Le Docteur Miracle (Critique)

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Opérette de Charles Lecocq.
Livret de Léon Bat­tu et Ludovic Halévy.
Mise en scène: Pierre Lebon.
Avec Make­da Mon­net (Lau­rette), Lara Neu­mann (Véronique), Lau­rent Deleuil (le pode­stat), David Ghi­lar­di (Pasquin/Silvio), Pierre Lebon (l’as­sis­tant), Mar­tin Surot (piano).

Résumé: Lau­rette et Sil­vio, fringant cap­i­taine de la gar­ni­son de Padoue, sont amoureux. Mais le père de la jeune fille, le pode­stat de la ville, s’oppose caté­gorique­ment à leur mariage. C’est sans compter sur les tal­ents de comé­di­en et de cuisinier du rusé pré­ten­dant. A l’occasion d’une fête foraine qui plante ses tréteaux sous les fenêtres du palais, Sil­vio, sous le déguise­ment d’un inquié­tant char­la­tan, se jouera de l’autorité pater­nelle et de ses angoiss­es hypocon­dri­aques, faisant tri­om­pher le seul vrai mir­a­cle qui soit : celui du théâtre et de l’amour.

Notre avis: Quelques mois après l’ouverture des Bouffes-Parisiens, Jacques Offen­bach organ­ise en juil­let 1856 un con­cours de com­po­si­tion qui fait grand bruit. Les final­istes sont appelés à écrire une par­ti­tion sur un livret imposé, Le Doc­teur Mir­a­cle, dont l’argument s’inscrit dans la tra­di­tion des œuvres comiques du XVIIIe siè­cle. Rétro­spec­tive­ment, le pal­marès du con­cours prou­ve la clair­voy­ance du jury et la qual­ité de l’idée d’Offenbach : Georges Bizet et Charles Lecocq, deux fig­ures appelées à régn­er sur l’opéra français dans la sec­onde par­tie du XIXe siè­cle, sor­tent vain­queurs ex æquo de l’épreuve.

La réus­site du spec­ta­cle mis en scène par Pierre Lebon tient surtout au plaisir de la redé­cou­verte de cette pièce de Lecocq très rarement don­née et à la qual­ité des inter­prètes. Du point de vue de la mise en scène, le bilan est plus mitigé.

Un entasse­ment de caiss­es au cen­tre de la scène et une grande échelle définis­sent l’espace de jeu. Sur les côtés, d’autres caiss­es ser­vent de sièges pour les comé­di­ens quand ils ne jouent pas. Tous les per­son­nages sont habil­lés en rouge. Cette con­struc­tion esthé­tique prend le pas sur la narration.

En met­tant les couliss­es à vue, le spec­ta­teur est régulière­ment dis­trait par les chanteurs qui, par­ti­tions en main, pré­par­ent leur prochaine inter­ven­tion ou regar­dent le spec­ta­cle en se désaltérant, détour­nant ain­si notre atten­tion de ce qui se joue au cen­tre de la scène. Le par­ti pris des cos­tumes mono­chromes brouille la lec­ture : on ne fait pas la dif­férence entre Sil­vio habil­lé en mil­i­taire et Sil­vio déguisé en Pasquin… c’est dom­mage puisque c’est la base de l’intrigue ! D’autre part, la mise en scène va chercher l’énergie et l’effet comique dans une hys­térie col­lec­tive plus que dans la finesse et l’élégance du livret. Bref, les effets visuels sont très soignés, mais on peine à suiv­re l’histoire.

Heureuse­ment, cette lacune est large­ment com­pen­sée par une inter­pré­ta­tion sans faille de Make­da Mon­net (Lau­rette), Lau­rent Deleuil (le pode­stat), Lara Neu­mann (Véronique) et David Ghi­lar­di (Sil­vio). Les soli sont superbes et les ensem­bles vocaux par­faite­ment équili­brés. Et on ne boud­era pas notre plaisir dans le « quatuor de l’omelette », point d’orgue de la pièce, mag­nifique­ment inter­prété par les qua­tre solistes et remar­quable­ment éclairé par Bertrand Killy.