Ce spectacle célèbre Saint-Germain-des-Prés et l’extraordinaire diversité de son répertoire musical.
L’après-guerre en France est marqué par la fascination du rêve américain. Mais plus profondément, sur le plan culturel, Sartre fait la part belle, dès 1945, à la découverte des romanciers américains. Paris est un lieu d’une extraordinaire agitation artistique et intellectuelle qui culmine dans l’aventure de Saint-Germain-des-Prés : côté français, Sartre et Simone de Beauvoir mais aussi Claude Luter et, côté américain, Vernon Sullivan. Laissons-nous emporter avec Alice « notre héroïne » dans le tourbillon de cette époque, à la poursuite du Lapin Blanc. Dans des scènes pittoresques, peuplées de personnages hauts en couleurs, historiques ou de fiction, qui se succèdent dans un joyeux tintamarre : une comédie musicale jouée sur un rythme endiablé, qui alterne des chansons de Boris Vian, Juliette Gréco et Mouloudji.
Notre avis : Le synopsis nous promet de plonger dans l’agitation artistique et intellectuelle du Paris de l’après-guerre, et l’engagement est tenu. L’ambiance de Saint-Germain-des-Prés est palpable, parfois même survoltée. Le public vient pour retrouver des chansons emblématiques de l’époque et cela se sent. Dans la salle, quand résonnent les premières notes de « Fais-moi mal Johnny » ou de « À Saint-Germain-des-Prés », on entend les spectateurs fredonner et apprécier ces airs que tous connaissent et affectionnent.
Ce sont des personnages extravagants qui nous sont proposés durant une heure vingt ; c’est même une dimension presque psychédélique du spectacle qui se dévoile à mesure que celui-ci avance. Impossible de ne pas faire le parallèle avec l’univers d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, présent grâce à de nombreux éléments clés du conte. En revanche, on s’interroge sincèrement sur la logique de ce choix. Car, dans cette volonté d’exubérance assumée, les comédiens surarticulent leurs textes, décuplent leurs effets et perdent ainsi en sincérité et en justesse, faisant basculer le spectacle dans un style pour le moins inattendu et surprenant – entre le théâtre de boulevard et l’absurde, un mélange audacieux.
Les voix chaleureuses et agréables, la juste interprétation des chansons ainsi que la douceur de certaines scènes contribuent à installer une ambiance plaisante. Pourtant, quelques choix de mise en scène et de scénographie semblent flous ; et les personnages emblématiques du quartier manquent quelque peu de caractérisation, bien que l’héroïne ne fasse de sa rencontre avec eux un moment très attendu…
Si nous ne sommes pas complètement tombés sous le charme de ce spectacle – sans doute une question de magie qui n’a pas opéré –, le reste de la salle avait l’air plutôt enthousiaste et conquis par cette nouvelle version de Saint-Germain-des-Prés.