Le Pas du monde

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La Villette, espace Chapiteaux – 75019 Paris.
Du 31 octobre au 23 novembre 2025.
Renseignements et réservations sur le site de La Villette et le site du Collectif XY.

En observant les corps en mouvement comme on observerait la nature changeante, les acrobates du Collectif XY saisissent les métamorphoses du vivant et le passage du temps, dans un spectacle poétique et musical.

Après Möbius, création imaginée en collaboration avec Rachid Ouramdane, où le collectif rejouait la mystérieuse partition des étourneaux volant par centaines en un ballet réglé, XY questionne aujourd’hui notre rapport au vivant et à la mesure du temps. Portés et voltiges traduisent et mêlent ainsi deux temporalités : celle d’une vie humaine, ses émotions et transformations de l’enfance aux vieux jours ; celle d’une nature dont le rythme nous dépasse. Quel est le temps d’une montagne, d’une forêt, d’une rivière ? Comment le figurer et le représenter à la mesure d’une vie ? Le Pas du monde forme, transforme et déforme les colonnes humaines des acrobates, qui peuvent passer imperceptiblement d’une posture à une autre, à l’image de l’érosion lente d’un sommet, mais aussi se projeter dans des transformations soudaines, les pyramides de corps-cailloux chutant en éboulis. Un dispositif sophistiqué associe lumières, sons, souffles et voix – des circassiens mais aussi de deux chanteuses – pour dessiner des paysages oniriques.

Notre avis (représentation du 8 novembre 2025) : Ce Pas du monde se révèle tout simplement un pur régal. D'abord, les yeux sont saisis par d'époustouflantes acrobaties : vingt-deux corps qui s'articulent, s'empoignent, se dressent avant de planer, de voler, de flotter comme en apesanteur ; des amas d'où émergent des silhouettes avant d'être englouties ; des constellations qui spiralent ; des colonnes qui s'érigent avant de se désintégrer... En même temps que ces spectaculaires prouesses se déploient, on est irrésistiblement envahi de sensations, emporté par un tourbillon d'évocations. Dans ces paysages humains qui s'enchaînent avec une fluidité virevoltante comme dans un élan cinématographique, vous décèlerez peut-être comme nous la proue d'un navire qui brave les flots, la déchéance d'un héros tout juste porté aux nues, une fière montagne qui s'érode, la chute d'un oiseau touché en plein vol, une forêt qui ondule sous la pluie, un foule de citoyens contestataires, une désopilante ménagerie... Poésie, réalisme, humour, tendresse, dérision, grandeur... tous les prismes cohabitent. La force de proposition s'impose, vaste, tout comme l'universalité du propos, d'autant plus que le chant s'invite, envoûtant par sa tonalité folklorique, évident comme un appel tellurique ou une déclamation céleste, et se joint au concert des corps – dans une langue inventée, comme nous confiaient Virginie Benoist et Julie Calbete dans l'entretien qu'elles nous ont accordé, qui à la fois humanise le geste vocal mais laisse le spectateur entendre les mots qu'il souhaite : à chacun.e d'imaginer son histoire.

(c) Fabrice Dimier

Quoi qu'on y voie, ces tableaux sonores impriment durablement, comme le suggère le titre du spectacle, l'idée d'une société en marche ou d'un groupe itinérant. Dans ce mouvement organique, les corps, ensemble, uniques et divers, doivent se faire confiance. Car, si tous ces acrobates ne tiennent de fait pas le même rôle dans leurs interactions, chacun·e prend sa place dans la représentation de ces scènes de vie : se porter, s'inviter, se recevoir, se faire évoluer, s'étreindre pour amortir la descente, se soulever pour viser plus haut, se soutenir, s'entourer pour prévenir un danger, s'envoler plus loin pour explorer... et entonner un même chant, comme un hymne de transhumance. On ressort de ce Pas du monde à la fois émerveillé par la virtuosité et la solidité des corps, ébloui par la performance physique, et conquis par ce qui les rend possibles : la force, le pouvoir du collectif.

(c) Fabrice Dimier

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