La fermeture des théâtres de Broadway depuis le 12 mars pour cause de pandémie de Covid-19 a pour conséquence une réorientation majeure des moyens de diffusion culturelle. Les projets continuent de fleurir, la création artistique ne s’arrête pas mais… le divertissement demeure avant tout une industrie et doit être absolument rentable. Puisque le spectacle vivant est à l’arrêt pour encore plusieurs mois et que l’option de limiter la jauge des théâtres ne permet pas de garantir un retour sur investissement, c’est la télévision – distanciation physique oblige – qui prend le relais.
Depuis le début du confinement, on s’est habitué à voir programmer sur des chaînes Internet comme BroadwayHD ou YouTube des spectacles et des concerts déjà existants, déjà « en catalogue » en quelque sorte. Hamilton a ouvert une nouvelle voie sur Disney+ le 3 juillet dernier, avec la mise en ligne d’un montage de plusieurs captations publiques datant de 2016 destiné initialement au grand écran : une solution logique pour continuer à engranger les bénéfices d’une œuvre existante et qui a déjà prouvé son succès. Avec l’arrivée prochaine de Diana: A New Musical sur Netflix, une nouvelle étape, significative, s’apprête à être franchie ; on bascule même dans un tout autre modèle économique, qui n’est pas sans risques. Le spectacle n’a en effet même pas eu le temps d’être présenté à Broadway – seules quelques previews ont pu être données début mars, la première au Longacre Theatre aurait dû avoir lieu le 31 mars – et la captation, dont le tournage est imminent, sera réalisée sans public.
D’un côté, on se réjouit que cette diffusion permette aux artistes et aux équipes techniques de travailler et d’être rémunérés. D’un autre côté, présenter à grande échelle un spectacle inconnu du grand public et qui n’a pas eu le temps de trouver ses marques sur une scène ne risque-t-il pas de le miner avant même qu’il n’ait pu exister pleinement – surtout que les premières critiques au moment des previews étaient plutôt défavorables ? Une fois que le public aura vu le spectacle sur Netflix, reviendra-t-il le voir au théâtre ? pas sûr. Ou, au contraire, la diffusion sur petit écran va-t-elle susciter un engouement, voire engendrer un nouveau public qui n’avait pas l’habitude de venir au théâtre ? peu vraisemblable. Les éventuels bénéfices dégagés par Netflix serviront-ils à la production scénique ? on le souhaite. Si les critiques qu’aura reçues la captation sont mauvaises, les représentations à Broadway seront-elles maintenues ? à suivre. De toute façon, comment prévoir ce que la présence simultanée, dans une salle, d’artistes et de spectateurs – seule raison d’être du spectacle vivant – pourrait produire d’adhésion, d’alchimie et de succès ? Les producteurs de Diana en sont bien conscients : « Même si rien ne saurait remplacer le spectacle vivant, nous sommes honorés d’être associé au divertissement de qualité que Netflix offre à ses abonnés dans le monde entier. » Autrement dit, le business à court terme est prioritaire, et les conséquences sur la fréquentation des salles seront étudiées lorsqu’elles rouvriront.
Diana: A New Musical s’inspire, comme on s’en doute, de la vie de la princesse de Galles, tragiquement disparue en 1997. Joe di Pietro (livret et paroles) et David Bryan (musiques et paroles) se retrouvent après avoir collaboré pour Memphis, qui leur a valu trois Tony Awards en 2010. Aux côtés de Jeanna de Waal dans le rôle-titre, la distribution comprend Roe Hartrampf (Prince Charles), Erin Davie (Camilla Parker Bowles), ainsi que la fantastique et infatigable Judy Kaye (Elizabeth II).
Aucune date précise de diffusion sur Netflix n’a été, à ce jour, communiquée ; il est seulement annoncé : au début de l’année 2021, tandis que la première du spectacle est programmée le 25 mai 2021 au Longacre Theatre. En attendant, on pourra aller visiter le site officiel du show ou se faire une idée de l’univers musical du spectacle – dont on ne sait plus s’il est encore sous-titré A True Musical Story – avec deux chansons déjà disponibles, « If » et « Understimated » :