Quelle est la création (française, internationale) à retenir de ces dix dernières années ?
Hamilton aux Etats Unis a révolutionné le musical : tout en reprenant les codes de la comédie musicale traditionnelle et une dramaturgie forte, Lin Manuel Miranda a su faire entrer les musiques actuelles et prouver que le théâtre musical était bien vivant et pouvait attirer le grand public, même les plus jeunes. Ça a redonné un coup de souffle au genre. En France, la création avant Broadway de Un Américain à Paris au Châtelet, mélange harmonieux de danse et de Gershwin, était à la fois intelligent et éblouissant Enfin, dans un registre plus intimiste, 31, spectacle musical inspiré en partie de Merrily We Roll Along de Stephen Sondheim, a réuni quatre fabuleux artistes autour d’une magnifique mise en scène sobre de Virginie Lemoine et une dramaturgie forte de Stéphane Laporte et Gaetan Borg. Avec très peu de moyens sur scène, un seul musicien (un pianiste), comme c’est malheureusement toujours le cas pour les créations en France, le spectacle était extrêmement contemporain et émouvant.
Quel est le film musical des dix ans ?
Forcément La La Land, de toutes façons il y a eu très peu de films musicaux au cours de ces dix dernières années. Par son hommage à la fois aux films musicaux hollywoodiens et aux films français de Jacques Demy, ancré dans la réalité et décollant vers l’onirique, le film a montré que le genre n’était non seulement pas mort mais pouvait de nouveau être apprécié par la critique.
Et aussi Glee, car ce fut la série qui a redonné un coup de fouet au genre bien des années après Fame.
Quelle est la rencontre des dix ans ?
Forcément Stephen Sondheim, le Dieu vivant de la comédie musicale. Au cours de ces dix années, le public français a pu découvrir grâce au travail de Jean Luc Choplin au Théâtre du Châtelet que la comédie musicale peut être fine et sophistiquée. J’ai eu la chance de le rencontrer à plusieurs reprises le compositeur et parolier chez lui à New York et lors de sa venue en France et même d’organiser la journée entière de 24 h que France Musique lui a consacrée il y a quelques années.
Quel est le concert privé 42e rue des dix ans ?
Nous avons eu la chance d’organiser chaque mois des concerts privés en live pour permettre à tous les auditeurs de découvrir des œuvres connues et moins connues. Du Roi Lion à 31, de Grease à A Little Night Music, de Bells Are Ringing en direct du théatre de la Croix Rousse à Lyon à Rendez vous avec Kad Merad et Laurent Lafitte, les artistes nous ont fait confiance au cours de ces dix années, et je les remercie. Nous avons même fêté les dix ans de Stage Entertainment et les quinze ans de Regard en Coulisse avec un programme concocté de main de maître par ses co-rédacteurs en chef. Il est donc difficile de choisir celui qui m’a le plus marqué, mais quand même quel bonheur de recevoir des orchestres et troupes au complet comme l’Orchestre de la belle production belge du Violon sur le toit dirigé par Patrick Leterme, venu carrément le dimanche à 11h entre une représentation la veille au soir et le même jour dans l’après midi, et quel plaisir de recevoir la troupe et l’orchestre complets de Grease et de Hairspray !
Le meilleur souvenir des dix ans ?
J’allais dire le jour où Marc Voinchet et Marc Olivier Dupin m’ont convoqué il y a dix ans pour me dire qu’ils voulaient de l’émission. Ça a l’air de rien. Mais c’était audacieux de leur part. Je les remercie de leur confiance. Et certainement le voyage avec les auditeurs à Londres et à Broadway puisque durant ces dix années, j’ai tenu à partager ma chance de voir des spectacles avec les auditeurs : nous avons ainsi offert de nombreux voyages à Londres et à Broadway pour aller voir une comédie musicale ! Enfin, le moment le plus bluffant s’est produit à la BBC lors d’une émission spéciale avec les troupes de Grease, Avenue Q et The Jersey Boys. L’actrice principale de Grease était venue seule , sans pianiste… Alors elle a chanté Grease a capella et c’était bluffant.
Le moment le plus émouvant ?
Le plus émouvant, est un concert très privé avec Liliane Montevecchi, grande dame de Broadway, méconnue en France, venue enfin présenter son one man show qu’elle avait joué partout ailleurs. Ce concert s’est déroulé juste après les attentats à Paris, et nous n’avions pas pu accueillir le public cette fois. Quelle émotion lorsque Liliane Montevecchi a interprété sur la belle scène du studio 106 devant la salle vide « I Love Paris » ! J’en ai encore des frissons.
42e Rue — Dix ans de comédies musicales — Samedi 27 octobre 2018 à 20 h — Studio 104, Radio France.