Laurent Bàn, à poil et à plumes

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Lau­rent Bàn © DR

Lau­rent Bàn, qu’est-ce que vous vous êtes dit quand vous avez enten­du par­ler des audi­tions pour la ver­sion parisi­enne de Priscil­la, folle du désert ?
J’avais adoré le film, que j’avais trou­vé sub­lime et fasci­nant, notam­ment pour le jeu d’ac­teur. A l’époque, je me dis­ais que si un jour ce la se fai­sait sur scène, je voudrais faire Bradley. Et voilà, vingt ans plus tard, je me retrou­ve à audi­tion­ner pour le rôle de Dick… mais je ne me suis pas posé de ques­tions : quand j’ai vu l’an­nonce de cast­ing, je me suis dit que je voulais faire par­tie de ce spec­ta­cle, ou du moins, ten­ter ma chance ! Après, c’est vrai que j’ai plus sou­vent joué des rôles « testostéronés » mais c’est intéres­sant d’aller chercher des choses dif­férentes et tout rôle est un challenge.

Par­lez-nous de votre audition.
Ils nous ont demandé de faire un med­ley entre « I Will Sur­vive » et « Venus ». Je me suis dit que j’avais envie de me faire plaisir alors je me suis per­mis de pos­er la mélodie des deux chan­sons sur « Rise Like A Phenix » de Con­chi­ta Wurst et ça matchait com­plète­ment. Je leur ai pro­posé une chan­son 3‑en‑1, ca les a sur­pris et touchés. L’im­por­tant pour moi était de ne pas tomber dans le cliché du per­son­nage gay un peu folle qui fait des grands gestes et par­le de façon car­i­cat­u­rale. Je suis resté dans la sincérité, en étant moi et en y ajoutant des notes de féminité. Pour moi, le rôle de Dick n’est pas for­cé­ment extrav­a­gant au départ. Au con­traire, il y a beau­coup d’in­téri­or­ité et il sem­blerait que c’est ce qui leur a plu.

Vous aviez déjà vu la ver­sion scène ?
Non, je l’ai vue après, au Japon. J’y ai chan­té sur scène, après le final, « True Col­ors » en duo avec le Dick japon­ais. Dans la ver­sion scène, j’ai retrou­vé l’essence de ce film culte : la quête de ces trois per­son­nages, leur souf­france aus­si — cha­cun a eu des moments com­pliqués dans sa vie -, la dif­fi­culté d’as­sumer ce qu’ils sont, la dif­fi­culté de trou­ver l’amour. J’ai trou­vé ça touchant, cette quête intérieure qui passe par une explo­sion de couleurs, de pail­lettes, de plumes…

Qu’est-ce qui est le plus dur pour vous dans ce spectacle ?
Le plus dur, ce sont les change­ments de cos­tumes en quar­ante sec­on­des, et il y en a plusieurs durant le spec­ta­cle. Ensuite, c’est d’être crédi­ble dans le per­son­nage. Il est moins excen­trique que les deux autres, il a même un com­plexe con­stant. Il n’ose pas assumer le fait d’être père auprès de ses amis, il n’as­sume pas non plus auprès de son fils le fait d’être gay et drag queen… Pour moi, il fal­lait rester dans la fragilité, la sincérité, avec des moments d’é­mo­tion mais aus­si avec des moments d’ex­cen­tric­ité. Il fal­lait éviter la car­i­ca­ture. On par­le aus­si de per­son­nes trans­gen­res et on ne voulait pas qu’elles se sen­tent ridi­culisées, et ce n’est pas le cas. Le spec­ta­cle réus­sit à ne pas tomber dans ces tra­vers. Les gens repar­tent avec la pêche tout en ayant par­fois ver­sé une petite larme. Avec ce spec­ta­cle, on a de la folie tech­nique — avec le bus -, des effets visuels avec des cos­tumes hal­lu­ci­nants. On en prend plein les yeux, mais aus­si les oreilles avec tous ces tubes dis­cos, et puis, il y a ces scènes de jeu, d’é­mo­tions. C’est un spec­ta­cle feel good !

Et qu’est-ce qui est le plus fun ?
Le résul­tat sur le pub­lic, juste­ment. On oublie cet aspect là quand on répète pen­dant deux mois. Puis, on voit que les gens sont trans­portés avec nous dans ce voy­age. Ils con­tin­u­ent même le show durant l’en­tracte en dansant. On voit aus­si tous ces gens d’hori­zons dif­férents, des familles, des gays, des hétéros, des trans, peu importe… Ils ont tous été touchés !
On a aus­si une troupe sub­lime et on rit autant sur scène qu’en coulisses.

Quel est le mes­sage de Priscil­la ?
Le pre­mier, c’est de pren­dre du plaisir : on est là pour diver­tir avant tout. Ensuite, avec toutes les nou­velles qui nous parvi­en­nent tous les jours, avec tout ce qu’il se passe dans le monde, on a un mes­sage : celui d’es­say­er de partager au max­i­mum, sans cli­vage, c’est un mes­sage de cohé­sion. C’est un hymne à la tolérance : il faut se regarder les uns les autres, rire et se moquer, mais avec bien­veil­lance. Il faut aus­si replac­er ça dans le con­texte des années 90 et du SIDA : il vaut vivre à 100 %, prof­iter au max­i­mum tout en respec­tant et en invi­tant les autres dans sa bulle pour partager toutes ces belles choses.

Lire notre cri­tique de Priscil­la, folle du désert, le musi­cal.
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