Comédie musicale de chambre
Mise en scène de Michel Fau
Trame et dialogues Christian Siméon
Musiques Jean-Pierre Stora
Chansons Michel Rivgauche, Julie Daroy, Pascal Bonafoux, Jean-François Deniau, Christian Siméon, Hélène Vacaresco, Claude Delecluse et Michelle Senlis
Arthur Rimbaud disait : « Rien n’est beau que le faux, le faux seul est aimable. » Une certaine théâtralité factice me fascine, me fait rire et m’inquiète. Je veux continuer mon travail sur le travestissement et sur la voix transformée, par des chemins différents. C’est pourquoi, et en compagnie du charismatique Antoine Kahan, je vais tenter d’incarner la vérité de l’artifice…
À partir de chansons inédites de Michel Rivgauche et d’autres, sur des musiques mélancoliques et raffinées de Jean-Pierre Stora, j’ai demandé à Christian Siméon d’inventer un conte maléfique et pathétique : l’étrange histoire d’une vieille dame dévastée par la vie, seule dans une chambre d’hôtel en bord de mer, qui propose à un joli groom agaçant un contrat funèbre et délicat.
Cela ressemble à une vertigineuse mise en abyme des clichés humains, mais c’est aussi un hommage décalé et poignant à la grande chanson française. « Ma vie visible ne fut que feintes bien masquées » disait Jean Genet…
Michel Fau
Notre avis : Rarement ce haut lieu théâtral aura accueilli un spectacle aussi acidulé, dans tous les sens du terme. « Think pink » semble présider à la scénographie qui porte haut les dégradés de cette couleur, dont les effets se renforcent avec quelques pointes de vert. La couleur, qui se modifie au fur et à mesure du spectacle, reflète les sentiments tranchés des deux personnages qui évoluent devant nous, soit lady Margaret bourgeoise argentée en plein retour d’âge bien agité et Antoine, groom musculeux à la moustache aguichante.
Trois excellents musiciens ont déjà débuté à jouer lorsque vous regagnez votre siège. Dès cet instant vous voilà transporté ailleurs, par la grâce de forts belles mélodies (sentiment qui ne cessera de se confirmer) puis par l’intrigue qui se déroule intégralement dans une suite, ou loft, terme condensée en chambre afin de donner au spectacle son intitulé : « comédie musicale de chambre ». Nous y suivons avec délice les turpitudes de Lady Margaret, interprétée avec le brio qu’on lui connaît par Michel Fau, face à l’angoisse qui l’étreint d’une part de ne pas voir ses bagages arriver aussi vite qu’il l’aurait souhaité et d’autre part en raison de ce tableau rose du Mont Blanc vu de Chamonix qui orne le mur rose au-dessus de son lit rose. Tel est le point de départ d’une farce acide et jubilatoire qui se transforme en joute entre cette bourgeoise excentrique et ce jeune homme bien de sa personne qui, contre monnaie sonnante et trébuchante, deviendra son compagnon de jeu au sens strict : leurs rendez-vous quotidiens étant basés sur des scènes théâtrales que l’un et l’autre jouent.
Le tout ponctué de chansons qui, si elles n’ont pas été écrites spécifiquement pour le spectacle, trouvent leur place sans effort grâce à l’ingénieux travail d’écriture de Christian Siméon, en charge de ficeler cette intrigue. Et quel bonheur de se délecter de ces mots qui évoquent le meilleur de ce que produisait l’opérette d’antan : ces mots d’esprit pétillent comme un meilleur champagne.
En outre, si tout cela n’est que farce, le talent de Michel Fau et de Antoine Kahan consiste à jouer au maximum avec l’artifice, voire les stéréotypes y afférents, et permettre au spectateur de les oublier pour suivre sans se poser de questions cette intrigue hilarante et fine. Un véritable tour de force mené avec l’air de ne pas y toucher. La durée du spectacle est parfaite, l’énergie dégagée procure un enthousiasme pour le spectateur qui tient véritablement au bonheur de ces deux acteurs accompagnés par ces trois formidables musiciens d’être sur scène pour partager leur art.