Nouveau spectacle musical au Studio-Théâtre : la chanson y tient le rôle principal. Depuis plusieurs années, elle s’est justement imposée à la Comédie-Française, qui aime explorer le répertoire musical selon des voies différentes. Guillaume Barbot, qui officie depuis près de quinze ans entre théâtre et musique, souhaite créer avec Art majeur « une vraie forme de théâtre concert » à la recherche de chansons qui auraient modifié le cours de notre existence, et plus largement – idéalement même – changé le monde. Ce passionné d’histoires en tous genres, et surtout musicales, a passé commande à quatre plumes, romancières et romanciers, pour donner à chaque interprète un court récit autour d’une chanson ayant déclenché une déflagration dans la vie d’un personnage. Cette matière ancrée dans la fiction et la poésie résonnera au sein de ce spectacle aux rythmes rock, sur des arrangements inédits, sous la direction musicale de son complice de toujours Pierre-Marie Braye-Weppe. L’idée est bien entendu de faire aussi sonner quelques-unes des mélodies qui habitent notre imaginaire collectif, de Bashung à Dalida.
Titres inédits, populaires ou oubliés, chansons secrètes ou rituelles, tubes de famille ou refrains souvenirs : les artistes de la Troupe, avertis dans les domaines du chant et de la musique, nous plongeront dans ce que cet art a de majeur : « De la musique pendant une heure, un album de soixante minutes, annonce Guillaume Barbot, avec des pistes musicales, chantées, parlées, et à chaque fois le swing des mots, des voix et des enregistrements. »
Notre avis : Nos comédiens du Français peuvent – et savent – tout faire, comme ils nous l’ont prouvé par des spectacles passés tels que Mais quelle Comédie !, La Ballade de Souchon ou bien encore Les Serge (Gainsbourg point barre). Ils récidivent aujourd’hui avec Art majeur.
L’axiome de départ posé par nos auteurs est simple : comment une chanson de variété est-elle capable, pour soi et en soi, de représenter une révolution intime, d’emporter le souvenir d’un basculement secret ? Ou au contraire, comment une chanson captée au hasard du temps devient-elle l’air d’un soulèvement social ? La réponse nous est apportée par cinq magnétiques comédiens-chanteurs et musiciens émérites.
Véronique Vella (sociétaire depuis 1989), à la guitare, s’était déjà fortement impliquée dans des spectacles comme Cabaret érotique, Boris Vian, Léo Ferré ou Quatre femmes et un piano. Thierry Hancisse – doyen de la Troupe – nous avait livré entre autres un Cabaret Georges Brassens. Il se révèle comme un virtuose à la fois du piano, de l’accordéon, de la basse et de la guitare. Nous retrouvons également la jeune pensionnaire Léa Lopez au clavier et à la basse, ainsi que deux autres musiciens : Axel Auriant et Pierre-Marie Braye-Weppe, eux-mêmes experts éclectiques en diverses disciplines instrumentales.
Art majeur est défini par le metteur en scène Guillaume Barbot comme la réalisation d’un spectacle album, véritable théâtre-concert où la chanson tient le rôle principal. Ces chansons, qui nous appartiennent également et qui traversent nos vies, constituent le centre de cet Art majeur (et non mineur, comme voulait le cataloguer Gainsbourg au cours d’un échange houleux avec Guy Béart).
La scène – telle une vague de bois – fait office de studio d’enregistrement, à l’intérieur duquel nos protagonistes viendront nous conter leurs souvenirs (vécus ou imaginés ?) emplis d’émotion, ponctués de ces fameuses chansons gravées à jamais dans leurs cœurs. Cette traversée musicale s’avère riche : de Brel à Barbara en passant par Bowie, Bashung, Higelin, Piaf, Téléphone, Biolay et bien d’autres encore, nous plongeons avec eux au rythme du rock ou de douces mélodies. La tendresse est de toute façon toujours omniprésente. La réussite se révèle totale : ils ont su, une fois encore, nous surprendre et nous charmer par leur aisance à jongler avec les exigeantes disciplines qui constituent le spectacle vivant.