Après un triomphe à Lourdes avec plus de 150 000 spectateurs, le bouleversant spectacle Bernadette de Lourdes arrive enfin à Paris avant une tournée dans toute la France. C’est le récit des fascinantes apparitions mariales à la jeune Bernadette Soubirous. Inspiré des comptes rendus officiels d’interrogatoires, le spectacle retrace avec authenticité l’histoire de Bernadette, ses rencontres avec le commissaire Jacomet, l’abbé Peyramale, le procureur Dutour… Sa lutte calme et humble pour défendre son récit auprès des adultes sceptiques et sa famille meurtrie.
Notre avis : Tandis que le pape François vient officier à Marseille, le spectacle musical Bernadette de Lourdes débarque à Paris. Hasard du calendrier ou coïncidence divine ? Bref… Revenons à nos moutons ! Ceux de la jeune Bernadette Soubirous qui, le 11 février 1858, dans une grotte près de Lourdes, affirme avoir eu une vision. D’après les détails qu’elle donne, l’apparition ressemble bien à une Vierge Marie. Les hommes de son temps s’empressent de la questionner et de juger : un commissaire, un curé, son père, mais aussi un procureur, un médecin et la foule des anonymes. Voilà à peu près le point de départ du spectacle, qui ne s’en éloignera guère. L’intrigue avance, en effet, peu et ce qui pourrait compenser en tension dramatique – une psychologie fouillée des personnages, notamment – est plutôt réduit. La succession trop linéaire des tableaux empêche d’installer une dynamique dans le récit. Donc, hormis quelques scènes de foule qui relancent le rythme, mais trop maladroitement insérées et trop chichement chorégraphiées pour véritablement susciter un élan tenace, le spectacle s’essouffle à peine commencé.
Clins d’œil au répertoire ou attention à une véracité historique ? Le Commissaire a quelques relents du Javert des Misérables et il nous a semblé que la conception du trio Commissaire-Curé-Père s’épanchant chacun au sujet de Bernadette lorgnait du côté de « Belle » dans Notre-Dame de Paris…
La bande-son, comme le livret, est composée à gros traits, dans une uniformité rythmique et mélodique qui lasse, sans vraiment conférer de caractère ou de singularité aux personnages. Dans ce flot homogène se dégagent pourtant une jolie prière, sensible, chantée par Bernadette en seconde partie, ainsi que l’air du Commissaire au moment où sa résolution s’effrite et qu’il est torturé par le doute. On retient également un fervent Ave Maria, qui dénote très agréablement du reste de la partition, sans doute parce qu’il est extrait des Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc.…
Les paroliers ont manifestement pris soin d’agencer rimes et assonances, mais trop de répétitions finissent par donner l’impression que l’on tourne en rond.
On imagine que la mise en scène doit se plier aux contraintes des différents lieux où le spectacle est joué. De fait, elle est sobre mais efficace, et on salue les jolies projections qui habillent le décor.
Les artistes font entendre des voix robustes. Le rôle-titre affiche un timbre très agréable, à la fois juvénile et déterminé comme la jeune fille conquise par la foi qu’elle est devenue. Et les voix d’hommes, très sollicitées dans les aigus, sont d’une remarquable solidité. Dommage de ne pas trouver leurs noms sur le site Internet du Dôme de Paris…
Nous avouons, certes, n’être pas clients de ce genre de spectacle taillé pour un large public et donné dans des lieux où l’acoustique tonitruante défie notre ouïe. Et l’engouement du public ce soir – des personnes venues de loin, d’autres qui ont déjà vu le spectacle – nous laisse pantois. Pas tant en raison des aspects artistiques abordés plus haut – les goûts et les couleurs… –, mais plutôt du choix et du traitement du sujet. Pour des spectatrices et des spectateurs que l’on devine sensibles à ce qui fait la force d’une sainte, à savoir sa spiritualité, sa ferveur profonde, comment succomber à une vision qui ne fait qu’effleurer ces aspects ? Mais, là encore, nous sommes peut-être passés à côté d’un miracle collectif…