Régine, une vie de musique

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1928

La « Reine de la nuit » s’en est allée. Régine, dont le nom est défini­tive­ment asso­cié à l’u­nivers des dis­cothèques et aux inou­bli­ables chan­sons « Les P’tits Papiers », « La Grande Zoa », « Patchouli chin­chilla », « Les femmes, ça fait pédé »…, est décédée aujour­d’hui à l’âge de 92 ans.

On se sou­vient de ses plus de cinquante années de tours de chant et de revues… à Bobi­no, à l’Olympia aux Folies Bergère et même au Carnegie Hall… On se rap­pelle ses appari­tions au ciné­ma, dirigée par Claude Zidi, Pierre Granier-Deferre, Claude Lelouch, Claude Berri… Mais on sait moins qu’elle a été – très briève­ment – à l’af­fiche d’une comédie musicale…

À l’au­tomne 1974, le théâtre des Var­iétés pro­gramme Comme la neige en été, un spec­ta­cle musi­cal imag­iné par Jonathan Kar­mon, choré­graphe et met­teur en scène – qui, en 1968, repérait le tal­ent de Mike Brant. Jacques Lanz­mann en a signé le livret et les lyrics – en 1969, c’est lui qui avait adap­té Hair en français pour le Théâtre de la Porte-Saint-Mar­tin. Dov Seltzer, musi­cien israélien, en a com­posé la musique. En tête d’af­fiche : Nicole Croisille, Mouloud­ji et Régine.

La chanteuse Régine lors des répéti­tions de la comédie musi­cale ‘Comme la neige en été’ de Jacques Lanz­mann en 1974, à Paris, France . (Pho­to by Gian­car­lo BOT­TI/Gam­ma-Rapho via Get­ty Images)

Il s’agis­sait de créer une comédie musi­cale à l’améri­caine.

« Comme la neige en été est une allé­gorie sur les minorités : les raciales, les sociales, les sex­uelles. […] [La musique] est d’in­spi­ra­tion tzi­gane, puisqu’elle mon­tre une troupe nomade con­duite, dirigée par ‘une sorte de Gol­da Meïr’ : Régine. Mouloud­ji est un homme qui a vécu, qui sait. Sa morale est : ‘On efface tout et on recom­mence.’ Il n’y a pas d’in­trigue con­stru­ite, mais un enchaîne­ment d’épisodes. Il n’y a pas de per­son­nages défi­nis, ils s’adaptent aux sit­u­a­tions. Il n’y a pas de réal­isme, la musique est orchestrée sur un mode mod­erne, les cos­tumes sont out­ranciers. » (Source : Le Monde, arti­cle de Colette Godard « Un ‘musi­cal’ fran­co-israé­lo-tzi­gane de Jacques Lanz­mann ».)

Mouloud­ji, Nicole Croisille et Régine dans la comédie musi­cale de Jacques Lanz­mann (à droite) ‘Comme la neige en été’ au théâtre des Var­iétés le 16 octo­bre 1974 à Paris, France. (Pho­to by Michel LAU­REN­T/Gam­ma-Rapho via Get­ty Images)

« On par­le des minorités, dit Jacques Lanz­mann, mais il n’y a ni Africains ni Asi­a­tiques. Ce serait trop direct, trop agres­sif. Dès que la sit­u­a­tion devient trop dure, je m’en tire avec une pirou­ette, c’est dans mon tem­péra­ment. Après tout, j’écris des chan­sons. Les choses sont dites, pour­tant. Les spec­ta­teurs qui ne voudront pas com­pren­dre pour­ront se laiss­er aller au rythme et au spec­tac­u­laire. Je l’e­spère. Après Hair, on ne peut pas revenir aux idylles mièvres qui finis­sent bien. Comme la neige en été ne racon­te pas d’his­toire d’amour. On y voit les pes­simistes qui se lais­sent exploiter, et les opti­mistes qui savent que les majori­taires ne peu­vent pas se pass­er d’eux. » (Source : Le Monde, arti­cle de Colette Godard « Un ‘musi­cal’ fran­co-israé­lo-tzi­gane de Jacques Lanz­mann ».)

Dans Mouloud­ji, une biogra­phie de Gilles Sch­less­er (éd. L’Archipel), Lil­iane Patrick, la com­pagne de Mouloud­ji, égale­ment engagée sur scène, fait part de vives ten­sions entre le chanteur et Régine pen­dant les répéti­tions. « La pre­mière a été une véri­ta­ble cat­a­stro­phe. Régine jouait la mama tzi­gane, boud­inée dans un col­lant noir, et il fal­lait danser, ce qu’elle ne maîtri­sait pas du tout. Elle a fait un bide et elle est tombée malade, dès le lende­main. Elle ne l’a joué qu’une fois. Nous avons arrêté quelques jours le spec­ta­cle, puis Cather­ine Sauvage a accep­té de repren­dre le rôle. »

Pour­tant, Régine s’y con­nais­sait en danse, si l’on en juge par cette leçon de cha-cha-cha :

Il était même prévu une reprise à New York. « Les danseurs améri­cains retrou­veront New-York après une série de représen­ta­tions à Paris. La troupe sera dédou­blée et l’une d’elles, Régine en tête, jouera sur Broad­way. ‘Ce sera la pre­mière comédie musi­cale à pass­er l’At­lan­tique dans ce sens’, dit Jacques Lanz­mann, man­i­feste­ment sat­is­fait, mais le regard embrumé d’in­quié­tude. » (Extrait de l’ar­ti­cle de Colette Godard « Un ‘musi­cal’ fran­co-israé­lo-tzi­gane de Jacques Lanz­mann » dans Le Monde.)

Si Régine a raté son ren­dez-vous avec la comédie musi­cale, on pour­ra peut-être se con­sol­er d’i­ci quelques années avec Régine, le musi­cal, un juke­box musi­cal dont notre époque a le secret et qui com­pil­era ses plus belles chan­sons. Et pourquoi pas celles-ci ?

« Qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse ? », un suc­cès de 1965 signé Fran­cis Lai (musique) et Françoise Dorin (paroles) :

« Pourquoi un pyja­ma ? », un titre signé Serge Gains­bourg en 1966 :

La même chan­son en play­back au bord d’une piscine et allongée dans un lit flot­tant sur le site de l’I­NA.

« Gueule de nuit », une chan­son signée Bar­bara en 1967, qui sera le titre du dernier livre de Régine (éd. Flam­mar­i­on, 2018) :

 

 

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