Cette nouvelle série de concerts représente-t-elle un défi particulier ?
C’est un défi en effet ! Pour la première fois, Lawrence Faudot, le directeur du Publicis Cinémas, transforme une salle de cinéma en salle de spectacle. Il a vu le spectacle à La Nouvelle Ève, cabaret bien connu avec un cachet particulier. À nous de recréer une atmosphère de spectacle vivant dans une salle qui, à l’origine, n’est pas faite pour cela. Notre but est de créer une ambiance intime et chaleureuse. Par ailleurs, ce spectacle se renouvelle sans cesse : certaines chansons composent la colonne vertébrale, elles sont pour moi viscérales, d’autres sont retirées, de nouvelles ajoutées – quatre dans le cas présent. À chaque fois c’est une nouvelle pression puisque nous tendons à trouver un bon équilibre entre les titres.
Comment travaillez-vous ces changements ?
Une captation de travail à La Nouvelle Ève nous a permis de prendre conscience des aménagements à apporter dans une salle comme le Publicis. J’aime profondément ce spectacle qui évolue avec nous et avec ce qui nous entoure. La période est particulièrement compliquée, on ne peut pas faire semblant de ne rien voir. Cela influe donc sur le choix des morceaux, le travail d’écriture des liaisons… L’idée est d’aller vers le lumineux : trouver la lumière même si elle manque. La part immuable du spectacle est relatif à ma grand-mère, une personne drôle, positive avec des ressources incroyables face aux duretés de la vie. Encore plus maintenant, elle m’accompagne. Musicienne, elle accompagnait Barbara et bien d’autres à L’Écluse. Cette scène grande comme un mouchoir de poche pouvait accueillir tant de formes artistiques différentes et souvent le fruit d’un malicieux mélange. Raymond Devos m’a toujours inspirée, j’interpréterai l’un de ses sketches qui résonne particulièrement avec l’actualité. Son esprit, sa poésie, sa manière de ne pas se prendre au sérieux : voilà qui nous fait vibrer. Nos passions communes, avec Frederick Steenbrick et les musiciens, nous permettent d’avancer dans la même direction.
Quelle sera la formation musicale ?
J’ai la chance d’avoir les quatre mêmes musiciens qu’à La Nouvelle Ève, ils sont fantastiques et je me suis attachée à leur donner la parole. Tous sont virtuoses et le public aura l’occasion de l’entendre. Ce sont des choses qui tirent par le haut. Par ailleurs, Frederick m’aide beaucoup, il a une vision de metteur en scène. Au Pays-Bas, la culture du cabaret est très présente et sa source d’inspiration est Herman Van Veen, un clown violoniste chanteur. Il n’est pas très loin de Devos, avec un brin de surréalisme, beaucoup de poésie. En France, cette tradition a été un peu mise de côté. L’apport de Frederick est immense. Il me permet de mettre en forme des idées, il a le sens de la construction qui me manque un peu. Nous nous complétons parfaitement. Il a des idées de mise en scène, des choses parfois farfelues, notre échange est précieux.
Comment choisissez-vous les nouveaux titres ?
La série de concerts au Publicis porte le sous-titre “De Paris à Broadway”, ce qui nous a conduits à mettre davantage l’accent sur Broadway. Je suis très heureuse de vous dire qu’un titre interprété par Judy Garland et que je n’ai jamais chanté sera au programme. En tout, il y aura trois titres de Garland. Cette femme est fondamentale pour moi. Nous avons également réfléchi à un fil conducteur, les Français adorent ça et je les comprends. On se rend compte que toutes les informations contenues dans le spectacle prennent tout leur sens à la fin. Et j’aime aussi ce lien entre le passé et le présent, le second se nourrit du premier et, sans verser dans le passéisme, je considère que l’on transforme en permanence, ce qui nous fait avancer. Si “Au suivant”, “Ne me quitte pas” en yiddish et “Over the Rainbow” appartiennent à la colonne vertébrale, dans les nouveautés je peux vous indiquer que des titres de Leonard Bernstein et Stephen Sondheim figureront au programme. Nous avons puisé dans nos sources d’inspiration avec des chansons connues ou moins connues, mais qui font toutes sens. Je chanterai “What a Wonderful World”, ajouté à La Nouvelle Ève, une chanson qui se prête à de multiples interprétations.
Quel plus grand changement avez-vous apporté ?
Nous avons revu l’ouverture en raison du lieu. Au cinéma, on est invité à s’installer en faisant abstraction de tout ce qu’il y a autour. Nous devons capter l’attention du spectateur encore plus vite. Ce défi nous a tous stimulés et je pense que l’on a trouvé ! Nous avons imaginé un spectacle festif, pas prétentieux (ce qui n’exclut pas, bien entendu, une grande exigence musicale !), stimulant toutes les émotions, de manière à ce que le public trouve un moment de répit dans notre société et notre monde si bousculés.