Promenons-nous dans les bois… et plongeons-nous à nouveau dans l’univers fascinant de Stephen Sondheim, dieu vivant du théâtre musical, dont la Clef des Chants a produit récemment l’horrifique thriller musical Sweeney Todd. Créé à Broadway en 1987, Into the woods mêle l’intrigue de quatre contes de l’enfance (Cendrillon, Le Petit Chaperon rouge, Jack et le haricot magique et Raiponce) au destin d’un couple victime du mauvais sort d’une sorcière et dont le désir de fonder une famille va bouleverser le cours des événements. Dans la forêt, lieu commun à toutes ces histoires, symbole du monde obscur de notre inconscient pour le psychanalyste Bruno Bettelheim, les personnages se perdent, se retrouvent, s’échappent pour mieux y retourner et tenter d’apprendre à vivre ensemble malgré leurs différences.
Notre avis : Depuis quelques années, le metteur en scène Olivier Bénézech s’attache à promouvoir en région le répertoire de Stephen Sondheim. En 2013, Follies était monté à l’Opéra de Toulon, puis en 2014, ce fut Sweeney Todd pour la Clef des Chants. C’est cette entité des Hauts de France qui produit aujourd’hui Into the Woods, créé dans le Nord (Boulogne-sur-Mer puis Condette) avant de tourner à Reims, Massy puis Lyon.
Ce musical de Sondheim et Lapine, créé en 1987, monté en France pour la première fois au Châtelet en 2014, porté à l’écran produit par Disney et réalisé par Rob Marshall en 2015, revisite l’univers des contes de fées en faisant se rencontrer différents personnages emblématiques, ayant chacun un désir bien spécifique. Dans cette œuvre, influencée par l’angle psychanalytique de Bruno Bettelheim (auteur du célèbre Psychanalyse des contes de fées), les intentions des protagonistes sont plus tranchées, plus complexes et les héros sont loin d’être irréprochables.
Comme pour certaines de ses précédentes productions (Sweeney Todd et plus récemment Wonderful Town de Bernstein), la mise en scène bouscule un peu l’œuvre originale, notamment sur un plan visuel, en modernisant costumes (de Frédéric Olivier) et scénographie (Bénézech et Grégory Leteneur). Les bois ont des lueurs de néons, les jeunes héroïnes sont plus provocantes que chez Disney et les méchantes sœurs semblent plutôt se préparer à un concours de drag queens qu’à un bal de la cour. La transposition fonctionne — les névroses de ces personnages sont somme toute intemporelles — et donne un petit coup de fouet aux incarnations plus attendues semblant sorties d’une gravure de Gustave Doré.
La distribution, quant à elle, rassemble bon nombre d’habitués des spectacles de Bénézech avec deux nouveaux venus (Bastien Jacquemart et Charlotte Ruby). La plupart des comédiens incarne plusieurs rôles, la palme revenant néanmoins à Scott Emerson qui interprète avec jubilation cinq personnages différentes, masculins et féminins. La troupe porte avec bonheur la partition de Sondheim sous la direction musicale de Samuel Sené, révélant la riche diversité musicale de cette œuvre. A noter que certains dialogues ont été traduits en français (mais pas tous !).
Cette production est une occasion de redécouvrir l’œuvre de Sondheim et Lapine sous un angle un peu différent. Le spectacle jouera quelques dates dans des villes proches de Paris (Reims, Massy) puis à Lyon.