Avec Seras-tu là ?, le comédien Solal Bouloudnine nous plonge dans l’univers d’un enfant des années 90 qui réalise, comme tous les enfants avant et après lui, que tout a une fin, à commencer par la vie. Nous traversons avec lui une vie marquée par l’angoisse de la fin, dans une comédie touchante et vertigineuse.
Une bouchère bourguignonne, un chirurgien facétieux, un rabbin plein d’histoires, une maîtresse en burn out, France Gall… À travers une galerie de personnages un peu fous et au son des chanson de Michel Berger, on rit avec Solal Bouloudnine de l’atrocité du cancer, des maladies vénériennes et cardio-vasculaires, gastriques aussi, et cérébrales, de la solitude qui le ronge terriblement, de l’incommunicabilité entre les êtres, de l’enfance insouciante et naïve qui s’en est allée à jamais, viciée par les assauts du monde insurmontable, injuste et cruel.
Seras-tu là ? est un spectacle de variété qui se vit comme une chanson épique, ou l’inverse. C’est un mercredi après‑midi entre copains dans une chambre d’enfant où les jouets activent les histoires les plus folles.
Notre avis : Difficile d’écrire une critique de nos jours. Difficile d’écrire sur un spectacle alors que le public n’est toujours pas admis en salle de théâtre. Difficile en ces temps de pandémie de se laisser séduire par un pitch qui, dès le premier paragraphe, nous parle d’« angoisse » et de « fin ». Pourtant, ce qu’il faut bien retenir de ce début de résumé c’est le mot « comédie ». « Touchante et vertigineuse », elle l’est, et bien que tous les maux mentionnés dans le second paragraphe (« l’atrocité́ du cancer, des maladies vénériennes et cardio-vasculaires, gastriques aussi, et cérébrales, de la solitude qui le ronge terriblement, de l’incommunicabilité entre les êtres, de l’enfance insouciante et naïve qui s’en est allée à jamais, viciée par les assauts du monde insurmontable, injuste et cruel ») soient exploités sur scène, le parterre de journalistes et de professionnels ne cesse de rire ce jour-là.
Le 5 février dernier, nous avons eu la chance de découvrir le travail de Solal Bouloudnine, Maxime Mikolajczak et Olivier Veillon au Monfort – accueillis dans la cabane, plus intimiste que la grande salle. La scène est maquillée en chambre d’enfant où des références à la culture pop des années 90 sont égrainées (autocollants de Ghostbuster, de Rambo, des Tortues Ninja ou encore de Jurassic Park). L’ambiance lumineuse est distillée de petits points éclairés comme un vieil aquarium rectangulaire ou un globe terrestre qui font office de veilleuses. Nous réalisons alors le soin apporté au choix de chaque élément de scénographie qui, à première vue, pourrait paraître simplement désordonnée. Une vraie chambre d’enfant finalement !
Le spectacle s’ouvre sur un reportage de France 3 daté du jour de la mort de Michel Berger. Élément déclencheur chez notre personnage principal, âgé à ce moment-là de 6 ans, 11 mois et 20 jours. Il se rend immédiatement compte que tout a une fin, et développe alors une obsession angoissante autour de la finitude, et une autre plus douce pour Michel Berger. Il nous propose d’utiliser ses chansons comme des remèdes à ses – à nos – angoisses. Le comédien transforme le récit ultra personnel de sa vie en un récit en lequel nous pouvons tous nous identifier.
Solal Bouloudnine nous offre un spectacle abouti, ultra construit et pourtant volontairement déconstruit. Se jouant des schémas narratifs pour surmonter son angoisse de la fin, il décide d’ouvrir le spectacle par sa fin. Il est ensuite contraint de rembobiner sa pièce, geste auquel la jeunesse des années 90 était bien habituée.
Une heure et vingt minutes durant, le public rentre dans l’intimité du comédien, se laisse raconter une vie illustrée par de nombreuses scénettes. Souvent Solal nous quitte pour interpréter tour à tour son père chirurgien, sa mère juive, une bouchère de village… Empruntant aux dynamiques du stand-up (interactions et adresses directes au public, observations sur l’actualité…), il relève le défi de jouer seul mais de nous présenter une multitude de personnages, de facettes et de contrastes. Bien sûr, ce spectacle n’est pas seulement comique, et, comme les paroles d’une chanson de Michel Berger, il résonne dans nos questionnements intimes.
Et comme dirait ce dernier, alors que le monde est stone, qu’on n’arrive plus à décider le faux du vrai, il est grand temps de pouvoir s’écrier qu’ça balance à nouveau à Paris ! Ainsi, la réponse à la question titre n’est nullement discutable, il faudra être là lors de la réouverture des théâtres !