1. Une Funny Girl qui portait bien son nom
Si Barbra jouit déjà d’une certaine renommée lorsqu’elle est choisie pour interpréter Fanny Brice sur les planches de Broadway en 1964 (elle avait alors 22 ans), c’est ce rôle qui va propulser sa carrière vers les sommets desquels elle ne redescendra jamais. Et pour cause, ce personnage charismatique bourré de talent et d’autodérision lui va comme un gant. Il suffit pour s’en convaincre de relire la biographie ubuesque de Barbra figurant dans le playbill du show (livret descriptif remis à chaque spectateur avant le début du spectacle), dénotant totalement avec le sérieux des habituels CV condensés.
En plus d’être apparue off-Broadway, sur Broadway et loin-de-Broadway dans des boîtes de nuit, à la télévision et sur scène, Barbra Streisand est la récipiendaire du prix de l’artiste de l’année du Cue Magazine. Star du disque, talentueuse décoratrice d’intérieur, styliste et portraitiste, elle joue également au hockey sur gazon. Sa performance dans la comédie musicale I Can Get It For You Wholesale fut un véritable showstopper et a été très admirée par la critique, le public et le premier rôle masculin, Elliot Gould, qui l’a épousée. Barbra est une adepte de la philosophie et de la cuisine orientales, mais privilégie également les dîners devant la télé à l’occasion. Elle est une collectionneuse renommée de vêtements anciens, de chaussures et d’éventails. Sa fleur préférée est le gardénia, car c’est le seul parfum qui ne peut être capturé. Son rendez-vous préféré de la semaine est le mardi, car elle consacre une partie de chaque mardi de l’année à enfiler des perles de cristal vendues dans un supermarché du Vermont. Elle sait faire de la glace au café et se coiffer elle-même. Pour plus d’informations personnelles, écrivez à sa mère.
À noter qu’il aura fallu attendre 2022 pour voir naître le premier revival sur Broadway du classique de Jule Styne, avec Beanie Feldstein dans le rôle de Fanny Brice. La première a eu lieu ce dimanche 24 avril. Coïncidence ?
2. Pari perdu pour Hello, Dolly!
Lorsque la Fox décide d’adapter la comédie musicale Hello, Dolly! au cinéma, Carol Channing qui a créé le rôle de Dolly Levi à Broadway est très rapidement écartée au profit de Barbra. La Fox a en effet bien conscience du potentiel cinématographique de la star à venir (le tournage d’Hello, Dolly! a lieu avant la sortie du film Funny Girl).
Quand bien même Barbra finira par être excellente dans le rôle – car elle y apportera son grain de folie légendaire –, ce choix de casting est à l’évidence à côté de la plaque : Barbra est alors âgée de 25 ans lorsqu’elle interprète Dolly, veuve ayant au moins la quarantaine – lors du revival de 2017, c’est Bette Midler, alors âgée de 71 ans, qui joue Dolly.
Barbra a bien conscience qu’elle ne correspond pas au rôle et souhaite se détacher du projet. Son agent et elle tentent alors un coup de bluff consistant à demander un cachet mirobolant pour l’époque — on parle d’un montant d’un million de dollars – en se disant que les producteurs allaient nécessairement refuser… Raté !
Le semi-échec du long-métrage sera pendant un temps mis sur le dos de cette erreur de casting. Il y a fort à parier que les multiples soucis de production ont davantage porté préjudice à la sortie du film. Son statut d’œuvre-culte lui sera reconnu bien plus tard.
3. Le méconnu Funny Lady
Funny Girl ayant été un succès retentissant, il n’est pas surprenant qu’une suite ait vu le jour en 1975, sous le nom de Funny Lady. Ce film n’est pas l’adaptation d’une comédie musicale de Broadway mais contient néanmoins un nombre conséquent de numéros chantés, composés non plus par Jule Styne mais par les non moins célèbres Fred Ebb, John Kander et Peter Matz. Le film s’intéresse toujours à la vie de Fanny Brice et notamment son mariage tumultueux avec Billy Rose (James Caan), imprésario et producteur de spectacles.
Barbra reprend son rôle fétiche. Omar Sharif revient également pour mettre un point final à la relation relatée dans Funny Girl. Le film a été un succès commercial mais n’a pas retenu l’attention des critiques et, à défaut de véritables tubes, n’est pas parvenu à atteindre la même reconnaissance que son aîné.
Il n’en demeure pas moins que le film est de qualité, rien que pour nous avoir offert la chanson « Isn’t This Better? » interprétée par Barbra. À ce moment du film, Fanny Brice s’interroge sur les raisons qui peuvent pousser à s’engager dans une relation et notamment s’il est préférable de privilégier la passion ou la bonne entente.
4. Barbra en français
On sait que l’immense Michel Legrand a composé la musique du premier film de Barbra en tant que réalisatrice, le fameux Yentl (1983). Il nous a offert de magnifiques mélodies telles que « Papa, Can You Hear Me? », « Where Is It Written? » et l’un des plus grands classiques de Barbra : « A Piece of Sky ». À cet égard, on peut regretter que toute la B.O. ne soit interprétée que par Barbra, alors même qu’elle s’était notamment octroyé les services du beau et talentueux Mandy Patinkin. Cela n’aura tout de même pas empêché Michel Legrand de remporter l’Oscar de la meilleure musique.
