Comédienne à la voix cristalline et à la joie de vivre contagieuse, Julie Andrews a enchanté le cinéma et Broadway à travers une poignée de rôles iconiques. Portrait d’une artiste aux multiples facettes, experte dans l’art de se renouveler.
Plus d’un demi-siècle après son apparition dans le ciel de Londres, Julie Andrews demeure la nurse la plus adulée de la planète. Née en 1935 en Angleterre, l’inoubliable interprète de Mary Poppins (1964) a connu une enfance moins riante que ses petits protégés : bluffés par sa voix couvrant cinq octaves, qui apaisait les âmes apeurées pendant le Blitz, sa mère, pianiste, et son beau-père, chanteur alcoolique aux mains baladeuses, la retirent de l’école à 13 ans pour courir les cachets de music-hall à leurs côtés. Après une puberté difficile, Julie Andrews conquiert Broadway à 17 ans dans The Boy Friend, puis My Fair Lady. Dépossédée, au profit d’Audrey Hepburn, du rôle d’Eliza Doolittle dans l’adaptation cinématographique de George Cukor, l’actrice prend une éclatante revanche grâce à Walt Disney, qui la propulse, sous son parapluie magique, sur la scène des Oscars. En 1965, La Mélodie du bonheur de Robert Wise achève de la consacrer star planétaire. Mais, hantée par la déchéance de ses parents, Julie Andrews enchaîne dès lors les films (et les flops) à une cadence effrénée, du Rideau déchiré d’Alfred Hitchcock à Darling Lili, réalisé par son second mari, Blake Edwards. Blacklisté par les studios, le couple signera un retour triomphal en 1982 avec l’anticonformiste Victor Victoria. Désormais icône queer, Julie Andrews transporte ce succès à Broadway en 1995 jusqu’à ce que sa voix, épuisée, se brise à jamais. À 80 ans passés, elle continue pourtant d’enchanter le public, entre doublage de films d’animation (Moi, moche et méchant), émissions de télé et livres pour enfants.
D’extraits de films et de spectacles en archives imprégnées de son savoureux humour anglais, ce portrait en mouvement balaie la prolifique carrière d’une artiste aux innombrables talents, qui a su surmonter ses échecs en se réinventant avec la même soif de perfection.
Notre avis : Ce documentaire possède les défauts de ses qualités. S’appuyant sur une narration chronologique très lisible et un montage susceptible d’accrocher n’importe quel téléspectateur qui passait par là, il égrène les moments importants de la carrière et de la vie privée de la star Julie Andrews : la famille, l’enfance, les débuts, les succès, les échecs, les désillusions, les nouveaux départs, les amours… Le format limité en temps entraîne naturellement quelques ellipses, mais on apprécie la qualité des sources utilisées : extraits de films, d’émissions de télévision, d’interviews, de spectacles et d’événements publics, mais aussi des archives privées. En dehors de Blake Edwards, qui fut son mari pendant quarante ans, peu de témoignages d’autres célébrités. Le film s’attache essentiellement à rappeler le caractère hors norme de la voix de la chanteuse et à montrer la diversité de la comédienne, sa capacité à se transformer, à évoluer et à se dévoiler à travers une carrière dont la popularité se résume, finalement, à seulement trois rôles musicaux pour le cinéma : Mary Poppins, Maria (von Trapp) et Victor/Victoria. En cinquante minutes, l’essentiel est abordé. Cette efficacité laisse toutefois une impression de tiédeur, comme si le réalisateur manquait de passion pour son sujet. Et même si l’on jubile le temps d’une truculente anecdote sur les flatulences de Rex Harrison un soir de représentation de My Fair Lady, le ton – de l’ensemble, de la voix off – reste bien lisse, comme corseté ; et le texte verse généralement dans la banalité d’une explication passe-partout : tel rôle est à l’image de sa vraie vie, tel autre l’amène à révéler un aspect de sa personnalité… En somme, le néophyte découvrira, par ce large aperçu plaisant et bien documenté, la riche existence d’un grand nom de Broadway et de Hollywood ; tandis qu’au fan il manquera le frisson, l’étincelle, l’excitation, qui lui confirme que c’est bien d’une idole, de son idole, dont on parle – et qui, d’ailleurs, célébrera ses 85 printemps le 1er octobre prochain.