Dans un triptyque à la forme hybride, atypique, et futuriste, Gwendoline Soublin explore les travers de l’élevage intensif et interroge le devenir du monde paysan et les limites du progrès. Se jouant de toutes les modalités de la parole, elle nous plonge tour à tour dans la tête d’un agriculteur se rêvant cow-boy plutôt que pig- boy ; dans le procès en ligne d’un porc-star nommé Pig Boy, où juges et internautes décident de son sort ; puis dans la tête d’une truie qui s’échappe de sa clinique pour aller mettre bas de ses petits-bébés‑d’hommes dans la « nuit forestière ».
Du destin d’un agriculteur breton de 1986 à celui de l’humanité en 2358, Pig Boy est une tragédie d’anticipation, jubilatoire et poétique.
Notre avis : En l’espace de quelques années, Pig Boy de Gwendoline Soublin a déjà séduit plusieurs troupes. Les spectateurs lyonnais ont même eu le choix entre plusieurs adaptations cette saison. Mais qui est Pig Boy ? Le concept d’un triptyque se déroulant sur plusieurs époques, mêlant agriculture, cochon star et anticipation suggère un spectacle hors norme…et c’est le cas. Le collectif Le Bruit des Cloches, une jeune compagnie clermontoise, s’empare sans complexe de cette œuvre forte et un peu folle.
Pig Boy se présente sous la forme d’un triptyque se déroulant de 1986 à 2358. Chaque partie forme une histoire à part entière, même si des connexions existent entre les trois volets. Première époque : Hélène Cerles et Noëlle Miral, également à la mise en scène, content le destin d’un jeune agriculteur depuis sa naissance en 1986. À la manière d’un livre dont vous êtes le héros, des choix lui sont proposés à chaque événement. Le jeune homme veut avant tout être cow-boy et non pas élever des cochons. Son parcours sera pourtant rude face à la réalité des contraintes vécues par le monde agricole. Romain Maurel, qui incarne l’agriculteur, déploie également ses talents de musicien. Le violon est mis à l’honneur, et ce dès la belle ouverture en musique du spectacle. Des moments d’humour, y compris en chanson, parsèment l’histoire de ce cow-boy solitaire en détresse.
La deuxième partie constitue certainement le temps fort du spectacle. En 2050, le cochon star Pig Boy, emblème de la marque Perta, est au centre d’un scandale et d’un procès choc ! Il est accusé d’avoir copulé avec une admiratrice japonaise. Dans un monde ultra-connecté, avide de breaking news, le procès prend une tournure folle. Hélène Cerles et Noëlle Miral enchaînent les interprétations de nombreux personnages très différents. Malgré l’humour, les enjeux de pouvoir économique, médiatique, judiciaire se révèlent et s’entremêlent, n’évitant pas certaines dérives. Après le violon, ce sont les synthétiseurs et les sons électroniques qui agrémentent cette deuxième partie.
Le troisième volet du triptyque est plus aride. Le langage employé est déroutant et la mise en scène joue alors de l’obscurité ou des éclairages ténus avant le choc visuel de fin. En 2358, la science a engendré des aberrations où la limite entre l’homme et l’animal a été repoussée…
Pig Boy se révèle être un spectacle sachant faire sourire, rire, mais surtout réfléchir. Le prometteur collectif Le Bruit des Cloches est une belle révélation au service de cette œuvre coup de poing.