A Wonderful World, the Louis Armstrong Musical

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Studio 54 – 254 W 54th Street, New York.
Première le 11 novembre 2024.
Pour en savoir plus, consultez le site officiel.

On ne peut pas men­tion­ner le nom de Louis Arm­strong sans aus­sitôt évo­quer l’une des fig­ures les plus légendaires du jazz clas­sique. Au cours d’une car­rière qui s’étala sur plus de cinquante ans, Arm­strong, dont le style unique à la trompette autant que la voix rauque et puis­sante étaient telle­ment recon­naiss­ables, s’est tail­lé une répu­ta­tion mon­di­ale. Cette répu­ta­tion allait d’ailleurs d’autant plus s’ac­croître qu’elle s’au­réo­lait de chan­sons qui devaient devenir d’énormes suc­cès pop­u­laires, comme « Black and Blue », « Basin Street Blues », « St. James Infir­mary », « You Ras­cal You », « Tiger Rag « , « Kiss of Fire », « When You’re Smil­ing », When the Saints Go March­ing In », « Aval­on » et, bien sûr, « Hel­lo, Dol­ly! » et « What a Won­der­ful World » – toutes enten­dues dans cette œuvre théâ­trale, la dernière citée lui ayant inspiré son titre.

James Mon­roe Igle­hart (Louis Arm­strong) — A Won­der­ful World, the Louis Arm­strong Musi­cal. ©Jere­my Daniel

Parce que le style de Louis Arm­strong était telle­ment car­ac­téris­tique et inim­itable, on serait en droit d’avoir des doutes sur le choix de l’acteur cen­sé l’incarner sur scène ou à l’écran. James Mon­roe Igle­hart, déjà acclamé pour sa créa­tion du Génie dans Aladdin, la comédie musi­cale de Walt Dis­ney tou­jours à l’affiche, et celle du roi Arthur dans la récente reprise de Spa­malot de Mon­ty Python, est tout sim­ple­ment extra­or­di­naire de réal­isme. Il par­le comme lui, avec les mêmes into­na­tions, joue de la trompette comme lui, et man­i­feste le même sens de l’humour qui lui était pro­pre. Il est rare de trou­ver un artiste qui soit aus­si com­plet dans son inter­pré­ta­tion, mais c’est pour­tant le cas ici.

Jen­nie Har­ney-Flem­ing (Lil Hardin) et James Mon­roe Igle­hart (Louis Arm­strong) — A Won­der­ful World, the Louis Arm­strong Musi­cal ©Jere­my Daniel

La pièce elle-même suit fidèle­ment le par­cours d’Armstrong : ses débuts vers la fin des années 1910 à La Nou­velle-Orléans, où il était né en 1901 ; son asso­ci­a­tion, à Chica­go dans les années 1920, avec la Cre­ole Jazz Band dirigée par King Oliv­er, qui était devenu son men­tor avant qu’il ne forme son pro­pre groupe ; sa car­rière à Hol­ly­wood dans les années 1930, péri­ode pen­dant laque­lle on peut le voir nom­bre de fois sur les écrans, sou­vent sous son pro­pre nom ; et ses dernières années à New York, où il s’établit dès 1950 et où il demeu­ra pour le restant de sa vie

James Mon­roe Igle­hart (Louis Arm­strong) et Jode­ci Mil­house, Alysha Mor­gan, Kate Louis­saint — A Won­der­ful World, the Louis Arm­strong Musi­cal ©Jere­my Daniel

Cette exis­tence fut récom­pen­sée par de nom­breux suc­cès en tant qu’artiste recon­nu mais égale­ment mar­quée par qua­tre mariages – avec Daisy Park­er, une pros­ti­tuée ren­con­trée lors d’un con­cert à Gret­na, en Louisiane ; Lil Hardin, la pianiste de King Oliv­er ; Alpha Smith, ren­con­trée lors d’une tournée dans les années 1920 ; et Lucille Wil­son, une chanteuse du Cot­ton Club à New York, qu’il épousa en 1942 et avec qui il res­ta jusqu’à sa dis­pari­tion en 1971. Les qua­tre actri­ces chargées d’incarner ces femmes, respec­tive­ment Dionne Fig­gins, Jen­nie Har­ney-Flem­ing, Kim Exum et Dar­lesia Cearcy, sont toutes excel­lentes, même si leur inter­pré­ta­tion vocale trahit une façon de chanter et d’harmoniser con­tem­po­raine, peu en rap­port avec le style des chanteuses de jazz les plus célèbres de l’époque comme Bil­lie Hol­i­day, Ella Fitzger­ald ou Sarah Vaugh­an – un anachro­nisme qui surprend.

DeWitt Flem­ing Jr. (Lin­coln Per­ry) et, dans le fond, James Mon­roe Igle­hart (Louis Arm­strong) et la troupe — A Won­der­ful World, the Louis Arm­strong Musi­cal ©Jere­my Daniel

Le reste de la dis­tri­b­u­tion, dans les rôles sec­ondaires – Trista Dol­li­son, Dewitt Flem­ing Jr., Jason For­bach, Gavin Gre­go­ry, James T. Lane et Jim­my Mag­u­la –, est égale­ment à la hau­teur. Mais ce qui frappe surtout, c’est la troupe d’une douzaine de chanteurs et danseurs, notam­ment dans des numéros de cla­que­ttes réglés par Dewitt Flem­ing Jr., qui agré­mentent le spec­ta­cle choré­graphié par Rick­ey Tripp et mis en scène par Christo­pher Ren­shaw, assisté par James Mon­roe Igle­hart et Christi­na Sajous.

Sur le plan pure­ment tech­nique, il faut encore sig­naler les décors mono­chromes d’Adam Koch et Steven Roy­al, sou­vent mis en lumières par Cory Pat­tack, et les cos­tumes de Toni-Leslie James, notam­ment ceux réservés aux danseurs. Mais ce que l’on retient avant tout, c’est la qual­ité de l’ensemble orches­tral dirigé par Daryl Waters, avec les nom­breuses orches­tra­tions et arrange­ments musi­caux de jazz four­nis par l’un des maîtres du genre, Bran­ford Marsalis, dont la répu­ta­tion n’est certes plus à faire.

De gauche à droite : Dionne Fig­gins, Jen­nie Har­ney-Flem­ing, James Mon­roe Igle­hart, Kim Exum, Dar­lesia Cearcy — A Won­der­ful World, the Louis Arm­strong Musi­cal ©Jere­my Daniel

A Won­der­ful World est une œuvre qui ramène les spec­ta­teurs à une époque où la musique, et notam­ment le jazz, avait une impor­tance sig­ni­fica­tive et où les comédies musi­cales avaient un sens. Son suc­cès va cer­taine­ment dépen­dre de l’attrait qu’elle peut exercer sur un large pub­lic tou­jours soucieux de la qual­ité d’un spec­ta­cle de Broad­way. Mais elIe devrait per­me­t­tre à des spec­ta­teurs plus jeunes de décou­vrir et d’apprécier la qual­ité de cer­tains spec­ta­cles vers lesquels ils sont moins naturelle­ment portés, faute de con­nais­sances dans le domaine du jazz. L’enjeu en vaut la peine. Le spec­ta­cle aussi !

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