Mais Yentl n’est pas la première collaboration entre Barbra et Michel Legrand. En effet, ce dernier a arrangé et dirigé le huitième album studio de Barbra sorti en 1966 : Je m’appelle Barbra. Cet album comprend notamment une chanson en français dont les paroles ont été écrites par Barbra elle-même et qui s’intitule tout simplement « Ma première chanson ». Une belle occasion de redécouvrir l’interprétation live de cette chanson avec Barbra au micro et… au piano !
5. Une fan de Stephen Sondheim
En trois albums consacrés à Broadway, Barbra a interprété pas moins de dix-huit chansons écrites et/ou composées par le plus grand auteur compositeur contemporain, l’unique Stephen Sondheim.
The Broadway Album (1985) :
- Putting It Together (Sunday in the Park with George)
- Something’s Coming (West Side Story)
- Not While I’m Around (Sweeney Todd)
- Being Alive (Company)
- Send In the Clowns (A Little Night Music)
- Pretty Women / The Ladies Who Lunch (Sweeney Todd / Company)
- Somewhere (West Side Story)
Back to Broadway (1993) :
- Everybody Says Don’t (Anyone Can Whistle)
- Children Will Listen (Into the Woods)
- I Have a Love / One Hand, One Heart (West Side Story)
- Move On (Sunday in the Park with George)
Encore: Movie Partners Sing Broadway (2016) :
- Loving You (Passion)
- The Best Thing That Has Ever Happened (Road Show)
- Not a Day Goes By (Merrily We Roll Along)
- Losing My Mind (Follies)
- Take Me to the World (Evening Primrose)
Soucieuse d’interpréter et de personnaliser au mieux ses reprises, Barbra n’a pas hésité à contacter Stephen Sondheim pour adapter certaines paroles des chansons « Putting It Together », « Send In the Clowns » et « Children Will Listen », pour ne citer qu’elles.
À cet égard, Stephen Sondheim décrit ses interactions avec Barbra dans son diptyque Finishing the Hat / Look, I Made a Hat. À propos de « Send In the Clowns », pour laquelle Barbra a demandé la rédaction d’un nouveau couplet, Stephen Sondheim commente cette anecdote de la façon suivante :
« L’une des excellentes chanteuses ayant enregistré Send In the Clowns était Barbra Streisand, une interprète qui examine très attentivement les paroles qu’elle chante et qui s’est interrogée sur le lien dramatique entre les deux derniers couplets de la chanson. En effet, sans les excuses parlées de Fredrik et son départ de scène, il existe un fossé émotionnel entre la fin de l’avant-dernier couplet et celui commençant par « Isn’t it rich? ». Alors, quand elle m’a demandé d’écrire quelque chose qui accomplirait la transition, cela semblait être une demande logique plutôt qu’un caprice de diva. »
Si Stephen Sondheim le dit !
6. Impliquée dans le scandale Patti Lupone vs Sunset Boulevard
Le célèbre scandale autour de la production de Sunset Boulevard d’Andrew Lloyd Webber a marqué Patti Lupone à un point tel qu’il aura fallu attendre vingt-cinq ans pour que cette dernière soit en paix avec cette affaire. Pour rappel, après avoir créé le rôle de Norma Desmond sur les planches du West End en 1993, Patti devait reprendre le rôle pour l’ouverture du show à Broadway. Mais Andrew Lloyd Webber l’a – pour résumer – remplacé par Glenn Close dans des conditions jugées irrespectueuses. Patti en a dès lors voulu à tous ceux impliqués de près ou de loin dans cette trahison.
Et parmi les victimes collatérales de la colère de Patti, se trouve… Barbra ! Alors même que Patti devait être la première interprète des chansons du show, Andrew Lloyd Webber a, sans la prévenir, demandé à Barbra d’enregistrer les deux tubes incontournables « With One Look » et « As If We Never Said Goodbye », qui figureront dans son deuxième album consacré à Broadway (Back to Broadway, 1993), court-circuitant en quelque sorte l’exclusivité qui revenait « de droit » à l’interprète originale du rôle principal.
À noter que Barbra, comme à son habitude, a adapté les paroles pour qu’elles lui soient personnelles. The Streisand Touch, on vous dit !
7. L’effet Streisand
En 2003, un photographe diffuse une photographie aérienne du domaine privé de Barbra. Alors qu’elle poursuit en justice le photographe pour empêcher que le cliché ne se propage, sa demande produit l’exact effet inverse puisque la publicité autour de la procédure judiciaire engagée démultiplie la diffusion de la photo litigieuse.
Cet incident a donné naissance à l’expression « effet Streisand », consistant à favoriser la diffusion d’une information en tentant de l’empêcher. Un phénomène dont Barbra se serait, à coup sûr, bien passée !
8. Stage Fright
Alors qu’elle est une star incontestée – 150 millions d’albums vendus à travers le monde, numéro 1 du Top Album américain sur six décennies, détentrice de deux Oscars, un Tony Award, dix Grammy Awards, cinq Emmy Awards, neuf Golden Globes, etc. –, Barbra est sujette à un immense trac lorsqu’il s’agit de monter sur scène. À tel point qu’elle a évité de se produire en concert durant vingt-sept ans, à l’exception d’événements politiques ou de galas de charité. Elle garde en effet en tête le souvenir traumatisant d’un concert au cours duquel elle a totalement oublié les paroles de sa chanson en plein milieu de la performance.
L’arrivée des prompteurs l’a aidée à surpasser cette peur sans pour autant tout à fait la guérir. Elle n’hésite d’ailleurs pas à se servir des gigantesques écrans des stades dans lesquels elle se produit pour projeter les paroles.
Nul doute que ses millions de fans à travers le monde sauront chanter à sa place en cas d’oubli.