Quand avez-vous découvert Yvonne ?
J’avais entendu parler d’Yvonne via Regard en Coulisse et suis tombée dans le panneau comme pour la plupart des personnes du monde de la comédie musicale, me demandant qui pouvait bien être cette jeune fille… Je n’ai pas vu Cabaret jaune citron, je peux donc dire que j’ai vraiment fait la connaissance d’Yvonne pour le film !
Comment cette aventure a-t-elle débuté ?
Stéphane m’a parlé du projet plus d’un an et demi avant que ne lui soit accordée l’avance sur recettes, aide qui a marqué le début de la concrétisation du film. Nous avions bu un verre, il m’avait raconté le sujet de ce premier long-métrage ainsi que de ses envies concernant les numéros dansés. Lorsque le film a été sur des rails, il m’a rappelée ; nous nous sommes revus, notamment dans des salons de thé qu’il m’a fait découvrir (je ne suis pas une spécialiste !). Puis il m’a envoyé le scénario. Je qualifierais notre collaboration de… géniale ! Stéphane savait exactement ce qu’il voulait – ce qui rendait les choses très claires pour moi –, le tout agrémenté d’idées, d’envies, d’images. À ce moment-là, nous n’avions pas encore les musiques, en cours de création. Il a toutefois pu me donner des indications très précises dans la façon dont il concevait sa mise en scène. Parallèlement j’avais une totale liberté de création, mais tout coulait de source : nous étions sur la même longueur d’onde en permanence. Nous avons mis au point le nombre définitif de chorégraphies, la manière dont elles intégreraient la narration, comme elles allaient être filmées…
Avec toute une équipe de danseuses et danseurs ?
Au début, nous avions envisagé davantage de danseurs. Le budget nous a conduits à limiter la voilure. En matière de chorégraphie, je partage avec Stéphane les mêmes références, les mêmes amours. J’ai apporté des éléments d’organisation technique, j’utilise un vocabulaire spécifique à la danse mais, sur le fond, une fois encore, nous étions en permanence raccords. Le casting a eu lieu en juin, les répétitions en septembre pour se poursuivre avec le tournage. Tout s’est donc un peu enchaîné. Nous avions ouvert les auditions afin de voir des gens et des styles très différents – tous physiques, toutes techniques étaient bienvenues – et ce fut un pur bonheur, très enrichissant. J’ai vraiment eu face à moi des talents fous, ils m’ont très souvent impressionnée voire intimidée.
En outre, pour avoir été souvent de l’autre côté de la barrière, je déteste le côté froid que peut avoir une audition où les gens te regardent à peine et ne sont parfois pas respectueux. C’était primordial pour Stéphane et moi – et c'est en ligne avec le côté feel-good de son film. L’idée était de créer une ambiance chouette, détendue, permettant à chacun de donner le meilleur.
Par la suite, il a fallu répartir les danseurs dans les séquences qui leur correspondaient le mieux et jongler avec les plannings – celui du film n’étant pas encore définitif. Un vrai casse-tête ! Il fallait par exemple qu’un danseur puisse tourner le moins de temps possible après ses répétitions, pour que les pas soient encore bien clairs dans sa tête. Par la suite, j’ai pu travailler la danse, en laissant toujours une marge de liberté afin de tout aménager pour que le résultat soit optimal. En résumé, j’ai vécu trois mois intensifs !
L’un des points forts du film est de chasser les stéréotypes...
En effet et, pour ma partie, quel plaisir de pouvoir engager des gens si différents, loin des clichés en vigueur. Je prône cela depuis des années : mélanger les gens aux apparences différentes, cela offre une vraie richesse. Ce point était présent dans le scénario et m’a particulièrement touchée.
Une séquence fut-elle plus difficile à chorégraphier ?
Sur le principe, non, mais je citerais les parties techniques, qu’il convenait de maîtriser, comme le roller et surtout les claquettes. Ce passage, très référencé à Hollywood, au cinéma de Busby Berkeley filmé par le haut nous a donné du fil à retordre. Techniquement, il exigeait du temps pour aboutir à une véritable aisance, sachant que la technique qu’impose le cinéma n’a rien à voir avec celle d’un plateau de théâtre. L’effet visuel, le jeu sur les lignes a une grande importance pour créer la dynamique voulue par Stéphane et moi. Le son a également constitué un défi à relever. À ce titre, pour qu’au mixage on puisse bien entendre les pas, nous avons ré-enregistré les claquettes sur un bout de contreplaqué plusieurs semaines après, bien entendu sans la musique. Je rythmais et dirigeais les danseurs avec mes doigts pour que tout soit bien synchrone avec les images.

La séquence d’ouverture a-t-elle posé des soucis ?
L’enjeu était qu’il s’agissait d’un plan-séquence, tourné dans une rue en pente, avec des marches, une traversée de terrasse et pas mal de danseuses et danseurs… Rétrospectivement, ce fut un tournage magique, d’une grande fluidité malgré la complexité technique. Non seulement la météo a été avec nous grâce à un beau temps permanent – même s’il faisait froid –, et l’énergie déployée par l’intégralité de l’équipe a permis que tout se passe parfaitement. Le calme et la précision de Stéphane ont bien entendu servi de pivot pour harmoniser tout cela. Cette journée, a priori compliquée, m’a paru d’une grande fluidité.
À titre personnel, je me souviens… d’un mal de pied. Je m’étais levée tôt et, le matin, je suis un peu à côté de mes pompes. En l’occurrence j’ai enfilé sans faire attention celles que j’allais vendre car elles étaient trop petites. Avec le froid, on m’a donné des chaussettes chauffantes, ce qui n’a rien arrangé. Mais j’ai su faire face avec courage !
J’ai eu de nombreux retours de danseurs qui ont évoqué l’ensemble du tournage comme une expérience très agréable. C’est suffisamment rare pour être souligné. Je pense que tout cela tient aussi au propos du film, au regard de Stéphane.
Vous rentrez des États-Unis...
Je viens de vivre une expérience incroyable puisque j’ai chanté le 3 mars dernier lors d’un special evening au Birdland sur la 44e Rue. Voilà quinze ans, j’ai joué dans Metropolita(i)n, une revue socio-musicale franco-américaine de Barry Kleinbort, Ken Bloom et Christophe Mirambeau. En soit, une expérience extraordinaire partagée avec entre autres Vincent Heden et Liza Michael. Barry est venu à Paris et, avant même qu’il n’aille plus loin dans sa proposition, j’ai dit oui ! Il m’a alors proposé, pour cette soirée, de chanter l’une de ses chansons, « Très chic », extraite de Metropolita(i)n. Il craignait que ce ne soit pas possible, car j’interprétais Joanne dans la version en français donnée en Suisse de Company. Mais j’ai accepté, persuadée que tout pourrait bien s’organiser, ce qui fut le cas. Je suis tellement reconnaissante – et je mesure ma chance – de bénéficier de sa confiance. J’avais tellement de mal à réaliser ce qui m’arrivait que je n’en ai pas parlé avant d’être dans l’avion ! La veille du concert, j’ai vérifié qui allait être sur scène avec moi : que des gens incroyables. Autant dire que j’étais un peu nouée. Mais tout s’est super bien passé, c’était fou ! Ce fut donc ma deuxième incursion à New York et j’espère que le fameux « jamais deux sans trois » s’appliquera pour moi !
Extraits de Metropolita(i)n :