En 2022, Don Juan n’est plus l’homme qui séduit toutes les femmes, mais un homme obsédé par une seule femme : celle qui l’a abandonné…
Notre avis : Sorti lundi 23 mai 2022, après sa présentation lors du 75e Festival du film de Cannes dans la sélection « Cannes Premières » où nous avons pu le découvrir, ce nouvel opus de Serge Bozon appartient au club très fermé des trois films récipiendaires de l’aide au film de genre (comédie musicale) mis en place par le CNC. Rappelons que les deux autres œuvres sont Tralala, dont nous avons déjà parlé, et La Grande Magie de Noémie Lvovsky, dont nous attendons la sortie.
Il est donc question de Don Juan, acteur, que sa future femme, actrice, plante le jour de leur mariage. Il chante sa peine et reconnaît en diverses femmes celle qu’il aime (Virginie Efira emperruquée). Le duo se retrouve à Granville où, subtile mise en abyme, il répète Dom Juan au Théâtre de l’Archipel. Mais, décidément, ça coince sévère dans leur relation, même quand tout semble redevenir harmonieux. Misère.
Don Juan aurait pu gagner la palme… de l’hémorragie de spectateurs. En effet, durant la projection, pas moins de la moitié des spectateurs ont quitté la salle. Peut-on leur donner tort ? Hélas non. Le film, très ampoulé dès les premières minutes – qui voient Tahar Rahim interrompre la musique pour des bruits de sonnerie à chaque mouvement brusque –, fatigue plus qu’il n’est supportable. Le récit de cette déconstruction de Don Juan qui, perturbé car sa future femme ne s’est pas présentée à la mairie pour leur mariage car elle a mal interprété un sourire à l’endroit d’une femme qui chantonnait dans la rue, ne mène hélas pas bien loin. Les tentatives les plus poétiques tombent à plat. Prenons-en une : ladite jeune femme, interprétée par Virginie Efira – que l’on aura préférée en parfaite maîtresse de cérémonie de cette édition cannoise –, entre dans un café et, à la question « Qu’est-ce que je vous sers ? » du barman, elle répond « De la musique » avant de repartir aussi sec. Nous n’en sommes qu’à quelques minutes de film et l’on sent que le temps va être long, long, long. C’était déjà le cas avec un précédent opus : La France (2007) avec Sylvie Testud, un film qui se déroulait en pleine Première Guerre mondiale.
Se raccrocher aux chansons ? Hélas elles sonnent creux – quand elles sonnent – et les paroles laissent souvent pantois, où l’on qualifie un sourire de terroriste. La musique de Benjamin Esdraffo verse, quant à elle, dans la grandiloquence. Quant aux performances des comédiens-chanteurs ? Ils font ce qu’ils peuvent, et c’est peu. D’ailleurs, lorsque Tahar Rahim chante, à l’intention de sa compagne bonne actrice « Je chante, c’est la seule chose que je fais mieux que toi », avons-nous entendu dans la salle un spectateur excédé lâcher : « Ah non, ça n’est pas vrai du tout ! » Même la présence d’Alain Chamfort, en père meurtri par le décès de sa fille qui se serait suicidée après l’infidélité de Don Juan – et donc figure métaphorique du commandeur –, il peine à convaincre. Lui échappe aux rares moments chorégraphiques, que l’on trouve en toute dernière partie de film et qui prêtent au mieux à sourire. Une comédie musicale doit-elle obligatoirement être grand public ? Nous aurions tendance à pencher pour la positive. Cette boursouflure intellectuelle indigeste, où le grotesque le dispute au ridicule et qui fera fuir les spectateurs des salles aussi sûrement que lors de la présentation cannoise, est l’exemple d’un cinéma français intellectuel, prétentieux, sans une once d’humour. Une chanson dit : « Pourquoi en plein bonheur, les hommes regardent-ils ailleurs ? » Eh bien, en matière de cinéma, nous ne saurions que conseiller aux spectateurs de, pour le coup, regarder ailleurs.