Une comédie musicale de Claire-Marie Systchenko & Eric Bongrand.
Mise en scène : Vincent Vittoz.
Avec : Claire-Marie Systchenko, Zacharie Saal, Noémie François, Hélène Hardouin & Emmanuel Quatra et Antoine Lefort (piano).
Dix années de mariage ont peu à peu éloigné Mathilde et Julien l’un de l’autre. Si bien que, lorsque la première se retrouve plongée dans le coma, son mari ne sait pas s’il aura la force d’affronter cette épreuve.
Le soutien mordant de la truculente Roseline et l’optimisme candide de la déroutante Natacha, les deux infirmières qui veillent sur sa femme, suffiront-ils à le convaincre de ne pas abandonner ? Ou le pessimisme acerbe de l’arrogant Docteur Grinsky aura-t-il raison de ses espoirs ?
pour en savoir plus, consultez le site du spectacle.
Notre avis : A partir d’un sujet qui peut prêter le flanc à un traitement conventionnel ou pesant, la troupe de Chambre 113 relève là un joli défi. Le ton reste toujours léger, même si, au fond, le sujet l’est bien moins. La relation entre Mathilde et Julien reste au centre du récit, agrémentée par le monde de l’hôpital dépeint avec drôlerie et tendresse, même si l’auteur se laisse parfois aller à la caricature. Elle peut s’avérer nécessaire lorsqu’elle est contrecarrée par un point de vue et c’est bien l’intention de l’auteur, mais pour être tenu continuellement, cela exige une attention de chaque instant. Alors oui, le Dr Grinsky est tragi-comique, mais aurait gagné à avoir plus d’épaisseur (le questionnement sur l’impossibilité de guérir une patiente et ce que cela implique est abordé, cette piste était formidable). Le jeu avec les deux infirmières, qui lui aussi joue sur les clichés, l’emporte davantage. Roseline, au franc parler capable de provoquer quelques séismes. Cette fausse rudesse permet à Julien de franchir les étapes vers l’acceptation, le « dialogue » avec celle qui repose. Un personnage truculent, mais pas que. Sa collègue Natacha la blonde surjoue le rôle de la potiche tout en menant son prétendant (le docteur, bien entendu) par le bout du nez offre différents moments savoureux, d’autant que Natacha est avant tout une incurable romantique fascinée par l’horoscope.
Le romantisme baigne d’ailleurs le spectacle. Mais là encore ajoutons un petit bémol : Julien a trompé sa femme, qui s’ennuyait dans son couple, vivant pour élever leurs deux enfants (découverte rendue étrange par le fait que Mathilde ne cesse de répéter que son époux soit inconstant…) et cette révélation, traitée au premier degré, provoque un tournant dans l’intrigue. Fort bien mais, au vu de la qualité de l’ensemble de l’écriture, il eut peut être été intéressant de creuser la psychologie de Mathilde, de la rendre plus retorse face à cet adultère qui, pour l’heure, semble lui être fatal. Jouer avec les grands sentiments, utilisés au premier degré, cantonne toujours une œuvre dans un registre, l’empêche de coller totalement avec une réflexion moderne. Les auteurs peuvent se laisser aller à la tendresse, ils ont suffisamment de talent pour savoir la doser sans être pesants. Mais venons en surtout aux très nombreuses qualités de ce spectacle, mené par une troupe totalement investie. Le choix scénographique de panneaux coulissants (qui supportaient les dessins de Sempé, pour Les parapluies de Cherbourg au Châtelet) permet à Vincent Vittoz d’utiliser l’espace de manière intelligente, projetant et ses comédiens et les spectateurs dans divers décors simplement évoqués. Il fallait de toute manière trouver comment indiquer la dualité physique de Mathilde : corps inerte d’une part, esprit bien vivant d’autre part. Tout cela fonctionne fort bien. Les mélodies s’intègrent parfaitement bien à l’action et, même si le dernier tiers pourrait être un brin resserré, confèrent à cette œuvre une belle dimension dramatique. Une comédie musicale sur la communication entre deux êtres, et les désastres produits si elle est rompue ; fruit d’un travail de maturation lent et payant, à découvrir. En souhaitant que la porte de cette chambre s’ouvre à nouveau, pour permettre à un large public de découvrir ce qu’elle dissimule.