La Poupée sanglante (Critique)

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1852

Une comédie musi­cale de Didi­er Bail­ly & Eric Chantelauze.
D’après l’oeu­vre de Gas­ton Leroux.
Mise en scène : Eric Chantelauze.
Choré­gra­phies : Cécile Bon.
Décor : Erwann Creff.
Cos­tumes : Julia Allègre.
Lumières : Lau­rent Béal.
Avec : Char­lotte Ruby, Didi­er Bail­ly, Alexan­dre Jérôme & Edouard Thiebaut.

Paris 1923. Tan­dis qu’au cœur de l’île Saint-Louis, des femmes dis­parais­sent, le repous­sant Béné­dict parvien­dra-t-il à se faire aimer de la belle Christine ?

Notre avis : Un rideau rouge sang s’ouvre, dans cette salle mythique, sur la scène riquiqui et c’est par­ti pour une heure trente d’une comédie musi­cale épatante. Mir­a­cle, dès les pre­mières min­utes du spec­ta­cle l’exiguïté du lieu n’a plus prise : les tal­ents con­jugués de toute la troupe propul­sant le spec­ta­teur, ravi, dans un univers où le macabre, l’humour, le roman­tisme se mêlent, avec une propen­sion à stim­uler l’imaginaire de chacun.

Soit cette his­toire, sise sur l’île St Louis en 1923, de Chris­tine, la jolie fille de l’horloger, promise à Jacques, bril­lant biol­o­giste et con­voitée en secret par le dif­forme et inquié­tant Béné­dict Mas­son, voisin relieur ten­ant la bou­tique d’en face et dont les vendeuses dis­parais­sent les unes après les autres…

Trois comédiens/chanteurs/danseurs sur scène, qu’il faut saluer à hau­teur de leur tal­ent, endossent une mul­ti­tude de rôles. Car cette his­toire où les rebondisse­ments sont légions, con­tient en son sein nom­bre de per­son­nages. Edouard Thiebaut fascine dans ses com­po­si­tions con­trastées, arrivant sans prob­lème à provo­quer des moments de pure émo­tion, Alexan­dre Jérôme campe Jacques, une mar­quise, un mar­quis avec là encore tout un pan­el de jeu for­mi­da­ble et Char­lotte Ruby incar­ne sans dif­fi­culté la belle Chris­tine, mais aus­si d’autres femmes, plus ou moins recom­mand­ables. Quant à Didi­er Bail­ly, le com­pos­i­teur d’une par­ti­tion riche faisant revivre les années Folles avec délice, il accom­pa­gne ce petit monde au piano et ouvre le spectacle.

Car l’auteur et met­teur en scène Eric Chante­lauze s’amuse des codes théâ­traux : adresse au pub­lic, jeu pur, mise en abîme… Tous les arti­fices sont util­isés avec une économie de moyen tech­nique con­trastant avec les tré­sors d’imagination déployés. Quelques clins d’œil, dont les plus appar­ents con­cer­nent Bar­bara ou les Demoi­selles de Rochefort, qui per­me­t­tent de con­stater que le pub­lic con­naît ses clas­siques, un rythme soutenu présent dans l’écriture et ren­du pal­pa­ble dans la mise en scène.

Et comme tou­jours chez Gas­ton Ler­oux tout ce qui paraît mag­ique, sur­na­turel s’explique par­faite­ment par un raison­nement d’une logique implaca­ble. Quel bon­heur d’être ain­si bal­adé (car bien malin celui qui devine tout depuis le début de cette intrigue à tiroir). Avec en prime un sens du roman­tique très dévelop­pé, un amour impos­si­ble, un enlève­ment, des masques qui tombent. Chris­tine est égale­ment un per­son­nage cen­tral du Fan­tôme de l’Opéra, mais que cela soit dit : ce spec­ta­cle n’est en rien un amuse bouche à la super pro­duc­tion bien­tôt à l’af­fiche. Cette Poupée sanglante s’as­sume comme une œuvre de créa­tion mag­nifique, ent­hou­si­as­mante et qui doit être vue par tout ama­teur de (très bon) théâtre musical.

Suite au suc­cès, les représen­ta­tions courent jusqu’au 3 sep­tem­bre. Une reprise serait pour le moins souhaitable. En atten­dant, cette poupée vous attend pour vous faire rire et fris­son­ner de plaisir.