Ne nous perdons pas en conjectures : cette exploration du répertoire allemand, reflet d’une époque où une insouciance allait vite être balayée par les horreurs du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale, se savoure avec délice. Que ce soit la voix épatante de Marie Lenormand ou chaque instrumentiste du sextuor qui permet à l’auditeur de retrouver un peu de ce sel qui fit de cette période un eldorado musical swinguant, élégant et libre, tout est là pour plonger le public dans un état de jubilation. Contextualisé avec soin, mais sans pesanteur, le choix de chaque air s’avère une excellente idée qui permet d’apprécier, en outre, le soin porté à chaque arrangement, brillant. Le tout renforcé par une interprétation toute en malice. L’écrin du Bal Blomet semble idéal pour cet opus qui, espérons-le, sera suivi de beaucoup d’autres. Le fantôme de Christopher Isherwood devait sans doute se régaler en coulisse.
Kinorama, une exploration réussie d’un répertoire méconnu
Membres actifs des Frivolités Parisiennes, ces jeunes musiciens talentueux ont souhaité s’associer en sextuor pour mettre à l’honneur un répertoire encore inédit pour la compagnie, celui de la République de Weimar.
À travers les chansons de films produits par la société UFA au début du parlant – on tournait alors le même film dans plusieurs langues différentes – mais également en puisant dans le répertoire des revues berlinoises d’avant 1933, qui, comme les chansons de films entendues dans les salles obscures, fleurirent aussi sur les scènes des music-halls parisiens, Kinorama rend hommage à ces fameux compositeurs tels Werner Richard Heymann, Paul Abraham, Friedrich Hollaender, Walter Jurmann, Bronislav Kaper, Fritz Rotter ou encore Mischa Spoliansky, qui, contraints à l’exil pour fuir le nazisme, essaimèrent à Paris, Londres ou Hollywood, où leurs carrières connurent de fructueux développements.