Événement marquant de cet été, Evita, comédie musicale culte des années 80 créée par Andrew Lloyd Webber accompagné de son parolier Tim Rice, fait son grand retour dans le West End. Le duo s'était déjà fait connaître dès 1971 en montant à New York Jesus Christ Superstar qui allait révolutionner le genre. Entre théâtre musical et opéra, ils récidivent en s'emparant du destin tragique d'Eva Perón dans un récit biographique qui les propulse définitivement dans la cour des grands. Entièrement chanté, un concept album voit le jour en 1976. La production londonienne démarre au Prince Edward Theatre en 1978 avec Elaine Paige (dirigée par Harold Prince) et totalisera plus de 3 000 représentations. Patti Lupone incarnera l'icône adorée de son peuple en 1979 à New York, tandis que Mandy Patinkin endossera celui de Che Guevara : un succès également fracassant qui vaudra à l'œuvre sept Tony Awards, dont celui du meilleur musical. On note une reprise à Londres en 2006 avec Elena Roger, actrice et chanteuse argentine, à l'Adelphi, puis à New York en 2012. Le cinéma se sera entre-temps emparé du personnage en 1996. Madonna et Antonio Banderas seront les vedettes d'un film réalisé par Alan Parker, qui divisera malheureusement critique et public.
Notre avis : Pour cette reprise attendue d'Evita, nous étions impatients de découvrir le travail du metteur en scène Jamie Lloyd – acclamé en 2023 pour un Sunset Boulevard monté au Savoy puis transféré l'année suivante à Broadway. La réussite s'avère éclatante à tous points de vue !
La distribution, dont on pouvait quelque peu douter, notamment par le choix – nullement laissé au hasard – de la jeune Rachel Zegler, convainc totalement. Nous l'avions précédemment appréciée dans le West Side Story de Spielberg, où elle incarnait une touchante Maria, montrant déjà un talent aussi complet que prometteur comme chanteuse, danseuse et comédienne. Il fallait oser représenter une Evita en tenue short, brassière et bottes (tantôt noire, tantôt lamé or) qui met indéniablement en valeur son irréprochable plastique. Son partenaire Diego Andres Rodriguez (Che) n'est nullement en reste, avec son physique acrobatique (digne d'un champion olympique), qui rehausse encore ses indéniables talents artistiques.

Il faut dire que le show sublimement chorégraphié par Fabian Aloise (déjà aux manettes pour Sunset Boulevard) et magiquement éclairé par Jon Clark nous électrise dès le début ! Osons cependant un petit bémol : les spectacles musicaux ont aujourd’hui malheureusement tendance à être trop sonorisés, sans que l’on comprenne pourquoi... Entouré par une vingtaine de danseurs.se.s, le spectacle dépourvu de décors fait la part belle à la danse, atout majeur de l'entreprise. James Olivas campe un solide Perón tandis que Aaron Lee Lambert se fait remarquer en Agustín Magaldi par son irrésistible charisme. La séduisante Bella Brown incarne avec brio la Mistress ; elle a par ailleurs le privilège d'être la seconde Evita pour certaines représentations.
L'apparition d'Evita au balcon du Palladium pour chanter "Don't Cry for Me Argentina" fait sensation, devant un parterre de curieux massés qui peuvent ainsi rendre hommage à leur présidente... ou à leur star ! Le spectacle, limité à une exploitation de trois mois, continuera sans nul doute sa route, certainement vers Broadway : nous ne serions pas étonnés de le retrouver en lice pour de nombreuses récompenses l'an prochain.