Musique : George Gershwin
Lyrics : Ira Gershwin
Livret : Craig Lucas
Mise en scène et chorégraphie : Christopher Wheeldon
Notre avis : Après Paris et Broadway, le spectacle créé au Châtelet il y a deux ans s’installe dans le West End avec les marques de fabrique qui ont fait son succès : les standards de Gershwin, les décors animés par des projections hallucinantes et les chorégraphies tellement présentes que l’on ne sait s’il faut qualifier l’œuvre de comédie musicale ou de ballet.
Au centre de l’intrigue, il y a l’amitié entre trois hommes, deux vétérans américains, dont l’un sort de la guerre plein d’énergie et l’autre handicapé par une blessure, et un Français qui peine à couper le cordon… et à sortir du placard. Tous trois sont épris — chacun à sa manière — d’une ballerine à l’allure d’Amélie Poulain qui semble leur glisser entre les doigts comme elle glisse sur les pointes. L’atmosphère ambiguë de la Libération exacerbe le potentiel dramatique. A ceci près que le parti-pris esthétique nuit à l’empathie pour les protagonistes. Le gigantisme des décors écrase les acteurs. Il y a peu de dialogues et de conflits explicites entre les personnages qui laissent s’installer de longs silences et qui s’expriment plus volontiers par entrechats. C’est là un point faible : la forme prime parfois au détriment du fond. On ne vit pas vraiment l’histoire, on la regarde. Mais qu’est-ce que c’est beau !
Les scènes s’enchaînent sous un déluge d’éléments de décors roulant et volant sur lesquels sont projetées des vidéos parfaitement synchronisées qui déploient des vues de Paris en relief de façon dynamique et immergent les danseurs dans un véritable tableau d’art abstrait vivant. Ce penchant esthétique couplé à la musique de Gershwin aux rythmes syncopés et aux harmonies mineures fait de An American in Paris une œuvre à part, un brin élitiste, dans la comédie musicale. Les spectateurs francophones qui l’auraient manqué au Châtelet peuvent désormais se rattraper à deux heures de train de Paris
(lire aussi notre article sur la production originale au Châtelet)