Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty ?

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Théâtre du Petit Montparnasse - 31, rue de la Gaîté - 75014 Paris.
Mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi à 21h. Dimanche à 15h.
De 10 à 40 €. Réservations et renseignements sur le site du théâtre.

« Mes­dames, Mes­de­moi­selles, Messieurs, bien­v­enue aux Folies Arlet­ty ! Ce soir, je passe ma vie en revue !»

Qui de mieux qu’Arletty elle-même pour revis­iter sa vie ?
Ce soir, la voici maîtresse de céré­monie. Accom­pa­g­née de trois comé­di­ens et d’un musi­cien, elle nous embar­que chez elle à Courbevoie, puis au music-hall, au théâtre, au ciné­ma, on tra­verse la Belle Époque, 14–18, les Années folles, on chante, on danse, tout flam­boie, un tour­bil­lon de suc­cès, une revanche sur son passé et une vie mod­este, un seul guide : la liberté !
Et puis la Sec­onde Guerre mon­di­ale éclate, et l’amour s’invite… La voici amoureuse, d’un offici­er alle­mand ayant sa carte au par­ti nazi… Est-ce accept­able ? La lib­erté a‑t-elle des limites ?

Notre avis : Depuis le 23 jan­vi­er 2020, la gouaille d’Arletty résonne dans le Petit Mont­par­nasse. Dans une mise en scène sans temps morts signée Johan­na Boyé, servis par l’écriture fine d’Éric Bu et Élodie Menant — qui inter­prète égale­ment Arlet­ty —, les comé­di­ens font revivre cette fig­ure incon­tourn­able de la vie cul­turelle et parisi­enne. De son enfance à Courbevoie, avec un séjour en Auvergne pour rai­son de san­té, à sa mort en 1992 à 94 ans, la vie de l’artiste est donc « passée en revue » par ses soins.

La com­plex­ité du per­son­nage, tour à tour mor­dante de drô­lerie, froide, intran­sigeante, mais surtout amoureuse de la vie et de la lib­erté, transparaît tout au long du spec­ta­cle, totale­ment réjouis­sant. Le tra­vail sonore se révèle métic­uleux : en marge de sons d’ambiance illus­trant, par exem­ple, la froideur des séquences d’interrogatoire, un pianiste inter­prète nom­bre d’airs en direct, soutenus par­fois par une bande enregistrée.

Plusieurs cou­plets célèbres reflé­tant l’époque dans laque­lle ils s’inscrivent, ou des films, des opérettes dans lesquels l’ac­trice figu­ra, côtoient quelques chan­sons orig­i­nales, dont celle qui reprend le titre du spec­ta­cle. Par­mi de nom­breuses anec­dotes est dévoilée celle du y qui vint orner le pseu­do­nyme « Arlette » que Léonie Barthi­at s’était choisi comme nom de scène. Tout cela pour faire plus « angliche ». La repar­tie et l’humour de l’artiste pimentent le spec­ta­cle, sans pour autant que le pub­lic ait la sen­sa­tion d’assister à un déroulé de mots d’auteur.

Élodie Menant, donc, lui prête ses traits et l’imite sans pour autant tomber dans la car­i­ca­ture. Alter­nant drame et comédie, la comé­di­enne se mon­tre égale­ment habile danseuse. Ses parte­naires ne sont pas en reste et redonnent vie à de nom­breux per­son­nages tan­tôt célèbres (Colette, Cocteau, Jou­vet, Prévert) ou incon­nus. De belles idées de mise en scène soulig­nent avec tact les aspérités d’une vie, tel ce pre­mier amour mort durant la Grande Guerre et dont la jeune femme ne se remet­tra jamais vrai­ment. Prenant soin de met­tre en avant son passé con­tro­ver­sé durant la Sec­onde Guerre mon­di­ale, et notam­ment sa liai­son avec un offici­er alle­mand, les auteurs n’éludent pas les zones d’ombre de cette femme qui ne vécut que pour la lib­erté. Sa céc­ité qui l’a hand­i­capée durant les trente dernières années de sa vie ne l’empêcha nulle­ment d’y voir clair. Il y a fort à pari­er qu’elle aurait aimé cet hom­mage. Et l’atmosphère, dans tout cela ? Elle se révèle fausse­ment légère et, lorsque la fameuse réplique d’Hôtel du Nord résonne devant un Mar­cel Carné iras­ci­ble et enfin con­tent du jeu de ses acteurs, la salle ne peut s’empêcher d’applaudir. Ce spec­ta­cle a‑t-il une gueule de suc­cès ? Assurément.

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