Bien que sans doute mal connue en Europe ainsi que dans d’autres pays, Idina Menzel est l’une des actrices de Broadway les plus admirées à l’heure actuelle. Découverte en 1996 dans Rent de Jonathan Larson, elle a, depuis, été la vedette de plusieurs comédies musicales, dont Wicked, dans laquelle elle créa le rôle d’Elphaba et qui lui valut un Tony Award, The Wild Party et If/Then. Autant de triomphes qui lui ont valu d’être surnommée « la Reine de Broadway », avant qu’elle ne prête sa voix à des films à succès, notamment Frozen, où elle fut la première à chanter le hit mondial « Let It Go » (« Libérée, délivrée ») et Enchanted.
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Idina Menzel est de retour à Broadway dans Redwood, une nouvelle comédie musicale plutôt inhabituelle, dont l’action se passe en grande partie dans une forêt de séquoias au cœur de la Californie. Pendant vingt-trois ans, Jesse, une New-Yorkaise, a élevé avec Mel, sa compagne de longue date, Spencer, son fils né d’une relation maintenant lointaine. Quand ce dernier quitte le logis familial pour aller en Californie, où il meurt à la suite d’un accident, Jesse, totalement désemparée, décide de se rendre sur les lieux de sa disparition. Au cœur de cette forêt dans laquelle elle se rend pour retrouver goût à la vie, elle fait la connaissance d’un couple de forestiers, Finn et Becca, qui lui font découvrir les secrets de la nature et ces arbres gigantesques, auprès desquels elle trouve la sérénité et l’aplomb dont elle a besoin pour se remettre de la perte qu’elle a subie.
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Si ce thème semble un tantinet peu conventionnel, il faut reconnaître que Redwood, conçu à l’origine par Idina Menzel et Tina Landau – qui en a réglé la mise en scène –, ne manque pas d’attrait et d’imagination. Cette impression est renforcée grâce aux vidéos spectaculaires d’Hana S. Kim, une succession de projections qui recréent la splendeur et la profondeur magique d’une forêt en plein éclat.
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Bien que les chansons écrites par Kate Diaz et Tina Landau ne soient pas aussi prenantes que le reste de l’action, elles servent à élaborer la teneur même du spectacle et les sentiments qui permettent à Jesse de se remettre de ses épreuves. Elles sont d’ailleurs l’occasion pour Menzel de manifester ses talents extraordinaires de mezzo-soprano puisqu’elle en interprète pas moins de onze dans une partition qui en contient dix-sept.
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Mais ce qui retient surtout l’attention, c’est le concept initial de la pièce, qui est avant tout un hommage et un hymne à la nature, dont ces arbres immenses sont avant tout grandioses et sublimes et, semble-t-il, résistent aux catastrophes dont ils sont parfois les victimes, comme ces incendies qui ont récemment encore dévasté de larges portions des forêts californiennes sans toutefois les détruite totalement. Ces sentiments semblent rejoindre l’attitude de Menzel elle-même, qui a souvent déclaré qu’elle aimait interpréter des rôles de femmes qui sont « très vulnérables et qui ont besoin de traverser une épreuve afin de maîtriser leur puissance personnelle ».
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Pour cette raison, le spectacle lui-même tient bien la route, grâce aussi aux interprétations de Michael Park dans le rôle de Finn et de Khaila Wilcoxon dans celui de Becca, deux acteurs pleins de talent qui sont en scène la plupart du temps pour accompagner Menzel dans les découvertes que fait son personnage et dans l’enthousiasme que ce milieu, loin des réalités urbaines et de ses propres regrets, lui occasionne. Dans le rôle de Mel, De’Adre Aziza, déjà remarquée dans A Night with Janis Joplin, reste dans le ton et bien modeste, surtout dans les moments de rupture causés par le départ de Jesse du foyer familial. Sous les traits de Spencer, Zachary Noah Piser, vu dernièrement dans Dear Evan Hansen, révèle également l’étendue de son talent en participant à deux ou trois moments musicaux.
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La mise en scène soignée de Tina Landau met tous ces éléments dans une présentation éloquente et souvent séduisante qui fait de ce spectacle hors norme l’une des nouvelles œuvres les plus intéressantes à Broadway. Le succès de Redwood dépendra surtout de l’attrait que représente avant tout Menzel, au plus fort de sa carrière et en pleine possession de ses talents. Il faut reconnaître que sa réputation est pleinement justifiée.