Joli joli

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Sortie le 25 décembre 2024.
Durée : 1h56.

De Paris à Rome dans les années 70, le des­tin d’un écrivain fauché per­cute celui d’une star mon­tante du ciné­ma. Leur chemin vers l’amour sera semé d’embuches, de quipro­qu­os et rebondisse­ments. Une comédie musi­cale et tourbillonnante !

Notre avis. Atten­tion : spoil­ers ! : Réjouis­sons-nous des comédies musi­cales qui arrivent au ciné­ma. Emil­ia Pérez a dépassé le mil­lion d’entrées, est en course pour les Oscars. Jok­er 2, L’amour ouf ren­dent égale­ment hom­mage au genre et aujourd’hui voici que sort le nou­veau film de Diastème, avant celui de Stéphane Ly-Cuong, pro­gram­mé début mars. Alors, que vaut cet opus conçu par le réal­isa­teur (qui a un passé de musi­cien) en col­lab­o­ra­tion avec Alex Beau­pain et qui offre à la chanteuse à suc­cès Clara Luciani son pre­mier rôle au ciné­ma ? Le film est une curiosité, indé­ni­able­ment, que d’aucuns pour­ront savour­er comme un bon­bon sucré, vin­tage et col­oré, con­tenant tout de même un rien trop de glu­cose. Et c’est tant mieux. Nous serons plus mordants…

« Nul » et « Joli joli » sont deux des pre­mières chan­sons que l’on entend dans cette comédie musi­cale. Vers lequel de ces deux adjec­tifs le film tend-il ? Hélas plutôt vers le pre­mier. C’est dom­mage car l’ouverture du film a de quoi séduire. Mais très vite, dès le chant des éboueurs (que l’on peut rap­procher de la chan­son des femmes et hommes de ménage dans Jeanne et le Garçon for­mi­da­ble, autrement plus inspirée), la mécanique com­mence à s’enrayer puisque le scé­nario se perd dans des digres­sions et va con­naître des trous d’air qui pénalisent une intrigue qui sem­ble con­denser tous les arti­fices du mau­vais film parisien sur des amours diverse­ment con­trar­iées. Le scé­nario d’Emil­ia Pérez, digne d’une télénov­ela, n’était déjà pas l’élément sail­lant du film. Dans le cas présent, tout sem­ble sor­ti d’un roman-pho­to à l’eau de rose, le côté vin­tage en sus. L’intrigue se déroule sur une année et débute avec le pre­mier jour de 1977, et narre ces his­toires d’amour entremêlées aux­quelles on ne croit pas une sec­onde. Il lui manque un point de vue fort. Les auteurs se con­tentent d’illustrer une par­ti­tion bien pau­vre, avec des coups de théâtre dignes d’un vaude­ville éculé. La con­ven­tion induite par le genre musi­cal per­met d’admettre bien des invraisem­blances, mais ici rien ne fonctionne.

Faute à des per­son­nages mous, entre un auteur geignard (pour se sui­cider, il se défen­estre mais… il habite au rez-de-chaussée, ce qui dénote d’un sens de l’humour affir­mé), une star de ciné­ma qui cache son statut (l’auteur, qu’elle ren­con­tre, hiberne et ne va jamais au ciné­ma, il est bien le seul à ignor­er qui elle est), Myrette, la femme de ménage de l’auteur (incar­née par Lara Felpin), qui se meurt d’amour pour lui (ça tombe bien : il n’a pas un sou, et finit par la ren­voy­er après le pas­sage, le 1er jan­vi­er, des huissiers qui sai­sis­sent ses biens, sauf son bureau et sa machine à écrire)… Ouf, cette dernière va lui per­me­t­tre d’écrire le scé­nario de Joli joli, com­mande d’un pro­duc­teur (qui déboule après les huissiers, le 1er jan­vi­er étant décidé­ment une journée où il s’en passe !) que l’auteur, méprisant, finit par accepter car il com­prend que l’inconnue ren­con­trée dans le bar en tien­dra le pre­mier rôle. Cela facilit­era leur future ren­con­tre car la belle, sur­prise par Myrette, est par­tie comme une voleuse, à poil sous son man­teau* (car elle était trop… bah, elle était trop, quoi, pour enfil­er sa robe), ayant pris soin de don­ner son numéro à Myrette, cette dernière le gar­dant par-dev­ers elle afin de l’utiliser à son prof­it. Elle devient en effet l’assistante de la star et va court-cir­cuiter toute ten­ta­tive de l’auteur pour join­dre l’actrice. Futée. Cette jalousie mal­adive sert donc de car­bu­rant à l’intrigue.

