Décembre 1897, Paris. Edmond Rostand n’a pas encore trente ans mais déjà deux enfants et beaucoup d’angoisses. Il n’a rien écrit depuis deux ans. En désespoir de cause, il propose au grand Constant Coquelin une pièce nouvelle, une comédie héroïque, en vers, pour les fêtes.
Seul souci : elle n’est pas encore écrite. Faisant fi des caprices des actrices, des exigences de ses producteurs corses, de la jalousie de sa femme, des histoires de cœur de son meilleur ami et du manque d’enthousiasme de l’ensemble de son entourage, Edmond se met à écrire cette pièce à laquelle personne ne croit. Pour l’instant, il n’a que le titre : Cyrano de Bergerac.
Notre avis : Alexis Michalik a depuis plusieurs années le vent en poupe. Ce jeune acteur, auteur, metteur en scène et désormais réalisateur met toute son énergie et son talent au service du public pour lui transmettre son amour immodéré pour le théâtre, pour les comédiens, le tout avec un humour et une auto dérision qui font tout le sel des divers projets. Dans La Mégère à peu près apprivoisée, il détournait avec loufoquerie Shakespeare et se lançait dans un spectacle musical désopilant. Edmond fut d’abord un scénario avant d’être une pièce de théâtre à succès. Nous y retrouvons le même goût pour un humour assez british, avec le souhait que tout aille vite, vite, vite. D’ailleurs les scènes au théâtre s’enchaînent et sont présentées comme des séquences de film : l’adaptation cinématographique est troublante puisqu’elle permet de retrouver la quasi intégralité des moments scéniques.
Il va de soi que la genèse pour le moins chaotique et drôle de Cyrano de Bergerac, en tout cas l’interprétation qu’en fait Alexis Michalik puisque, si le film (ou la pièce) s’ouvre avec un résumé des événements historiques de l’époque, le reste n’est pas uniquement « basé sur des faits réels », mais sur une vision amusante de l’auteur qui lui permet de tisser un récit avec les inévitables enjeux et obstacles, le jeune Edmond étant confronté à des personnages tendres ou grandiloquents, avec un ultimatum qui tient le spectateur en haleine : il n’a que quelques jours pour écrire sa pièce. La vitesse, là encore, est de mise.
Alexis Michalik se réfère à Shakespeare in love en présentant son Cyrano. Les liens sont effectivement nombreux, une certaine malice en plus. En outre la mise en abîme indirecte (Cyrano est présenté au public alors que le cinéma balbutie et va en partie supplanter le théâtre en attirant les foules), possède un charme réel, relevé par le soin porté à la reconstitution d’un Paris idéalisé, mais réaliste.
La réalisation alerte ne laisse pas la place au temps mort, la musique (parfois un peu trop présente) rythme les diverses séquences. Le personnage de la femme d’Edmond, qui était au demeurant auteur également, reste une sage femme au foyer. Et le film se permet une échappée lors de la scène de la mort de Cyrano puisque, tout comme le final du Dernier Métro, nous sommes transportés avec douceur d’un décor de théâtre à la réalité, ici un véritable couvent.
Le film séduit facilement, le souci du réalisateur à captiver son spectateur se révèle payant et l’amour qu’il a pour ses comédiens, quelle que soit l’importance de leur rôle, se révèle palpable. Tout virevolte, dans une ronde effrénée qui conduit Edmond Rostand à vivre, enfin, son succès, troublé par ses histoires de cœur. Un film qui donnera sans doute envie d’aller découvrir la pièce, voire de lire le texte qui est édité ou encore la bande dessinée. En ce début 2019, Alexis Michalik est partout et c’est plutôt une bonne nouvelle !