacques Lanzmann ».)
« On parle des minorités, dit Jacques Lanzmann, mais il n’y a ni Africains ni Asiatiques. Ce serait trop direct, trop agressif. Dès que la situation devient trop dure, je m’en tire avec une pirouette, c’est dans mon tempérament. Après tout, j’écris des chansons. Les choses sont dites, pourtant. Les spectateurs qui ne voudront pas comprendre pourront se laisser aller au rythme et au spectaculaire. Je l’espère. Après Hair, on ne peut pas revenir aux idylles mièvres qui finissent bien. Comme la neige en été ne raconte pas d’histoire d’amour. On y voit les pessimistes qui se laissent exploiter, et les optimistes qui savent que les majoritaires ne peuvent pas se passer d’eux. » (Source : Le Monde, article de Colette Godard « Un ‘musical’ franco-israélo-tzigane de Jacques Lanzmann ».)
Dans Mouloudji, une biographie de Gilles Schlesser (éd. L’Archipel), Liliane Patrick, la compagne de Mouloudji, également engagée sur scène, fait part de vives tensions entre le chanteur et Régine pendant les répétitions. « La première a été une véritable catastrophe. Régine jouait la mama tzigane, boudinée dans un collant noir, et il fallait danser, ce qu’elle ne maîtrisait pas du tout. Elle a fait un bide et elle est tombée malade, dès le lendemain. Elle ne l’a joué qu’une fois. Nous avons arrêté quelques jours le spectacle, puis Catherine Sauvage a accepté de reprendre le rôle. »
Pourtant, Régine s’y connaissait en danse, si l’on en juge par cette leçon de cha-cha-cha :
Il était même prévu une reprise à New York. « Les danseurs américains retrouveront New-York après une série de représentations à Paris. La troupe sera dédoublée et l’une d’elles, Régine en tête, jouera sur Broadway. ‘Ce sera la première comédie musicale à passer l’Atlantique dans ce sens’, dit Jacques Lanzmann, manifestement satisfait, mais le regard embrumé d’inquiétude. » (Extrait de l’article de Colette Godard « Un ‘musical’ franco-israélo-tzigane de Jacques Lanzmann » dans Le Monde.)
Si Régine a raté son rendez-vous avec la comédie musicale, on pourra peut-être se consoler d’ici quelques années avec Régine, le musical, un jukebox musical dont notre époque a le secret et qui compilera ses plus belles chansons. Et pourquoi pas celles-ci ?
« Qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse ? », un succès de 1965 signé Francis Lai (musique) et Françoise Dorin (paroles) :
« Pourquoi un pyjama ? », un titre signé Serge Gainsbourg en 1966 :
La même chanson en playback au bord d’une piscine et allongée dans un lit flottant sur le site de l’INA.
« Gueule de nuit », une chanson signée Barbara en 1967, qui sera le titre du dernier livre de Régine (éd. Flammarion, 2018) :