Sans doute trop occupé à se défen­estr­er, l’auteur ne pense pas qu’il peut éventuelle­ment écrire à la vedette, envoy­er un télé­gramme, enfin bref trou­ver un moyen de la join­dre directe­ment. Accep­tons la con­ven­tion, tout comme celle, qui provo­qua quelques ricane­ments par­mi l’assistance, qui voit ce pau­vre pro­duc­teur vic­time, sur un plateau de ciné­ma cheap cen­sé évo­quer Cinecit­tà, d’une crise car­diaque. Toute l’équipe autour de lui, bien trop occupée à chanter une chan­son, ne prend con­science de la grav­ité de la sit­u­a­tion que bien tar­di­ve­ment, alors qu’il con­vulse depuis un petit moment. Par la suite, il se refera la cerise grâce à une infir­mière qui adore la mor­phine. Le dénoue­ment se déroule dans un ciné­ma, ou plus exacte­ment dans les toi­lettes dudit ciné­ma, lors de l’avant-première de Joli joli, à laque­lle aucun jour­nal­iste ne vient car Myrette, dev­enue entre-temps attachée de presse, a oublié d’indiquer le ciné­ma. Acte man­qué. Le hall est celui du feu ciné­ma Bre­tagne – cette évo­ca­tion d’un étab­lisse­ment dis­paru est bien la seule chose émou­vante durant ces séquences. Enfin nous ne dévoilerons pas la fin : Myrette, que l’auteur con­sid­ère désor­mais comme son véri­ta­ble amour (il ne serait pas un peu niais, tout de même ?), va-t-elle se con­tenter de ce suc­cé­dané ou suc­comber au bel ingénieur du son (Vic­tor Bel­mon­do), qu’elle a mécham­ment allumé ? Les deux fig­u­rantes aspi­rantes vedettes vont-elles enfin se ren­dre compte que le réal­isa­teur qu’elles ont dragué comme des dingues est homo et que son cœur appar­tient à son comé­di­en fétiche (quoique l’ingénieur du son…) ? Finiront-elles par décou­vrir leur véri­ta­ble nature et, surtout, l’auteur et la vedette parvien­dront-ils à cet amour impos­si­ble­ment pos­si­ble qu’ils appel­lent de leurs vœux ? Suspense.

Le réal­isa­teur, et c’est une idée qui se défend, prend le pari du car­ton-pâte, ce qui offre une dis­tance intéres­sante. La neige s’invite un peu partout, y com­pris dans une salle de ciné­ma. Il par­le d’émancipation (mais avec une lour­deur…), de pro­grès tech­nologique puisque l’un des per­son­nages s’agace d’avoir à utilis­er une cab­ine télé­phonique, alors qu’il « serait plus sim­ple d’avoir un télé­phone dans sa poche », dit-il en riant, cer­tain que cela n’arrivera jamais. Visuelle­ment, notons la laideur des per­ruques qui affublent la plu­part des actri­ces et acteurs. Bon. Nous n’échappons pas aux clins d’œil pour hap­py few : Christophe Hon­oré et Alex Beau­pain accoudés au comp­toir du bar, Jean-Pierre Lavoignat, ancien patron de Diastème, achète un bil­let pour voir Prov­i­dence d’Alain Resnais. En résumé, un film qui court dés­espéré­ment après la grâce, mais jamais ne l’atteint et encore moins ne la dépasse.

* Sans doute un hom­mage au per­son­nage cam­pé par Dominique San­da dans Une cham­bre en ville, qui se déplace nue sous son man­teau de four­rure. Les hom­mages écras­ants abon­dent dans ce film, des Para­pluies de Cher­bourg à One from the Heart en pas­sant par Les Demoi­selles de Rochefort

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