Les Sea Girls et Pierre Guillois font sauter le vernis !
Dérapage, c’est une traversée tonitruante, de la musique à fond avec trois musiciens où scène et coulisses se dévoilent en chanson, sans pudeur, où tout bascule dans un éblouissant feu d’artifices. Les Sea Girls revendiquent un music-hall hybride, fantasque, grinçant et libre. Avec Pierre Guillois aux commandes, il va y avoir du sport, du rythme et de la joie, des morceaux de bravoure, des paillettes et un réfrigérateur.
Notre avis : Pas facile, la vie de tournée ! À peine les valises posées qu’il faut repartir, surtout qu’à leur âge, la scène et les voyages mettent rudement le corps à l’épreuve. Alors, après toutes ces années, forcément se pose la question d’arrêter ou de continuer. Et, après toutes ces années de vie commune, la troupe est devenue une famille, gage de solidarité mais aussi lieu de bisbilles répétées. Et, pour couronner le tout, le public est décidément mou ce soir !
C’est dans cette ambiance pour le moins fébrile que nos trois artistes doivent assurer leur représentation, multipliant, en passant au travers d’un étincelant rideau, les va-et-vient entre une scène imaginée et une loge bien visible– à moins que ce ne soit le contraire ?! Ces allers-retours donnent autant d’occasions de revêtir des perruques de plus en plus loufoques, des masques de plus en plus chargés et des costumes de plus en plus extravagants, mais aussi de se livrer à des confidences, de se chamailler, de se mettre à nu, de se questionner ou de s’affirmer… sur un irrésistible ton éminemment libre, décalé, absurde, parodique, qui porte la marque de Pierre Guillois – même si on est loin du niveau du livret passablement givré du Gros, la Vache et le Mainate – mais aussi celle des Sea Girls elles-mêmes, habituées de ce genre d’humour dans lequel elles excellent depuis tant d’années (La Revue, Chansons burlesques, Les Sea Girls fêtent la fin du monde).
La mise en scène, enlevée, dynamise et fluidifie ce qui pourrait n’être qu’une succession de tableaux dans un cabaret. Le soin apporté aux lumières fait également la différence grâce à des changements d’ambiance et des mises en valeur bienvenus.
D’abord relégués en fond de scène, puis de plus en plus présents, trois musiciens sensationnels (Dani Bouillard, Vincent Martin et Benjamin Pras) font bien plus que jouer du piano, de la guitare et des percussions : ils donnent de leur personne… dans un accoutrement dont nous ne révélerons rien !
Judith Rémy, Prunella Rivière et Delphine Simon s’en donnent à cœur joie pour incarner ce trio de saltimbanques qui pourrait être celui des Sea Girls, tantôt godiches ou vulnérables, tantôt déjantées et conquérantes, tour à tour pimbêches ou sincères. Dialogues et chansons s’enchaînent avec aisance, ces dernières taillées sur mesure pour ce genre de format, avec des mélodies simples et entêtantes et des textes percutants, une très agréable variété de styles et une écriture à plusieurs voix maîtrisée.
S’il est vrai que ni l’idée de départ – le jeu de miroir et de confusion entre scène et coulisses, les relations entre artistes collègues… – ni cette forme de music-hall ne sont tout à fait nouvelles, il se dégage une construction assez fine dans le déroulé du spectacle, avec des transitions suffisamment bien amenées et des moments qui font écho à d’autres. Et, surtout, le tempérament, la pétulance des Sea Girls, qui portent haut plumes et paillettes, et leur talent à faire voler en éclat le « quatrième mur » emportent tout sur leur passage grâce à un humour et une fantaisie qui cueillent immédiatement un public qui en redemande.